Bicentenaire du général Dumas
Information relayées par les Editions menaibuc.
Le gouvernement français refuse de célébrer le Bicentenaire du général Dumas, premier général noir de l’histoire de France, héros de la Révolution, né esclave aux Antilles françaises le 25 mars 1762, mort libre à Villers-Cotterêts (Aisne) le 26 février 1806, père de l’écrivain français le plus lu dans le monde.
La consécration par le Sénat français du révisionniste Olivier Pétré-Grenouilleau n’était pas un fait isolé. Le Haut Comité des célébrations nationales vient de refuser d’inscrire au calendrier des commémorations nationales le bicentenaire de la mort du général Thomas-Alexandre Davy de La Pailleterie dit Alexandre Dumas, sans doute aussi peu emblématique pour les gens de pouvoir que son ami le chevalier de Saint-George, interdit d’antenne sur France-Télévisions. On se doute que la vraie raison de ce refus, c’est que le général Dumas était noir de peau et qu’il était né esclave dans une colonie antillaise qui faisait vivre un Français sur huit.
Cette décision méprisable m’a été notifiée par écrit le 15 juin, juste après ma protestation contre les propos révisionnistes de Pétré-Grenouilleau.
Qui était le général Dumas ? Laissons parler Anatole France, le seul académicien qui osa défendre Dreyfus : «Le plus grand des Dumas, écrivait-il, c’est le fils de la négresse, c’est le général Alexandre Dumas de La Pailleterie, le vainqueur du Saint-Bernard et du Mont-Cenis, le héros de Brixen. Il offrit soixante fois sa vie à la France et mourut pauvre. Une pareille existence est un chef-d’oeuvre auquel il n’y a rien à comparer».
Qu’est-ce que ce Haut Comité des célébrations nationales qui ne partage visiblement pas l’avis d’Anatole France ? Il s’agit d’un organisme officiel actuellement présidé par un autre académicien (beaucoup moins connu) M. Jean Leclant, un égyptologue qui n’a sûrement pas lu Cheik Anta Diop, et placé sous l’autorité du ministre de la Culture, M. Renaud Donnedieu de Vabres. Le sécrétariat général en est assuré par Mme Martine de Boisdeffre, directrice des Archives de France et ancienne conseillère de Mme Elisabeth Guigou. Après avoir demandé à Madame de Boisdeffre une préemption des Archives de France lors la vente des archives de Lyon, je l’avais priée de proposer au Haut Comité de rendre hommage au général Dumas pour le Bicentenaire de sa mort (26 février 2006). Apparemment elle l’a fait. Le Haut-Comité a refusé.
Il faut savoir que le centenaire de la mort du général Dumas, en 1906, avait été célébré de manière particulièrement éclatante. Paris avait même élevé une statue au vainqueur des Alpes et du Tyrol. En 1942, l’oeuvre a été abattue par les nazis et leurs amis français qui ne supportaient pas les nègres, même les nègres de bronze. J’ai demandé qu’on remette cette statue à sa place, ce qui le maire de Paris a promis de faire pour le bicentenaire, en 2006.
La décision de l’Etat – en dépit des initiatives de la ville de Paris et du département de l’Aisne – de ne pas inscrire ce bicentenaire au calendrier des célébrations nationales est un acte grave qui ne résulte pas du hasard. Il traduit une volonté délibérée de nier les grandes figures antillaises issues de l’esclavage. C’est d’autant plus surprenant que le même Haut Comité des célébrations nationales m’avait contacté en 2003 sous le prétexte que j’avais écrit un livre sur le général Dumas[1] qui avait occasionné un hommage public du président du Sénat.
Que s’est-il donc passé entre 2002 et 2005 pour qu’on assiste à un changement de politique aussi radical ? Sans doute la montée en puissance d’une nouvelle pathologie : la négrophobie bonapartiste. Certains responsables, dont Max Gallo n’est que le porte-parole, voudraient faire de la névrose napoléonienne un véritable culte national. Malheureusement, des voix – et particulièrement la mienne- se sont aussitôt élevées pour rappeler que Napoléon a rétabli la traite, l’esclavage et le Code noir (abolis en 1794), assassiné les citoyens qui refusaient ce crime et institué en France une politique négrophobe d’État. Ces responsables à l’esprit lent ont mis trois ans pour s’apercevoir que la loi Taubira – que leurs amis ont pourtant votée – s’applique au dictateur et qu’en bonne logique elle devrait amener la France à expulser des Invalides les restes du héros préféré d’Hitler et de Mussolini ou du moins à informer les visiteurs de ce répugnant mausolée par un écriteau qu’on ourrait ainsi rédiger : "ci-gît l’homme glorieux qui a rétabli l’esclavage en France". Toujours en bonne logique, cette loi devrait aussi amener la France à rembourser la rançon qu’on a fait payer aux Haïtiens pour leur liberté en 1825 : 90 millions de francs or – 15 milliards d’euros selon certaines estimations- versés aux colons français pour les dédommager de leurs esclaves perdus. Des colons dont certains descendants occupent parfois les plus hautes fonctions.
Alors on a eu tout simplement eu l’idée d’enterrer cette loi gênante en s’appuyant sur les travaux et les déclarations d’historiens révisionnistes convoqués à la hâte et chargés de jeter les fondements d’un nouvel ordre négrophobe d’État. Sous le prétexte d’un colloque sur les traites négrières, ces universitaires des basses oeuvres préparent une grand messe révisionniste qui doit permettre de célébrer sans états d’âmes le bicentenaire d’Austerlitz, le 2 décembre 2005.
Si après tant de camouflets, les descendants d’esclaves ne se réagissent pas, jusqu’où la névrose ira-t-elle ? Faut-il attendre que, deux cents ans après, on rétablisse l’esclavage ? Qu’on prenne garde : il y a des manières modernes de le faire. C’est ce que pensaient les Haïtiens quand ils ont vu revenir les troupes françaises, lors de l’opération Rochambeau au printemps 2004. Ils savaient que ce Rochambeau-là donnait les nègres à manger aux chiens (tel était le "rôle positif" de la France dans ses colonies). Ils avaient peur. Ils avaient raison d’avoir peur.
Eh bien je dis non ! Non à la France de Rochambeau le tortionnaire et de Napoléon le négrier. Je n’accepterai pas que des foutriquets dérangés bafouent la mémoire d’un homme qui a sauvé la République et qui est mort de chagrin lorsqu’il a vu que cette même République devenait raciste. Il avait compris que c’était la fin de la République et le début de l’Empire que les Gallo et consorts célébraitent naguère avec tant de vulgarité. J’invite donc toutes celles et tous ceux qui refusent de partager la névrose des racistes négrophobes à m’accompagner dans ce combat légitime qui ne fait que commencer. Il y va de notre dignité, de la dignité de nos enfants et de la dignité de tous les Français. Au nom de ces quatre grands hommes issus de l’esclavage, le général Dumas, Toussaint Louverture, Louis Delgrès, le chevalier de Saint-George – nos héros emblématiques – au nom de tous les esclaves déportés d’Afrique qui ont résisté pour qu’un jour leurs descendants puissent témoigner de ce qu’ont endurait dans les bateaux des amis de MM. Pétré Grenouilleau et Pap Ndiaye, au nom de tous les paysans et ouvriers français qui préféraient se mutiler plutôt que de combattre dans les armées de Napoléon et qu’on a traqués comme des bêtes, unissez-vous et serrez les rangs pour en finir, ici et maintenant, avec le racisme et la négrophobie !
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[1] Alexandre Dumas, le dragon de la Reine, édition du Rocher. Pour la vie du général Dumas, voir www.claude-ribbe.com
menaibuc.com
africamaat.com