Quand les plates-formes téléphoniques fleurissent en Afrique –par Nafi Diouf–
Source : http://permanent.nouvelobs.com
AP | 02.08.04 | 15:56
DAKAR (AP) — Pour les clients français qu’elle sollicite toute la journée au téléphone, «Dominique Mercier» est une vendeuse d’abonnement téléphonique comme les autres. Pourtant, elle n’appelle ni de la banlieue parisienne ni de province, mais de Dakar, au Sénégal: elle travaille pour une de ces nombreuses compagnies qui délocalisent leurs plates-formes d’appel en Afrique ou en Asie pour réduire leurs coûts, et, accessoirement, créer des emplois dans les régions concernées.
A la fin de la journée, «Dominique Mercier» met de côté son principal outil de travail: son accent français digne d’une vraie Parisienne. Et elle reprend sa véritable identité: Fatou Ndiaye, 32 ans, diplôme d’études supérieures, en ligne, comme des milliers d’autres opératrices sénégalaises, toute la journée avec la France, à quelque 6.000 kilomètres de Dakar.
«Quand j’ai postulé à cet emploi, je ne savais pas de quoi il s’agissait, ni à quoi m’attendre», explique Fatou. Elle dirige aujourd’hui une équipe d’une douzaine d’opératrices qui, au-delà de leur origine, religion ou coutumes vestimentaires, ont toutes une chose en commun: les écouteurs téléphoniques.
Même si on est encore loin des centaines de milliers d’emplois délocalisés d’Europe ou des Etats-Unis vers l’Inde, la Chine, la Malaisie et les Philippines, l’Afrique de l’Ouest attire de plus en plus les entreprises souhaitant réduire leurs coûts via la sous-traitance. Pour les séduire, le Sénégal mise sur plusieurs facteurs: sa stabilité politique -phénomène rare dans la région- ses bas salaires, la jeunesse de sa main d’oeuvre…
«En plus, ici on peut avoir le meilleur accent français», précise Abdoulaye M’Boup, directeur adjoint de la plate-forme d’appel à Dakar de Premium Contact Center International (PCCI), la société franco-sénégalaise qui emploie Fatou.
Dans ses bureaux, quelque 600 employés, âgés de 20 à 25 ans et tous titulaires au minimum d’un diplôme universitaire, travaillent jusqu’à 40 heures par semaine, dotés d’un pseudonyme français et entraînés à avoir le meilleur accent possible.
Le salaire de départ est d’environ 165 euros par mois. Les plus productifs peuvent espérer grimper jusqu’à 415 euros, plus les primes, une aubaine dans un pays où le salaire moyen est de 70 euros. «Vous imaginez, quand j’ai débuté, je gagnais plus que mon père», un fonctionnaire, explique Fatou.
Créée notamment grâce à un prêt d’une banque de développement ouest-africaine, la plate-forme profite de coûts de fonctionnement 30% moins chers qu’en France et compte encore embaucher cette année, selon Abdoulaye M’Boup.
Il existe aujourd’hui quatre plates-formes d’appels téléphoniques au Sénégal -PCCI, Call Me, Access Value et Center Value- qui proposent des services d’après-vente et de maintenance, la plupart du temps pour des entreprises françaises.
De manière générale, l’Afrique de l’Ouest, où, côté anglophone, c’est le Ghana qui occupe la première place dans ce genre d’activités, arrive encore loin derrière l’Inde, numéro un mondial de la sous-traitance. En France, seulement 2% des emplois d’opérateurs téléphoniques sont délocalisés, selon CESMO, cabinet indépendant de conseil dans le domaine des nouvelles technologies. AP