Colloque International sur « Les enjeux de la mémoire face à la tragédie de la traite négrière et de l’esclavage »
4 décembre 2004, UNESCO
Le rapport au passé a toujours été au centre de la définition et de la construction des identités aussi bien nationales, communautaires qu’individuelles. Plus que jamais, la question de la mémoire que l’on devrait garder du passé, et plus particulièrement des tragédies historiques, interpelle les différentes disciplines des sciences sociales et humaines qui y trouvent à la fois un objet d’étude et un domaine d’intervention.
Le rapport à cette mémoire douloureuse est généralement appréhendé sous trois angles différents selon les enjeux sur lesquels on voudrait mettre l’accent :
•la réflexion sur l’histoire et son écriture avec le souci de faire ressurgir ce que l’historiographie académiquement convenue et/ou politiquement autorisée a pu ignorer ou faire taire ;
•l’analyse des processus historiques de domination et d’exploitation et de leurs conséquences sur les formes contemporaines d’inégalité en vue de définir des responsabilités pouvant conduire à un redressement de ces préjudices historiques ;
•la réflexion sur les héritages douloureux, sur leur place dans la mémoire collective, y compris dans ses formes les plus institutionnalisées, et sur la portée morale, politique et psychologique de leur commémoration dans le processus de réconciliation nationale et internationale.
Ces trois dimensions du rapport à la mémoire ont été largement visitées pour certains cas tels que l’holocauste perpétué par les Nazis. Mais paradoxalement, pour la traite négrière qui constitue une des plus grandes tragédies de l’humanité, les analyses restent encore souvent frileuses et fragmentaires. Un certain silence est maintenu sur beaucoup d’aspects de cette histoire qui empêche les chercheurs de questionner les discours de bonne conscience sur la traite négrière.
Ce colloque se propose donc de comprendre les enjeux de la mémoire liée à la traite négrière et à l’esclavage en explorant les interactions entre ces trois dimensions – révisions historiographiques, éthique de la responsabilité et mobilisation identitaire pour une reconstruction des mémoires collectives – en faisant se confronter les interprétations des différentes disciplines des sciences sociales et humaines. Au-delà des transformations globales que la traite négrière a pu provoquer, le colloque invite à effectuer des comparaisons, dans le temps et l’espace, des réponses données aux questions éthiques, philosophiques, politiques, socioculturelles et psychologiques soulevées par cette mondialisation de l’exploitation.
•Quels sont les points de consensus et les sujets de controverses, les zones défrichées et les parts d’ombre sur la traite négrière et l’esclavage ? Quelles sont les principales thèses en présence ?
•Comment l’histoire de l’esclavage, comme forme de domination et comme mode de production et de reproduction s’inscrit-elle dans l’histoire des sociétés affectées et plus généralement dans l’histoire de l’humanité ?
•Quel est le rapport à cette mémoire pour les différents acteurs et quelles stratégies mettent-ils en place pour en détenir le monopole de son interprétation ?
•Quels sont les enjeux de cette mémoire, les formes de mobilisation, les connexions transnationales qui lui donnent une dimension universelle et contemporaine ?
•Quelles politiques de commémoration sont mises en place dans les différents pays concernés par cette tragédie ?
•Au delà de la désignation des « bénéficiaires » et des « victimes » du commerce honteux, quels sont les enjeux éthiques d’une véritable prise en compte de la responsabilité et du devoir de mémoire à l’échelle universelle face à cette histoire douloureuse ?
À cet ensemble de questions, le colloque se propose d’offrir un cadrage dont la conception est d’emblée comparative et interdisciplinaire. Le programme, dont une version provisoire figure ci-après, sera structuré autour de trois blocs qui reflètent les apports des différentes disciplines des sciences sociales et humaines :
•l’historiographie : ce que l’on sait de cette tragédie, ce que l’on ignore et ce que l’on tait ;
•les enjeux éthiques, politiques, éducatives et juridiques d’une intégration de cette histoire dans la mémoire collective nationale et internationale ;
•le travail à accomplir et les stratégies à développer au présent pour mieux assumer les responsabilités collective et individuelle face à cette tragédie du passé et « trouver la force de regarder demain » selon l’expression d’Aimé Césaire.
Ce colloque invite enfin à engager la réflexion sur la nécessité de passer du « devoir de mémoire » incombant aux nations pour mieux assumer leur histoire au « droit à la mémoire » exigé par les citoyens afin de mieux s’inscrire dans l’avenir de leur société.
Venant au terme de 2004, Année internationale de commémoration de la lutte contre l’esclavage et de son abolition, ce colloque se propose également de marquer le début d’un effort collectif de recherche tirant partie de toutes les ressources des sciences sociales et humaines. D’ores et déjà, trois prolongements à cette rencontre sont envisagés :
•la publication d’éléments issues du colloque avec pour objectif d’indiquer les chantiers de recherche à ouvrir : certaines des contributions sur les enjeux éthiques et politiques paraîtront dans un dossier thématique en cours de préparation pour la revue trimestrielle française Critique internationale, pour une parution courant 2005. L’intégralité des travaux du colloque, associés à d’autres contributions, paraîtront également dans un numéro thématique de la Revue internationale des sciences sociales (n° 187, mars 2006) ;
•la préparation, à partir des pistes ouvertes par le colloque, d’une manifestation de plus grande ampleur, permettant une couverture géographique et disciplinaire plus large et une meilleure relation entre approches universitaires et non-universitaires, qui pourrait se tenir fin 2006 ;
•la mise en place, sur une base informelle dans un premier temps, d’un réseau de recherche thématique qui permettre la capitalisation et la circulation des travaux et des problématiques, dans une perspective à la fois internationale et interdisciplinaire.
Colloque international
« Les enjeux de la mémoire face à la tragédie de la traite négrière et de l’esclavage "
4 et 5 décembre 2004, Salle IV, UNESCO, Paris
Programme Provisoire
Journée du 4 décembre
8. 30 – 9. 00 :
Enregistrement et accueil des participants
9. 00 – 9. 10 :
Mot de bienvenue par le représentant du Directeur général de l’UNESCO
9.10 – 9. 20 :
Intervention du Président de la Conférence générale de l’UNESCO
9. 20 – 9. 30 :
Notes introductives par le modérateur, le Délégué permanent du Bénin M. Olabiyi Yai
Première session :
Savoirs, ignorances et silences sur la traite négrière
9. 30 – 11. 30 :Interventions par :
•Joseph. E Harris, Professeur d’histoire, Howard University Etats-unis
•Mme Susana Baca, Chanteuse, Pérou,
•Rex Nettleford, Vice Doyen, University of West Indies, Jamaïque
•Mme Sheila Walker, Directrice Centre des études africaines et africaines américaines, Université de Texas, Austin, Etats unies
•Libia Grueso Castleblanco, Colombie, confirmée
11. 30 – 11. 45 : Pause café
11. 45– 12. 00 :Introduction des débats par le commentateur (Claude Ribbe, France, confirmé)
12. 00 – 13.00 ébats
13. 00 – 15. 00 éjeuner
Deuxième session :
Réponses éthiques, juridiques et politiques
15. 00 – 17. 00 :Interventions par
•Anthony Holiday, Afrique du Sud, confirmé
•Louis Sala-Molins, France, confirmé
•Jean-Claude Williams, Martinique confirmé
•Mme Shihan de Silva Jayasuriya, Sri Lanka, confirmée
•Mme Aisha Bilkhair, Emirats Arabes unis, confirmée
17. 00 – 17. 15 :Pause Café
17. 15 – 17. 30 Introduction des débats par le commentateur (Jean-Michel Deveau, France, confirmé)
17. 30 – 18. 30 ébats
Journée du 5 décembre
Troisième session :
Stratégie d’action pour se souvenir et prévenir
9. 00 – 11. 00 :Interventions par :
•Howard Dodson, USA, confirmé
•Dr Carlo Sterlin, Haiti, confirmé
•Ricardo Pereira, Perou, confirmé
•Laennec Hurbon, Haití, confirmé
•Mme Sylvie Serpin, France, confirmée
•Mme Christiane Taubira, France, confirmée
11. 00 – 11. 15 :Pause café
11. 15 – 11.30 :Introduction des débats par le commentateur (Nelly Schmidt confirmée)
11. 30 – 12. 30 ébats
12. 30 – 13. 00 :Clôture du colloque : conclusions par le modérateur