La grève qui touchait les collèges et lycées ivoiriens depuis janvier a été suspendue samedi pour un mois, dans l’attente de mesures du gouvernement. Mais les syndicats d’enseignants menacent de reprendre leur mouvement s’ils ne sont pas entendus.
Stella Arouna ouvre son cahier d’espagnol. En haut de la dernière page manuscrite, les cours se sont arrêtés au “miercoles 16 de enero”, mercredi 16 janvier. Depuis, “ma professeure n’est plus venue”, explique l’élève de quatrième au lycée moderne de Cocody, qui relit inlassablement les mêmes pages, les mêmes cours. “On n’a pas avancé”, constate-t-elle, dépitée. La grande majorité des collégiens et lycéens des établissements publics ivoiriens n’ont pas connu de journée normale de cours depuis le 21 janvier dernier.
Depuis cette date, “les cours se sont déroulés de manière mitigée, on a quand même réussi à faire les examens blancs oraux”, minimise Konan Yao Honoré, proviseur de l’établissement. “On nous dit de venir, de mettre notre uniforme, de prendre nos cahiers, alors on vient. De temps en temps, un professeur passe une tête et voit qu’on est dix pour une classe de 70, alors il repart”, a pourtant observé Ange Otiembe, camarade de Stella. “Rien n’a changé, c’est presque tous les jours la même chose, c’est trop bizarre. Nous, on veut travailler !” poursuit-il.
À l’initiative de cette grève, la Cosef-CI, qui rassemble huit syndicats d’enseignants, en colère notamment contre le non-paiement d’arriérés d’heures supplémentaires. Le mouvement est massivement suivi, avec une participation de 82 % des professeurs sur l’ensemble du territoire ivoirien.
“Dès qu’on a un prof, on nous déloge”
En attendant, les rares collégiens et lycéens présents chaque matin patientent sous le préau, dans la cour ou les salles de classe vides. “Ça commence à être long. Moi, je suis très nulle en maths, j’ai déjà tout oublié. Ça me manque, il faut qu’on travaille”, poursuit Stella. “Mais dès qu’on a un prof qui fait cours, on nous déloge.”
La semaine dernière, plus d’un millier d’étudiants des établissements en grève membres de la Fesci, la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire, ont perturbé les différents examens blancs. “La Fesci veut que tous les élèves soient solidaires et que tout le monde en soit au même niveau d’apprentissage, et c’est un combat juste, juge Mohamed Ouattara, professeur de maths pourtant non-gréviste. Mais c’était assez violent avec les policiers, ils ont utilisé des gaz lacrymogènes et maintenant certains élèves ont peur de venir à l’école.”
Tout au fond de la cour, les salles où devaient se dérouler les épreuves blanches du brevet des collèges et du baccalauréat sont quasiment désertes. Seuls quelques élèves de première viennent travailler en petits groupes pour ne pas prendre trop de retard. “La première, c’est important, c’est une classe préparatoire pour le bac, s’inquiète Ismaël Kouassi. Moi, j’ai de la chance, mes parents me paient un prof particulier, qui m’aide dans les matières scientifiques. Du coup, j’aide quelques copains comme ça à l’école, mais tout le monde n’a pas les moyens pour ça. Soit tes parents ont de l’argent pour payer un prof, soit tu te débrouilles, c’est pas très juste”, estime le lycéen. SUITE