Bienvenue à Nollywood, deuxième producteur mondial de films
Lagos et Port Harcourt (Nigeria) Envoyée spéciale
Alors que le cinéma nigérian ne parvient pas à s’imposer dans les festivals internationaux, un festival de cinéma itinérant est venu jusqu’à lui. La ville de Port Harcourt a accueilli du 9 au 12 décembre la sixième édition de l’ION International Film Festival, créé en 2004. Il s’agissait de mettre à l’honneur "Nollywood" (mot-valise rassemblant Nigeria et Hollywood). En nombre de films sortis chaque année, le Nigeria est aujourd’hui le deuxième producteur de films au monde, après Bollywood (l’industrie cinématographique indienne) et avant Hollywood.
Le gouverneur hôte du festival ne s’en est pas caché, son but était de donner une image positive de la très riche région pétrolière qu’il dirige, connue surtout pour ses enlèvements, ses rebelles et ses catastrophes écologiques. Champagne, tapis rouge et projections. Arrivées de Lagos, capitale du cinéma nigérian, quelques stars nollywoodiennes pleines d’optimisme étaient même venues annoncer une nouvelle ère du cinéma nigérian.
Quelques jours auparavant à Lagos, une femme en robe de mariée attend dans le parking sombre d’une église de Surulere, ce quartier de Lagos où les tournages de films s’enchaînent et les maisons de production s’entassent. Des vaches paissent, une bonne soeur passe. La mariée du parking est interprétée par Genevieve Nnaji, la star de cinéma la mieux payée du Nigeria. Elle s’apprête à monter dans la voiture qui l’emmènera sur le prochain décor du film réalisé par Mahmood Ali-Balogun. Il est sur les nerfs. C’est le dernier jour de tournage du film à plus gros budget de sa carrière : Tango With Me.
Nollywood produit plus de mille films par an. Les tournages durent une dizaine de jours, leur budget moyen est de 12 000 euros et les films sortent essentiellement en CD ou DVD plutôt que sur grand écran. Mais, pour Tango With Me, Mahmood Ali-Balogun a d’autres ambitions que de le voir atterrir d’ici quelques semaines sur les étals des marchés nigérians, des pays voisins ou des boutiques de la diaspora, à Londres ou New York.
Il veut présenter son film à Cannes en mai 2010. Tango With Me n’a donc rien d’un tournage classique nigérian : le cinéaste a investi près de 200 000 euros, a préparé le script pendant deux ans, loué une caméra 35 mm, tourné durant cinq semaines et embauché cinq Américains, venus de Los Angeles. "Faire des films est une passion, explique Mahmood Ali-Balogun, mais, pour gagner assez d’argent et produire de tels films, je fais surtout des documentaires pour des ONG, des entreprises pétrolières et le gouvernement. Je n’ai pas le choix : il n’existe aucune subvention pour le cinéma."
Née dans les années 1990, l’industrie nollywoodienne est plus réputée pour sa facture artisanale que pour sa qualité. La production est financée par des particuliers, quasi intégralement dominée par la home-video, tournée avec de petites caméras numériques dans les appartements d’amis ou de voisins, au son de l’indispensable générateur pour pallier les fréquentes coupures d’électricité.
(Pour voir les bandes-annonces de certains des grands succès du cinéma nigérian à petit budget, cliquer ici, ici ou là)
Résultat, les films tiennent plus de la série Z que du cinéma. Leur mauvaise qualité technique les rend indiffusables sur grand écran et les empêche de concourir dans les festivals internationaux. "Nous faisons des films d’abord pour les gens et pas pour les jurys, défend l’actrice Genevieve Nnaji. Nous avons un immense succès ! On me reconnaît même à l’aéroport de Bombay !"
(Pour voir des bandes-annonces et extraits de films avec Genevieve Nnaji, cliquer ici, ici ou là)
Aujourd’hui, le marché est en pleine évolution. D’après Emeka Mba, directeur du National Film and Video Censors Board, les rangs de la classe moyenne nigériane grossissant, la demande se fait plus exigeante. "Les gens veulent retourner dans les salles de cinéma, qui ont fermé les unes après les autres depuis les années 1980." Mais, il le concède, il n’y a pas encore de cadre formel, pour les demandes de subventions comme pour la maîtrise des circuits de distribution. Les producteurs et les distributeurs, souvent tenus pour responsables de la médiocrité des films, accusent, eux, le piratage et le laxisme du gouvernement, qui les empêchent de gagner l’argent qui leur permettrait d’investir dans des projets d’envergure.
"Quand un film sort, il est piraté au bout de quelques jours, se désole le jeune réalisateur Kunle Afolayan. Les films nigérians ne rapportent plus d’argent ! Voilà pourquoi, pour moi, le Nollywood qui est né il y a plus de quinze ans est bel et bien mort." Comme son aîné Mahmood Ali-Balogun, il a dû trouver des financements annexes – il a vendu sa voiture, emprunté à ses amis, obtenu un crédit dans une banque sous un faux prétexte et s’est lancé dans le placement de produits. Il a aussi fait le pari de la projection dans les cinémas. Sorti en octobre dans les quelques récents multiplexes du pays, son dernier film, The Figurine (voir ici la bande-annonce du film), lui a déjà permis de rembourser ses dettes. "S’il y avait eu ne serait-ce qu’une quarantaine de cinémas au Nigeria, j’aurais déjà pu gagner de l’argent !" Kunle Afoloyan cherche désormais à distribuer dans le monde entier son film, devenu un blockbuster nigérian.
Il fait partie de cette minorité de réalisateurs nigérians qui, sans rougir de l’étiquette Nollywood, ne la revendiquent pas et veulent voir plus loin que le marché noir et les bénéfices dérisoires. "On entre dans une nouvelle ère avec ces cinéastes, assure Emeka Mba avec optimisme. Dès l’année prochaine, on devrait avoir une dizaine de films aux normes internationales, cela devrait faire émerger un peloton de tête et tirer la production vers le haut. L’énergie débordante qui a toujours caractérisé Nollywood doit maintenant servir à refonder l’industrie du cinéma."
Elisa Mignot
Article paru dans l’édition du 26.12.09
Source: LE MONDE
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