L’expulsion d’une cinquantaine d’Africains d’Israël suscite de vives inquiétudes
Le 19 août, les autorités israéliennes ont expulsé vers l’Egypte une cinquantaine de demandeurs d’asile qui avaient franchi la frontière clandestinement au cours du week-end dernier, une mesure formalisée par le procureur général, mais très critiquée par les associations de défense des droits humains.
La plupart des demandeurs d’asile étaient originaires du Darfour, au Soudan, une région dévastée par la guerre.
« [Cette mesure] est contraire au droit international. Israël n’a aucune garantie que l’Egypte ne renverra pas ces demandeurs d’asile au Soudan ou dans d’autres pays où leur vie sera gravement menacée », a déploré Dov Khanin, un représentant de l’opposition au Knesset (Assemblée israélienne), au cours d’une déclaration à la presse.
Quelque 2 500 réfugiés et demandeurs d’asile africains sont entrés sur le territoire israélien au cours des deux dernières années. Environ 1 800 d’entre eux sont originaires du Soudan, dont environ 500 du Darfour, selon les données officielles. Les autres viennent de divers pays d’Afrique (principalement de régions en conflit), et notamment de République démocratique du Congo (RDC), d’Erythrée, de Côte d’Ivoire et de Sierra Leone.
Bon nombre d’entre eux se sont plaints d’avoir été victimes de mauvais traitements – allant de la discrimination et du racisme quotidiens au harcèlement et à la violence graves – en Egypte. Sur les 50, certains sont entrés dans le pays le 16 août, avant l’aube, tandis que la plupart ont passé la frontière la nuit suivante.
Selon Menachem Mazuz, le procureur général, les demandeurs d’asile n’ont pas été « expulsés » d’Israël ; on leur a en revanche « interdit d’entrer » dans le pays.
Selon les critiques, pourtant, la plupart d’entre eux se trouvaient en Israel depuis plus de 24 heures. « Les affirmations de M. Mazuz sont erronées, à la fois d’un point de vue juridique et factuel », selon Anat Ben Dor, du département juridique de l’université de Tel Aviv. « Une fois qu’un demandeur d’asile entre sur le territoire israélien, sa demande doit être examinée avant l’expulsion ».
Un arrangement avec l’Egypte
C’est la première fois que le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, met à exécution l’arrêté, datant de juillet, par lequel l’Etat décide de renvoyer en Egypte tous les « infiltrés », conformément à un accord conclu avec les autorités égyptiennes.
Néanmoins, le Caire a fait plusieurs déclarations contradictoires concernant sa volonté d’accueillir de nouveau les réfugiés, suscitant ainsi de nouvelles préoccupations sur leur sort.
Aucune information n’a été communiquée au sujet des 50 personnes récemment expulsées.
Des manifestations d’associations de défense des droits humains devaient avoir lieu le 22 août devant la résidence de M. Olmert, à Jérusalem, pour protester contre ces expulsions.
Inquiétudes de la communauté des réfugiés
Pour les réfugiés qui se trouvaient déjà sur le territoire israélien, la nouvelle de ces expulsions a été un choc.
« Je ne retournerai jamais en Egypte, jamais », s’est exclamée une femme, qui a demandé à conserver l’anonymat. Originaire du Sud-Soudan, elle se trouve en Israël depuis environ trois mois et attend toujours de se voir accorder le statut de réfugiée.
Ses trois années en Egypte ont été « terribles et difficiles », a-t-elle expliqué.
Elle vit actuellement dans le petit village de Kadesh-Barnéa, près de la frontière israélo-égyptienne, où un résidant a accepté de l’héberger, avec une cinquantaine de ses compatriotes. Des bénévoles sont également venus les aider.
« Quand on les a informés des expulsions, la panique se lisait dans leurs yeux, ils avaient peur », a expliqué Samira, une bénévole.
« Je ne comprends pas cette décision, ce sont des gens bien qui ont fui pour échapper à des choses horribles », a estimé Avishai Pinchas, le résident qui les héberge.
M. Pinchas a réussi à obtenir des lettres de protection pour son groupe, assurant ainsi que ses protégés ne pourront être expulsés au cours des prochaines semaines. Au-delà – les bénévoles le savent aussi bien que les réfugiés – rien n’est assuré.
Un dangereux périple
La plupart des demandeurs d’asile traversent la frontière au beau milieu de la nuit, non loin de Kadesh-Barnéa. Le passage de l’autre côté de la frontière est considéré comme dangereux ; ceux qui le tentent se heurtent en effet à divers obstacles physiques, à la fois naturels et artificiels, et risquent d’être abattus, généralement par les policiers égyptiens postés à la frontière.
Plusieurs réfugiés ont été tués près de la frontière, et les habitants de la région affirment que beaucoup d’autres auraient également trouvé la mort, mais que l’information n’a jamais été rapportée aux médias.
Les soldats israéliens postés dans la région, qui interceptent les demandeurs d’asile lorsqu’ils arrivent, ont en effet révélé à IRIN qu’ils entendaient généralement des coups de feu juste avant l’arrivée d’un nouveau groupe de réfugiés.
Source:
UN Integrated Regional Information Networks
23 août 2007
Kadesh Barnea