Nouvelle-Calédonie — Le parcours du combattant des doctorants
Vingt sept doctorants vont se succéder pendant trois jours derrière le pupitre du grand amphithéâtre de l’université. Pour eux, cela reste « un bon exercice avant la soutenance finale ».
Depuis hier et jusqu’à ce soir, 27 étudiants en thèse à l’université de Nouvelle-Calédonie animent la troisième édition des Doctoriales. Ce rassemblement met en évidence l’inégalité des moyens de financement des grandes études et la difficulté des jeunes docteurs à s’insérer dans la vie professionnelle.
Certains avaient la voix tremblante et les pommettes rouges. Il faut dire que la plupart des thésards qui ont ouvert cette troisième édition des Doctoriales présentaient pour la première fois leur sujet de recherche. Pendant deux jours, 27 doctorants vont se succéder derrière le pupitre du grand amphithéâtre de l’Université de Nouvelle-Calédonie. L’exercice est périlleux : en dix minutes, ils doivent résumer le résultat de plusieurs mois d’investigation. Et pour les étudiants de troisième année, l’enjeu est encore plus important. A l’issue des Doctoriales, un jury de spécialistes désignera le meilleur d’entre eux. Autant dire que le rendez-vous en impressionne plus d’un mais « c’est un bon exercice avant la soutenance finale », confient une poignée d’étudiants qui viennent tout juste de commencer leur thèse. Durant trois ans, ils vont tenter de percer le mystère de la ciguatera – la fameuse gratte –, comprendre l’aménagement des terres coutumières ou décortiquer la vie des escargots de Nouvelle-Calédonie. Des sujets qui pourraient en faire fuir plus d’un mais qui ne semblent pas impressionner nos grosses têtes. Il faut dire qu’ils ont déjà au minimum cinq d’études derrière eux et une motivation à toute épreuve. « Il faut vraiment en vouloir parce qu’on ne peut pas dire que ce soit facile. Surtout financièrement. J’ai obtenu un prix d’encouragement à la recherche de la province Sud, ça représente 120 000 francs par mois », explique Charly Zongo, actuellement en première année. « Mais à l’université, il y en a qui n’ont même pas de financement. » Pour vivre pendant les trois ans de thèse, c’est un peu le parcours du combattant. Entre les allocations ministérielles, celles de la province Sud, les nouvelles aides du gouvernement et autres bourses distribuées au compte-goutte, il n’est pas toujours facile de s’y retrouver. D’autant que ces aides ne sont pas toutes équivalentes. Alors que les financements locaux ne dépassent pas le montant du salaire minimum garanti, une bourse ministérielle peut aller jusqu’à 160 000 francs. Les plus chanceux peuvent obtenir un cofinancement entre le public et le privé. Ces bourses dites Cifre peuvent atteindre 200 000 francs par mois. « Les partenaires sont souvent des industriels de la mine, c’est assez développé ici », explique Fabrice Colin, directeur de l’IRD. Mais il n’y a pas qu’en termes de salaire que la différence se fait sentir. Après la galère des financements, pour les jeunes docteurs, le parcours du combattant est loin d’être terminé. Il faut faire sa place dans le monde professionnel. Une thèse financée par un industriel ouvrira alors plus facilement des portes dans le monde de l’entreprise. « Mais c’est vrai que le tissu industriel n’est pas assez dense pour absorber tous les jeunes diplômés. C’est pour cette raison que nous travaillons aussi à l’insertion professionnelle des docteurs dans le public », précise Jean-Marc Boyer, le nouveau président de l’université de Nouvelle-Calédonie. Pour l’instant, il faut bien reconnaître que les opportunités sont minces. Charly Zongo débute à peine mais pense déjà à l’après. « L’important pour moi, c’est de mettre mes connaissances à profit ici, en Nouvelle-Calédonie. » Alors il envisage toutes les possibilités. Et à défaut d’un poste, il envisage déjà de créer sa propre entreprise.
Virginie Grizon
31.08.2007
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