Les étudiants africains au chômage en Allemagne
Séphora Kengne
Source : http://www.wagne.net/messager/messager/1395/chomage.htm
Edition du 02/08/2002
Les immigrés africains inscrits dans les universités allemandes n’arrivent plus à trouver de petits boulots accaparés par les chômeurs d’Europe de l’Est.
Mayence, capitale de l’Etat de la Rhénanie Pilatsie en Allemagne. Il est six heures trente du matin. Le temps, peu clément en cette matinée estivale, est gris. Le vent souffle, accompagné d’une pluie fine qui dégouline le long des planètes. Mikhael et Stoichkov, deux Polonais musclés, ne semblent pas s’en soucier. Ils marchent vite pour arriver avant sept heures à la gare centrale où ils sont manoeuvres sur les chantiers de construction.
Depuis bientôt cinq ans, arrivent ainsi massivement en Allemagne des gens d’Europe de l’Est, à la recherche d’emplois temporaires ou saisonniers. Polonais, Tchèques, Yougoslaves, Roumains travaillent sur les chantiers de construction, dans les plantations ou la chaîne dans les fabriques. Une rude concurrence pour les étudiants africains qui profitant habituellement des mois de vacances pour travailler, proposent leurs services bon marché. “Selon la législation en vigueur en Allemagne, le salaire minimum d’un temporaire est de 7,6 euros (5.000 F Cfa) l’heure”, note Elie Hioba, étudiant camerounais à la Fachhochschule de Bingen. “Or, ils (les Européens de l’Est : ndlr) acceptent de leur employeur jusqu’à 5,1 euros (3.350 F Cfa) l’heure. Ce qui est déloyal !”, lance-t-il furieux.
Entrés en Allemagne avec un simple visa touristique de trois mois, ces Européens de l’Est n’ont guère de frais et gagnent en un mois l’équivalent de quatre mois de salaire dans leur pays. Ceux qui n’ont pas la possibilité de squatter chez un proche parent dorment dans les voitures abandonnées sur les parkings. Ce qui n’est pas le cas des étudiants africains. “Je paye un loyer, une assurance maladie, du chauffage, de l’électricité… autant de choses qu’ils ne connaissent pas”, fait remarquer Elie Hoba.
Survie
La vie est devenue très difficile pour les étudiants africains qui ne reçoivent pas de subsides de leurs parents. Eliane, étudiante ivoirienne en commerce international ne mâche pas ses mots. “C’est très dur. Les trois mois d’été, chacun de nous gagnait en moyenne 4.600 euros (3 millions de F Cfa), ce qui lui permettait de s’autogérer le semestre suivant. Mais, tu te rends compte, on finit bientôt le mois de juillet et beaucoup comme moi n’ont pas encore de job. Comment va-t-on faire?”, confie-t-elle désespérée.
Certains étudiants se tournent vers l’Eglise catholique pour recevoir des aides qui ne peuvent résoudre tous leurs problèmes. “Le secours catholique peut t’aider une fois l’an en payant par exemple un ou deux mois de loyer et pas plus. Si tu reviens 6 mois après, on te demande de rentrer chez toi si tu es sans ressources”, constate Guy Claude.
D’autres empruntent de l’argent à leurs amis allemands. Jackie, 26 ans, en fin de formation dans une école de marketing, a reçu de sa copine 2.000 (1,3 million de F cfa) pour subvenir à ses besoins le semestre passé. “Cet argent, je lui rembourse au fur et à mesure que je trouve des sous. Un coup je donne 100 euros, une autre fois 200, parfois même 50 euros. Elle est vraiment gentille avec moi et ce n’est pas courant de trouver des gens qui acceptent de t’aider”, avoue-t-elle.
Seul avantage pour les Africains, se console Eliane “ces chômeurs de l’Est ne parlent pas du tout allemand, certains employeurs refusent de les recruter. Ce qui nous permet de rattraper certains boulots”. Comme la garde des personnes âgées.
Découragés, certains se tournent vers le Danemark, pays frontalier de l’Allemagne. Les étudiants africains s’y rendent pendant l’été pour “jober”. Christian trouve cette ouverture merveilleuse. Selon lui, “le Danemark est très bien, c’est un pays riche, il y a plein de boulots et les Danois sont moins compliqués en matière d’administration que les Allemands”. Yves quant à lui est catégorique: “Je ne peux plus conseiller aux jeunes qui partent du Cameroun de venir étudier en Allemagne. C’est devenu très dur. Je les oriente vers les pays nordiques : Danemark, Suède, Norvège, Finlande”.