Bangui ne parvient plus à payer ses fonctionnaires, les militaires exceptés
La Centrafrique illustre jusqu’à la caricature ce qu’est un Etat incapable de sortir du "piège de la pauvreté" dont parlent les économistes. Depuis mercredi 6 juillet, les caisses de l’Etat sont officiellement vides. Il n’y a plus d’argent. L’Etat est en faillite. Le Trésor public a fait apposer une affichette où l’on peut lire : "En raison de la tension de trésorerie, toutes les dépenses sont suspendues jusqu’à nouvel ordre."
L’impécuniosité de la Centrafrique, plus vaste que la France mais deux fois moins peuplé que la région parisienne, n’est pas une réelle surprise tant l’histoire récente du pays est une suite de guerre civile, de coups d’Etat… Les fonctionnaires ont reçu en mai leur salaire de février 2005, et les retraités attendent de toucher les pensions impayées depuis un an.
Le chef de l’Etat, le général François Bozizé, arrivé au pouvoir à la suite d’un putsch mais élu, il y a deux mois, dans des conditions incontestables, fait donc la chasse aux "amis de la Centrafrique", de préférence riches.
La France, l’ancienne puissance coloniale, a été sollicitée en priorité. Début juillet, Paris a accordé une aide d’urgence d’un million d’euros. Il y a de quoi payer aux 24 000 fonctionnaires l’équivalent de dix jours de salaires, guère plus.
PAS D’AVION PRÉSIDENTIEL
Des experts du Fonds monétaire international (FMI) viennent d’arriver à Bangui, la capitale, pour préparer un programme d’aide, mais les décaissements n’interviendront pas avant septembre au plus tôt. Idem pour la Banque mondiale. Quant à l’Union européenne (UE), la lourdeur des procédures fait que les crédits prévus pour la Centrafrique ne seront pas débloqués avant octobre.
Nouveaux venus dans la région mais déjà très présents dans le commerce et l’agriculture, les Chinois ont promis de faire un geste. Comme les Japonais. Mais eux, au lieu de donner des monnaies sonnantes et trébuchantes, fourniront du matériel, probablement des ordinateurs.
Conscient que les militaires centrafricains eux, toujours payés rubis sur l’ongle jusqu’à présent n’auront pas la patience des fonctionnaires civils, c’est vers la France que le président Bozizé se tourne à nouveau. Sollicité, le Quai d’Orsay cherche à convaincre Bercy qu’il faut faire un geste pour ce pays francophone. Pour plaider la cause de son pays, le chef de l’Etat a prévu de venir à Paris à la fin du mois. Le 1er août, il sera reçu par le président Chirac.
Il reste à régler un problème matériel. Chef de l’Etat d’un pays pauvre entre les pauvres, la résidence centrafricaine n’a pas d’avion à sa disposition. Comme Air France n’assure qu’une liaison hebdomadaire Paris-Bangui, le président Bozizé dépend pour ses déplacements à l’étranger de la bienveillance de ses pairs africains plus riches et mieux dotés que lui.
Jean-Pierre Tuquoi
Article paru dans l’édition du 10.07.05
Le Monde