Gilles de Robien a inauguré une antenne de la Sorbonne aux Émirats arabes unis. Mais l’Essec est déjà à Singapour, l’École centrale à Pékin et Lyon-III en Arménie.
L’UNIVERSITÉ française, si décriée en son pays, s’exporte depuis l’an 2000. D’Arménie au Vietnam en passant par la Pologne ou l’Égypte. Avant-hier, c’est une filiale de la Sorbonne qui a été inaugurée à Abou Dhabi aux Émirats arabes unis par Gilles de Robien. Les cheikhs l’ont voulue et l’ont payée cher, entre 25 et 30 millions d’euros. Les 162 premiers étudiants y suivent des études de sciences humaines. « Vous êtes les pionniers d’une formidable aventure. La Sorbonne lance un pont entre des peuples qui s’ignorent trop souvent », leur a lancé Gilles de Robien.
Yéménite, Bushra al-Ameri, 26 ans, ambitionne de devenir diplomate. Elle a décidé d’étudier dans une université française plutôt qu’américaine, car selon elle, c’est « la meilleure ». Les certificats y sont « plus intéressants qu’aux États-Unis ». « C’est bien de montrer que l’université française vaut mieux que ce que l’on pense d’elle à Paris », souligne Olivier Dalloul, un Français de 19 ans qui a décidé de découvrir la culture arabe. Les professeurs français sont quant à eux ravis des « excellentes » conditions de travail. À six étudiants par classe, ils sont loin des amphis surchargés de Paris… Il est vrai que la scolarité est chère, 13 000 euros par an. Mais ici, au pays de l’or noir, « beaucoup peuvent se le permettre », explique Yazed al-Mawed, un étudiant émirien, et les autres bénéficient de bourses d’études.
Cette formation expatriée, très symbolique, n’est pas la seule à faire parler d’elle. Plus de 167 programmes français sont implantés aujourd’hui dans le monde, dont une petite dizaine d’universités françaises à proprement parler. En Arménie, depuis trois ans, 600 étudiants suivent des enseignements de droit, d’économie et de gestion pour obtenir un diplôme français délivré par l’université de Lyon-III. Les grandes écoles sont nombreuses à implanter des filiales à l’étranger, comme l’Essec à Singapour, l’EM Lyon à Shanghaï ou l’École centrale à Pékin. Ces initiatives sont soutenues par le ministère des Affaires étrangères et celui de l’Éducation nationale, alors que la concurrence internationale se renforce pour attirer les meilleurs cerveaux, pays anglo-saxons en tête. L’intérêt de ces « délocalisations » est multiple.
Rayonnement de la France
En s’associant à des universités françaises, les pays en développement peuvent proposer des cursus répondant aux standards internationaux. Ces programmes intéressent également les entreprises à la recherche d’une main-d’oeuvre spécifique. C’est le cas du master de mécanique orienté sur les problèmes d’eau, bientôt créé au Vietnam par l’université Marseille-Méditerranée. « Ce type d’enseignement intéresse Veolia, mais aussi le Vietnam qui souffre d’un manque de formations en ce domaine », explique Daniel Dufrêne, vice-président de l’université. L’université, elle, entend bien repérer d’excellents étudiants vietnamiens : « Pour décrocher de gros contrats de recherche internationaux, il faut semer très longtemps à l’avance ». Sur un plan économique, l’intérêt est évident, car il est moins coûteux de déplacer un enseignant que 100 étudiants… Une trentaine de projets sont en cours d’exportation. Essentiellement des programmes d’ingénieurs et de techniciens supérieurs, de management, d’hôtellerie et des formations juridiques dans des pays comme l’Égypte influencée par le code Napoléon qui apprécie les formations alternatives au système anglo-saxon. Ces implantations qui participent au rayonnement de la France doivent cependant être « encadrées », explique-t-on au ministère. Certains y ont en effet vu un moyen d’accroître le nombre de leurs étudiants et donc leur dotation budgétaire, sans être très regardant sur la qualité des enseignements proposés : « Nous ne voulons pas d’équipes de second niveau et nous sommes en train d’éditer un code de bonne conduite. »