L’école de la 2e chance de Paris ouvre en 2016 300 places de stagiaires supplémentaires. Rencontre avec son directeur Vincent Doyet.
Pouvez-vous décrire votre école ?
L’école de la deuxième chance, c’est l’idée de pouvoir remettre sur le chemin de l’insertion professionnelle et citoyenne des jeunes qui seraient sortis du système scolaire sans avoir eu la chance de valider un diplôme ou une qualification. C’est le cœur de l’action, ainsi que d’avoir une approche différente de celles que ces jeunes ont pu connaître dans le système scolaire classique.
Votre école va accueillir 300 stagiaires supplémentaires, pouvez-vous nous en dire plus ?
Après une phase compliquée en 2015, l’école de la 2e chance de Paris est en plein renouveau et se relance avec une phase de recrutement. Il se trouve que dans le cadre de nos conventions avec l’État et la ville de Paris, nous avons eu un conventionnement pour ouvrir des places supplémentaires pour 2016. Ceci est une réaffirmation de la confiance de nos financeurs, ainsi que de notre capacité à intégrer et porter ces jeunes vers des solutions emploi et/ou formation. En général dans les formations, on trouve 50% de contrats d’apprentissage, qui marquent un retour vers un système scolaire classique.
Votre école fête bientôt ses 10 ans. Quel bilan dressez-vous de cette première décennie ?
Malheureusement, l’école de la 2e chance est toujours utile, parce qu’il y a toujours un certain nombre de décrocheurs qui arrêtent leurs études. Sur Paris, c’est de l’ordre de 5000 jeunes par an qui sortent du système sans qualification et sans diplôme. Nous somme utiles chaque année pour 500 de ces jeunes, donc nous ne touchons « que » 10% de ces décrocheurs. On est toujours utile, avec un taux d’insertion et de résultat de l’ordre de 70%. Cette insertion se concrétise soit par un emploi, soit par une reprise de formation. Nous sommes satisfaits de ce que l’on peut produire, mais surtout très satisfaits de ce que les jeunes décident de faire en s’orientant vers la reprise d’un emploi ou d’une formation.
Quel est le retour des élèves au sujet de l’école ?
L’une de nos spécificités est que nous n’avons pas vocation à délivrer un diplôme. Notre vocation est de démontrer à ces jeunes que, malgré leurs échecs, ils ont des compétences. Nous voulons mettre en avant ces compétences, et les renforcer, tout en les accompagnant dans leurs recherches d’emploi et de formation.
En s’appuyant sur ce principe de mettre en avant les compétences, à la fin de la période de formation nous remettons une attestation de compétences acquises (ACAC) aux élèves. Cette année, nous remettrons cette attestation à 90 jeunes, et ils sont en général très fiers d’avoir ce « diplôme » et de montrer tout le chemin qu’ils ont pu parcourir.
Trouvez-vous que les mesures actuelles du gouvernement (comme le site Reviensteformer) sont suffisantes en matière de décrochage scolaire ?
Un de nos principes est de dire qu’il n’y a pas de deuxième chance s’il n’y a pas eu de première chance. Et donc, toutes les mesures qui peuvent ramener les personnes dans le système « classique » sont tout à fait positives. Il n’y a pas d’opposition entre un système bon et l’autre mauvais, nous sommes dans un système où nous sommes complémentaires. La mesure est bonne. Ce que nous constatons, c’est qu’il y a forcément deux années d’écart entre la fin de la scolarité obligatoire, qui se termine à 16 ans, et la 2e chance, qui s’ouvre à partir de 18 ans. Toutes les mesures qui luttent contre le décrochage scolaire sont positives.
La tendance actuelle est-elle à la baisse des décrocheurs ?
Si l’on en croit le dernier rapport de la Cour des comptes sur ce sujet, nous sommes passés dans les années récentes d’un rythme de 150 000 décrocheurs par an à un rythme de 108 000. A priori le volume de décrocheurs est en ralentissement, ce qui est une bonne nouvelle !
A présent, quelles sont les ambitions de l’école de la 2e chance ?
Nous avons ces 300 places dans notre programme d’action, et nous nous inscrivons dans le cadre du plan de 500 000 nouvelles places de formations ouvertes, porté par l’État et la région Île-de-France. Très concrètement, nous avons un projet de rapprochement physique de nos équipes pour pouvoir fonctionner encore mieux auprès de ces jeunes. Une de nos vocations sur lesquelles on se focalise beaucoup, c’est d’avoir un équilibre entre la dimension d’insertion professionnelle, qui reste notre axe principal, et une déclinaison sur l’axe de l’insertion citoyenne. Parce qu’avoir un emploi, cela aide, mais cela ne suffit pas à être un acteur de la société dans laquelle on vit. Donc nous voulons que ces deux aspects soient bien abordés dans le cadre du passage à l’école de la 2e chance. Aujourd’hui, cette dimension d’insertion citoyenne se concrétise par exemple par le fait d’aller assister au Conseil de Paris, et de prendre conscience du fonctionnement de la vie de la cité. Il y a du théorique et du très pratique sur ce point de l’insertion citoyenne, que l’on est en train de structurer également avec le réseau des écoles de la 2e chance de toute la France.