Une bourse pas en mesure de couvrir les charges les plus élémentaires et qui tombe de manière irrégulière, un déficit d’information criard aux nouveaux bacheliers sur les conditions d’hébergement… autant d’écueils qui jonchent le parcours des étudiants au Maroc. Toutefois, la solidarité est érigée en rempart pour s’en sortir.
La démarche nonchalante, le sourire toujours au coin des lèvres, Abdou Dieng ne reste pas 30 secondes à un endroit. Etudiant en économie au Maroc depuis deux ans, il dirige la section de Casablanca de l’Union générale des étudiants et stagiaires sénégalais au Maroc (Ugesm). A ce titre, il coordonne l’équipe d’étudiants chargée d’accompagner les participants à la troisième édition de la semaine du Sénégal au Maroc organisée par l’Association des ressortissants sénégalais résidents au Maroc. Habillés en tee-shirt floqués du logo de l’Aserem, les étudiants ne passent pas inaperçus et ne ménagent aucun effort pour faciliter la tâche à leurs compatriotes venus fraîchement du Sénégal et pour la réussite de l’événement.
Ils forment une colonie de 300 à 350 étudiants sénégalais installés dans la capitale économique du Royaume Chérifien, dont la majorité est constituée de filles. Un nombre qui connaît une fluctuation à cause du nombre d’étudiants du privé dont certains ne sont pas recensés. Leur existence à Casablanca et comme partout ailleurs au Maroc est marquée du sceau de la débrouille et de difficultés qui ont trait à la faiblesse du montant des bourses pour se payer un logement correct, à l’irrégularité de la bourse et surtout à l’absence d’information sur les conditions d’hébergement et les conditions de vie au Maroc.
Mais ils ne sont pas tous logés à la même enseigne. Parmi les étudiants sénégalais vivant au Maroc, il faut distinguer ceux venus par le canal du ministère de l’éducation, ceux qui viennent par le canal du ministère des Affaires étrangères et ceux venus par leurs propres moyens et qui s’inscrivent dans le privé. Pour les premiers, il leur est fait l’obligation d’obtenir au moins la mention assez bien au bac. Ils bénéficient selon Abdou Dieng, d’office d’une bourse de l’Etat du Sénégal d’un montant de 9000 Dirhams soit 585000 francs cfa par an, versée en fin d’année pour les étudiants de 1e et 2e année et par tranches à partir de la 3e année. Quant à ceux venus par le canal du ministère des affaires étrangères, ils ne bénéficient de cette bourse qu’en 2e ou 3e année.
Mais toutes les deux catégories bénéficient de la bourse de l’Agence marocaine de coopération internationale (Amci) qui est de 1500 dirhams tous les deux mois pour le public. Une vraie bouffée pour ces étudiants qui trouvent ces montants en très net déphasage avec le niveau de vie assez relevé de Casa. « Rien qu’un appartement coûte mensuellement la somme de 2500 dirhams (162500 francs Cfa) à l’étudiant qui n’a pas pu trouver une chambre au campus » nous confie Ibrahima Ndiaye étudiant en première année en droit à l’université Hassan II Ain Chock. Arrivée cette année, boursier du ministère des Affaires étrangères, il n’a pu trouver une chambre au campus qu’au mois de décembre.
La dégaine d’un rappeur, Ibrahima a durant ses trois premiers mois dormi à Oulfa, le quartier des étudiants sénégalais qui viennent juste d’arriver avant de dénicher une chambre au campus à 400 dirhams (26000 francs Cfa) l’année, là où il a fallu à Abdou, faire « cinq demandes pour décrocher une chambre au campus en deuxième année ». « Venir étudier au Maroc et ne pas passer par Oulfa c’est comme aller à Paris et ne pas visiter la tour Eiffel » déclare-t-il comme pour positiver les difficultés qu’il a connues à son arrivée. Et qu’il continue de vivre car jusqu’à présent, il n’a pas encore perçu la bourse que doit lui verser l’Etat du Sénégal. Pour l’instant il se débrouille avec la bourse de l’Amci et des efforts financiers que consentent ses parents vivant à Niarry Tally. Il n’est pas seul dans ce cas car la bourse du Sénégal tarde à être payée. Selon les étudiants, elle ne l’a été que partiellement en avril, mais pour la grande majorité, elle attend toujours de percevoir la bourse.
Face aux dures conditions sociales qui les étreignent, seule la vie en communauté leur permet d’échapper aux affres de l’éloignement et des difficultés financières. En effet, s’ils ne logent pas au campus, les étudiants prennent souvent à trois en location un appartement dont ils se partagent le loyer, l’électricité et la nourriture.
Même s’ils n’ont pas de problème d’intégration, ces étudiants disent souffrir d’une xénophobie en sourdine. Des vexations au quotidien que leur font subir les conducteurs de taxi « qui nous ignorent dès fois » et certains individus qui leur collent le terme péjoratif et insultant de « Azi : black, ou africain ». Même si pour Ramatoulaye Guéye, le phénomène est marginal et est le fait d’analphabètes. Venue cette année à Casa, Ramatoulaye étudie dans le privé. Elle est inscrite en première année à l’Institut supérieur d’électronique et des réseaux et télécommunications. Contrairement à ses compatriotes du public, elle ne bénéficie pas de bourse encore moins d’aide. Pour s’acquitter de ses frais scolarité d’un montant mensuel de 3000 dirhams (195000 francs Cfa), et de sa participation au frais de location de 1000 dirhams (65000 francs Cfa), elle ne compte que sur ses parents. Elle dit avoir choisi le Maroc pour la qualité des études mais aussi « pour apprendre à être responsable, et aller à l’école de la vie ».
Cette année, pour parer au déficit d’information de la direction des bourses sur les conditions d’hébergement, certains étudiants sénégalais ont décidé de tout faire pour rentrer au Sénégal pendant les vacances universitaires et prendre contact avec les nouveaux bacheliers afin de les édifier sur les conditions d’existence. Même si aucune réponse positive n’est encore venue de l’ambassade ou du consulat sollicités pour quelques billets, ils ont la ferme détermination de rentrer après la publication de leurs résultats, prévue en début juillet, pour éclairer la lanterne de leurs cadets. Toujours au chapitre des difficultés sociales qu’ils subissent, figure l’absence de prise en charge médicale en cas de maladie sans compter les problèmes de fournitures. Les plus chanceux, sont ceux qui trouvent du boulot dans les centres d’appel, où ils peuvent gagner entre 3500 et 4000 dirhams (227500 et 260000 francs Cfa) par mois.
Toutefois, si les conditions sociales laissent à désirer, les conditions d’étude ne souffrent pas d’impairs. « L’enseignement est de bonne qualité et nous ne connaissons pas la grève. Les seuls jours fériés sont la Tabaski, la Korité et le maouloud » note prési Abdou comme on l’appelle affectueusement ici.
Faisant une projection sur l’avenir, Abdou, le natif de Grand Médine, compte après l’obtention de son diplôme, rentrer au bercail après avoir acquis quelques années d’expérience au Maroc. Pour cela, il compte sur la collaboration qui les lie l’Ugesm à l’Aserem pour bénéficier de stages, lui et ses condisciples.
Quant à Ibrahima, rentrer au Sénégal ne le branche pas trop à cause des échos non rassurants qui lui viennent du pays sur le chômage massif des jeunes sénégalais. Son master en droit international public en poche, il compte s’installer dans le royaume si la situation est favorable. Sa préoccupation du moment, c’est de réussir à son examen. Et d’aller en vacances au pays, mais ce dernier souhait n’est pas prêt de se réaliser, car les moyens font défaut. Peut être que si la bourse venait à tomber…
Mamby DIOUF (Envoyé spécial au Maroc)
13 juillet 2009
Source: http://www.lagazette.sn