Immigration. Aminata Diallo, lycéenne de 19 ans, a été expul

Immigration. Aminata Diallo, lycéenne de 19 ans, a été expulsée en juillet vers le Mali:
«Je suis née en France, je pensais que je pourrais y rester»

Par Charlotte ROTMAN
QUOTIDIEN : Samedi 12 août 2006
Source: http://www.liberation.fr

Aminata Diallo est née en France, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), il y a dix-neuf ans. Elle est l’une des rares jeunes majeurs expulsés cet été. Aminata a vécu au Mali jusqu’à l’an dernier. En septembre 2005, elle est entrée en terminale dans un lycée à Sarreguemines (Moselle) pour passer son bac. Considérant qu’elle ne relevait «aucunement du champ d’application de la circulaire du 13 juin» les autorités françaises l’ont remise dans l’avion le 20 juillet. Libération l’a contactée à Bamako.
«Je n’ai pas envie de rester ici. Je veux retourner en France pour étudier. Mes parents veulent des enfants intelligents. Et je suis l’aînée. Mon père est strict au niveau des études. Pour lui, c’est la priorité. Au Mali, il n’y a rien. Il n’y a pas de niveau. Je ne peux pas aller loin. J’ai de l’ambition, moi. J’espère une réponse de l’administration française d’ici à la rentrée. Avant d’être expulsée, je pensais à un BTS de commerce international, puis une maîtrise. Mais je n’ai pas envie de passer par des chemins illégaux.
«En France, j’étais chez un oncle à Sarreguemines. C’est un ancien mineur. A Sarreguemines, les gens sont plus racistes qu’à Paris. Une fois, en rentrant du lycée je me suis fait cracher dessus. C’était des jeunes. Ils m’ont dit : "Sale Nègre, rentre dans ton pays." Dans cette région, il n’y a pas beaucoup d’Africains. Dans mon lycée il y en avait deux.
«Je connais bien Paris. Je suis née à Aubervilliers. J’ai plus de famille en région parisienne qu’à Bamako. Mon père est homme d’affaires, ma mère commerçante, ils voyagent beaucoup. A Sarreguemines, ma famille me rendait visite. Je ne me sentais pas seule. Moins qu’ici.
«J’ai raté mon bac ES. En fait, je ne savais même pas si je pouvais le passer. J’ai même hésité. J’avais peur qu’on vienne me chercher. Finalement, j’ai été arrêtée pendant un contrôle d’identité, en voiture avec mon oncle à un péage à Metz. J’ai été placée en garde à vue, puis dix-sept jours en rétention administrative. Je n’avais pas parlé de ma situation. Je savais que je n’avais pas le droit d’être en France. C’était très stressant. J’avais demandé à mon oncle: "Qu’est ce que je peux faire?" Il m’avait dit : "Passe ton bac d’abord." Je pensais demander un visa de long séjour pour étudier en France après. Le jour de mon expulsion, il y avait des gens de RESF à l’aéroport ( Libération du 21 juillet). Je ne l’ai su qu’après parce qu’on m’avait confisqué mon téléphone. Mais en fait, RESF m’avait envoyé plein de textos : "On est tous là", "On est mobilisés pour toi."
«Dans l’avion, on m’a embarquée avant tout le monde. Je ne me suis pas débattue. Il y avait deux autres Maliens expulsés avec des policiers, mais ils n’étaient pas à côté de moi. Une fois que l’avion a décollé, je me suis dit : "Comment faire ? Je n’aurai jamais de visa."
«Ici, j’attends que ça passe. Mes copines sont en France. Elles vont y faire des études. Je ne fais pas grand-chose. Mes parents m’emmènent au cinéma. Mon expulsion, ce n’est pas un truc qu’on peut oublier comme ça. Là-bas, j’étais heureuse. Je suis née en France donc je pensais que je pourrais y rester, qu’on allait me régulariser. J’ai juste voulu passer mon bac. Je veux vraiment y retourner.»

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