L’objectif ultime est de contribuer à ce que le corps médical représente bien la population, certes, mais aussi d’offrir de meilleurs soins aux diverses communautés noires, espèrent les instigateurs des travaux de recherche et d’un grand forum citoyen qui doivent apporter des pistes de solution pour changer les choses — une première au Québec, disent-ils.
À l’origine de ces initiatives se trouve un constat : seulement de 1,5 % à 3 % des étudiants en médecine sont noirs.
Est-ce que parce qu’ils sont peu nombreux au Québec ? Le Dr Jean-Michel Leduc rejette cette hypothèse : les jeunes noirs de 15 à 24 ans, —le groupe dont font partie ceux qui sont généralement à l’âge de déposer une demande d’admission à l’université — représentent 8,4 % de la population à Montréal, signale celui qui est professeur et chercheur au Département de microbiologie, infectiologie et immunologie.
« C’est la minorité visible la plus sous-représentée, dit le médecin qui est aussi responsable du comité équité et diversité au programme de médecine de l’UdeM. C’est le plus frappant ».
« Quand j’étais en première année de médecine, nous n’étions que six sur 300 », renchérit Nadège Zanre, une étudiante noire qui est actuellement résidante en obstétrique.
« Ça m’a un peu choquée », ajoute la Québécoise originaire du Burkina Faso, qui étudie à l’UdeM.
L’alternative est simple : soit ils ne sont pas nombreux à poser leur candidature, ou s’ils le font, ils ne sont pas retenus.
Pourquoi ? La réponse n’est pas simple, d’où les travaux lancés par l’UdeM, à l’instar de ceux qu’elle a déjà réalisés pour les étudiants autochtones. L’institution d’enseignement organise aussi un forum le 14 avril — en collaboration avec l’Association médicale des personnes de race noire du Québec (AMPRNQ) — auquel s’est jointe l’Université McGill. Son but est de déterminer les contours des pistes de solution et de formuler des recommandations pour un plan d’action.
C’est la base, estime Édouard Kouassi, le président de l’AMPRNQ, aussi membre du comité équité et diversité de la Faculté de médecine.
« Il faut une volonté politique clairement exprimée, dit-il, et des politiques en place pour encourager cette représentativité ». Car là où il y en a une, « ça marche ». Un tel projet existe à l’Université de Toronto et a connu un succès « flamboyant », opine M. Leduc.
« C’est une question de responsabilité sociale importante pour nous de former des gens représentatifs de la population », ajoute ce dernier.
D’autres facultés vont participer au Forum, pharmacie, sciences infirmières, optométrie, etc. Discussions et partage de connaissances sont au rendez-vous.
« C’est une très belle initiative », juge M. Kouassi, surtout que les communautés ont été impliquées dès le départ.
Solutions à examiner
En médecine, le Dr Leduc reconnaît que la fameuse « cote R » joue encore un grand rôle dans la sélection des étudiants, et que celle-ci est le « reflet d’un parcours qui peut avoir été semé d’embûches », et qui reflète souvent le statut socio-économique des étudiants. Historiquement, les facultés de médecine étaient remplies d’étudiants blancs, bien nantis.
Car lorsque l’on regarde les autres outils de sélection, dit-il, comme l’entrevue ou les tests de jugement, « on ne remarque pas de différence ».
Si la capacité d’apprentissage est essentielle pour les études ardues de médecine, d’autres qualités sont aussi requises, comme la capacité d’écoute, la résilience, l’empathie, énumère-t-il.
Les solutions pourraient être de diversifier les outils de sélection, d’accompagner les candidats dès qu’ils postulent ou d’avoir plus de diversité dans les comités d’admission et d’entrevues.
Nadège Zanre se souvient de cette journée : dans la salle d’attente, elle était la seule candidate noire pour son entrevue d’admission. Et ses intervieweurs étaient tous blancs. Elle n’a pas perçu de biais chez eux, mais s’est « sentie à part ».
Le curriculum pourrait aussi être examiné, pour qu’il soit exempt de préjugés, mais aussi afin qu’il reflète bien la réalité des personnes noires.
Les maladies de peau ne se présentent pas de la même façon chez les personnes noires que chez les blancs — elles sont d’ailleurs sous-diagnostiquées chez elles. Et certaines pathologies touchent davantage les personnes noires, comme la drépanocytose, fait valoir M. Kouassi. Il faut que les médecins soient bien au fait de ces différences. Et puis, une diversité d’étudiants va amener une diversité des connaissances qui sont partagées en classe, ce qui va bénéficier à tous ces futurs médecins.
Mme Zanre parle de ses patientes, dont une qui l’a particulièrement marquée : la femme d’origine haïtienne, sur le point d’accoucher, a éclaté en sanglots en lui confiant que cela la rassurait « d’avoir une personne comme elle » dans la salle.
« Je ne sais pas pourquoi ça l’a apaisée, mais je sais que ça l’a fait. Pour cette raison-là, je me suis dit qu’il est vraiment important qu’il y ait des Noirs en médecine ».
Pour qu’au moins la population québécoise soit représentée dans ses médecins et que le traitement des patients soit complet, explique-t-elle. SUITE
Abdoul aziz
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