Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) s’est saisi de la question en organisant un atelier dédié à l’intégration africaine par la formation et l’échange académique. Comment avoir un modèle d’université propre, qui ne soit plus calqué sur celui de l’époque coloniale?
Comment garantir une formation d’excellence en Afrique pour capter ces armées d’étudiants africains qui quittent le continent pour intégrer les universités et écoles supérieures européennes? Une question qui revient sans cesse depuis que les pays africains en quête de croissance font face à un manque en capital humain bien formé, opérationnel pour accompagner la dynamique. Surtout que le nombre d’arrivées sur le marché du travail en Afrique devrait atteindre les 30 millions en 2030. La fuite des cerveaux est toujours d’actualité, alors que le continent a besoin de toutes ses forces vives. Pour déchiffrer les moyens susceptibles d’améliorer l’attractivité académique du continent, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a organisé la semaine dernière à Rabat un atelier sur les voies de développement d’une offre de formation d’excellence régionalisée et reconnue en Afrique. L’événement s’est tenu dans le cadre d’une auto-saisine sur l’intégration régionale du Maroc en Afrique.
D’entrée de jeu, Ahmed Rahhou, président de la Commission permanente chargée des affaires économiques et des projets stratégiques, a mis en exergue les moyens à même de permettre au continent de former ses propres élites notamment à travers une formation d’excellence, la reconnaissance mutuelle des diplômes, un statut régional des chercheurs ou encore le renforcement des programmes des bourses étatiques et interétatiques. «Un enseignement supérieur de qualité est un facteur clé pour soutenir ses stratégies et réussir la transformation socio-économique en Afrique», a-t-il indiqué. Il revêt un intérêt capital pour répondre à une série de problématiques liées à la migration, à l’emploi, à la création d’un espace de paix et de sécurité, «alors que l’Afrique peine à développer et à retenir ses talents», poursuit Rahhou.
Toutefois, toutes ces bonnes intentions se heurtent à une dure réalité: le taux d’accès à l’enseignement supérieur en Afrique ne dépasse pas les 7%, alors qu’il est de 76% dans les pays occidentaux. Brahim Benmoussa, du ministère délégué chargé de la Coopération africaine, a expliqué dans ce sens que l’Afrique a besoin annuellement de 12 millions de nouveaux emplois. Un chiffre éloquent qui montre toute l’importance qu’une bonne formation couvrant les besoins revêt. Le responsable a mis en relief l’intérêt que le royaume porte à la formation dans le continent, qui se traduit par la signature de 36 accords de coopération et 53 conventions en matière de formation depuis 2014. Il a cité à ce propos la création d’une antenne de l’ISCAE en Guinée comme expression de cet engagement qui devrait se multiplier à l’avenir. Le ministère délégué, a-t-il annoncé, planche aujourd’hui sur un projet d’Alumni pour tous les étudiants africains ayant effectué leur formation au Maroc. Il a aussi émis le souhait de voir se concrétiser à l’avenir une Académie africaine de formation des formateurs. Abdellatif Miraoui, président de l’Université Cadi Ayyad de Marrakech, a souligné qu’un étudiant sur dix vient d’Afrique. Cela montre toute la marge de manœuvre qu’a l’Afrique pour capter plus d’étudiants. Le Maroc arrive à capter 8% des étudiants africains, juste devant la Tunisie avec 7%, mais c’est l’Afrique du Sud qui occupe la première marche du podium avec 39%. Pour Miraoui, il faut aujourd’hui un modèle africain qui puisse s’affranchir du modèle universitaire laissé par le colonisateur. Il place sa réflexion dans un contexte marqué par des changements profonds du marché du travail et l’impératif de se mettre au diapason de l’enseignement 4.0. Ceci, en changeant de gouvernance pour une université basée sur le résultat et non sur la transmission classique du savoir. SUITE