Les étudiants africains oubliés par l’Europe ?
Étudiant gabonais, Hubert Edzodzomo Ondo termine son doctorat de littérature espagnole. A deux semaines des Européennes, il nous livre ses réflexions.
Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l’Europe, l’Europe, l’Europe !… Mais cela n’aboutit à rien. Et cela ne signifie rien.
La célèbre tirade gaullienne se moquait de ceux qui décrètent l’Europe. Il y a aussi ceux qui, comme Hubert Edzodzomo Ondo, vivent l’Europe au quotidien.
« Je suis arrivé en France le 17 novembre 2005. Il faisait 2 °C et j’arrivais du Gabon avec 28 °C », se souvient l’ex-président 2007-2008 de l’association Samba’a, des Gabonais de Touraine. Grâce à une bourse gouvernementale de son pays et à la CAF, il boucle le petit budget mensuel qui lui permet de terminer ses études et de vivre à la résidence universitaire du Crous à Grandmont. L’année prochaine, à 30 ans, il soutiendra sa thèse sur la condition de la femme en Guinée Équatoriale et au Chili.
Comme tous ses camarades africains, il ne se plaint pas car il n’oublie pas la misère de son pays, même s’il s’avoue un privilégié de Bitam, (« les puits » en langue fang), une région fertile du Nord, proche du Cameroun. Orphelin de père, il a laissé sa maman au pays, et compte bien rentrer après ses études. Une exception car, dit-il, « 90 % des étudiants africains veulent rester en France ».
« Nous sommes appelés à diriger nos pays, à les sortir de la léthargie. L’Europe ? Je la découvre car chez nous, l’Union africaine, n’est pas comparable. Elle manque de moyens financiers et humains et se pose la question de la légitimité des chefs d’États. L’Europe ? J’aimerais qu’elle n’oublie pas l’Afrique ! La décolonisation entre le Gabon et la France s’est bien passée mais aujourd’hui, la France se désengage… Les Chinois ont pris la suite et ils sont très nombreux à Libreville. Ils ont construit l’Assemblée nationale, mais c’est de mauvaise qualité ! Nos autorités ne peuvent rien imposer et il faudrait plus de concurrence. Sur la situation au Darfour, c’est le veto chinois qui a empêché les résolutions de l’ONU. »
Il faudrait
un Erasmus
en Afrique
Et Hubert met en avant une structure comme l’Ohada (Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires) « qui permet de relever les défis de demain », mais cette structure, encore fragile, ne rallie que seize États sur un continent qui en compte 48…
A propos des études supérieures, Hubert vante les qualités du dispositif Erasmus : « Il fonctionne à merveille et il faudrait un système comparable avec l’Afrique car notre développement passera par la formation. Mais chez nous, cela coûte très cher. Les familles sont obligées de s’endetter. J’ai passé mon master au Gabon mais il m’a fallu trouver une inscription en France. Rien que pour se connecter sur Internet, cela revient très cher. Il faut appeler, suivre son dossier, faire des démarches. Et au Gabon, on a aussi nos grèves. En 2001-2002, l’année universitaire a été blanche ! »
Élu des conseils des résidences universitaires, Hubert multiplie les initiatives pour faciliter la vie des étudiants étrangers : « Depuis 2005, on demande d’avoir une connexion Internet dans chaque chambre. Ça sera effectif à la rentrée de septembre ! »
Propos recueillis par Thierry Noël
http://www.lanouvellerepublique.fr
22 mai 2009