Pour s’en sortir, les paysans africains créent une université du coton

Pour s’en sortir, les paysans africains créent une université du coton

Le président Chirac a appelé Washington à supprimer les subventions * scandaleuses *.

SIX ANS déjà que François Traoré, héraut de la * jacquerie * des cotonniers africains, mène la lutte dans les enceintes internationales. Six ans que, de Genève à Bruxelles en passant par Washington, il réclame une * concurrence loyale * et * le droit à la vie pour 20 millions de familles * qui vivent exclusivement de la culture du coton en Afrique de l’Ouest. Des familles qui sont aujourd’hui au bord de l’asphyxie à cause des subventions, qualifiées hier de * totalement injustifiées et parfaitement immorales * par le président Chirac, accordées par les États-Unis à leurs 25 000 producteurs.

Le paradoxe est d’autant plus sinistre que le coton africain est réputé être d’excellente qualité et compétitif. * L’Europe a réglé son problème, les États-Unis ne l’ont pas encore fait. Je les encourage très vivement, au nom de la morale, à prendre les mesures qui s’imposent, c’est-à-dire à supprimer ces scandaleuses aides *, s’est emporté Jacques Chirac qui, depuis longtemps déjà, s’est fait l’avocat des cotonniers africains. Mais François Traoré sait que la suppression des subventions américaines, estimées au total à 4,8 milliards de dollars par an, accusées de saper les cours mondiaux, ne résoudra pas tout. Pour valoriser * l’or blanc * africain, il faut aussi utiliser les méthodes du Nord. Celles du management, du marketing, de la gestion ou encore de la recherche, sans quoi la sueur des paysans africains aura perlé pour rien. Comme il existe des * cotton schools * mondialement reconnues outre-Atlantique, l’Association des producteurs de coton africain, en partenariat avec HEC et Farm (Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde), projette, donc, d’ouvrir une université du coton en septembre prochain à Bobo-Dioulasso, le coeur de la région cotonnière du Burkina Faso.

Une approche pragmatique

* Les paysans africains sont venus chercher de l’aide auprès de nous avec la volonté de maîtriser leur destin. Et, chose très révélatrice, en employant les mêmes mots que n’importe quel entrepreneur *, explique René Carron, président du Crédit agricole et du conseil d’administration de Farm, qui aux côtés d’Erik Orsenna (1) a piloté le projet. Une approche pragmatique, dont * l’objectif est de fournir des outils pour parvenir à une meilleure gestion des filières et optimiser la production *, poursuit-il. Le programme de l’université s’articulera autour d’un master de spécialisation pour une trentaine d’étudiants par promotion déjà titulaires d’un bac + 3, ainsi qu’autour d’une formation continue, destinée, elle, aux agriculteurs, aux élus et techniciens.

Cette université du coton est une première à l’échelle du Continent et se veut le symbole de la lutte. Pour que cesse cette spirale infernale, résumée hier par le président malien Amadou Toumani Touré : * Certains sèment du coton et récoltent des subventions, nous semons du coton et nous récoltons des dettes. * Si l’étude de faisabilité réalisée par HEC a bien été bouclée début février, il manque encore les 4,6 millions d’euros nécessaires pour la phase de lancement de trois ans. * Nous comptons sur des financements privés et publics, européens et français *, espère René Carron.

(1) Académicien, auteur de Voyage aux pays du coton, Petit précis de mondialisation, Éd. Fayard.

Source: Le Figaro
Publié le 17 février 2007

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *