Centrafrique: un pays déchiré
Par Mike Thomson, de la BBC
20/12/08
Un cessez-le-feu est d’ores et déjà en vigueur en République centrafricaine, mais il est souvent violé. Le gouvernement de Bangui ne contrôle guère que la moitié du pays environ. De plus, les voisins de la RCA (Soudan, RDC, Tchad) sont eux-mêmes secoués par des conflits violents. Et certains observateurs redoutent de voir le pays devenir une "nouvelle Somalie".
Les protagonistes
A la table des négociations, de ce dialogue national, le président Bozizé avait devant lui trois des principaux groupes de rebelles.
Certains d’entre eux veulent retrouver le pouvoir qu’ils détenaient et dont ils avaient été chassés par le coup d’état de François Bozizé en 2003.
D’autres rebelles protestent contre le fait que, selon eux, le régime en place néglige presque totalement la population rurale, laissée pour compte.
Une force de maintien de la paix de l’Union européenne effectue des patrouilles dans la région de Birao, dans le nord-est de la RCA. Ses effectifs se montent à 3000 hommes, ce qui en fait le contingent le plus important que l’UE ait jamais déployé, et les Nations unies envisagent un renforcement éventuel.
Les Européens
Le capitaine Noël-Noël Uchida, qui commande une des patrouilles, avertit: "nous ne savons jamais à quoi nous devons nous attendre, et il se peut que nous nous trouvions face à un véhicule rebelle. Nous sommes donc toujours prêts à ouvrir le feu si nécessaire".
Le recours à la force n’est pas écarté, selon le capitaine Uchida: "j’ai des mortiers" dit-il, "des missiles anti-chars, et tout l’armement dont j’aurais besoin pour accomplir notre mission si la situation venait à s’aggraver".
Mais les rebelles et les groupes armés contrôlent les zones rurales, les forces européennes ne s’aventurant que rarement en dehors de la sécurité (relative) des villes.
Exactions
La France -l’ancienne puissance coloniale- a des intérêts importants dans le pays, surtout dans son industrie d’extraction d’uranium. Et elle assure la formation de troupes centrafricaines pour faire face au danger rebelle.
Ces forces gouvernementales, les FACA, semblent avoir grand besoin de cette aide. Leurs effectifs ne sont que de 5000 hommes environ, des soldats souvent mal équipés pour patrouiller dans une zone immense et instable.
Aux termes d’un accord régional, d’autres pays de la région tels que le Tchad, le Soudan, et le Cameroun ont déployé des forces dans le secteur pour leur prêter main-forte.
Mais on a déjà signalé des incidents graves liés à ces troupes étrangères. Des soldats tchadiens par exemple sont accusés d’avoir lancé des raids et commis des actes de pillage dans la zone qu’ils sont, pourtant, chargés de protéger.
Des troubles graves se sont produits également dans le sud de la RCA, où des éléments du groupe rebelle de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) venues de RDC se sont livrés à des massacres, des enlèvements, et des viols contre des civils, aussi bien adultes que mineurs.
Les troupes gouvernementales, les FACA, sont elles aussi accusées de violations des droits de l’homme.
Les FACA en accusation
Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, a récemment condamné ce qu’il a appelé la "culture d’impunité" qui selon lui avait laissé aussi bien les FACA que les rebelles libres de commettre des exact ions effroyables contre les civils.
Mais la ministre centrafricaine des affaires sociales, Marie Solange Pagonendji, affirme que les soldats gouvernementaux ne font que se défendre contre des attaques rebelles.
D’autre part, des petits groupes d’autodéfense sont apparus, pour tenter de protéger les communautés locales. Dans la petite ville de Talay, par exemple, un membre d’une de ces unités explique: "nous étions régulièrement attaqués sur les routes par des bandes armées qui avaient une base non loin d’ici".
"Ils attaquaient les villageois et prenaient des otages" ajoute-t-il, "et menaçaient de les tuer à moins de recevoir de l’argent, parfois des sommes importantes, et les gens n’avaient pas de quoi les payer. Alors nous nous sommes procurés des armes, et nous les avons chassés d’ici".
Un avertissement
Mais nombreux sont ceux qui, comme le lieutenant-colonel Mathieu Mobilignawa, gouverneur militaire de Birao, qui s’inquiètent de voir ces milices d’importance si réduite accroître encore davantage le nombre des armes dans un pays déjà inondé d’armements de toute sortes.
"S’il n’y a pas de développement, il n’y aura pas d’argent, pas d’emplois", déclare-t-il, "et les gens s’armeront ne serait-ce que pour survivre".
Dans ce cas, selon le lieutenant-colonel Mathieu Mobilignawa, "ce sera une guerre entre les plus forts et les plus faibles.Les plus forts trouveront à manger, les faibles non. Les forts tueront les faibles. Ce sera comme la jungle".