Le Cameroun impliqué dans le trafic et la traite des enfants
PanaPress – [04/07/06]
Le Cameroun, jadis pays de transit des trafiquants d’enfants, est devenu, depuis quelques années, pourvoyeur d’enfants esclaves et de prostitués vers les pays voisins, selon un responsable du ministère du Travail et de la Sécurité sociale.
"Environ 200 enfants d’origine camerounaise et une soixantaine d’autres, notamment d’origine béninoise et nigériane victimes réseaux des trafiquants et destinés à des employeurs du Gabon et de la Guinée Equatoriale, ont été récupérés aux frontières du pays et remis à leurs familles", a indiqué Léon Noah Manga, président du Comité consultatif du projet lutte contre la traite des enfants à des fins d’exploitation de leur travail en Afrique de l’Ouest et du centre (LUTRENA).
M. Manga, s’exprimant lundi au cours d’une réunion avec les partenaires de lutte contre le travail des enfants, a, par ailleurs, ajouté que près de huit cents autres enfants, dont des orphelins, handicapés, enfants en détresse, ont été recueillis et confiés à des centres d’accueil et associations d’aides aux enfants où ils reçoivent régulièrement des appuis psychosociaux et professionnels.
Il a toutefois souligné que malgré les dispositions que le gouvernement a prises pour abolir le travail et la traite des enfants, le phénomène des enfants esclaves et prostitués persistait dans les villes comme Yaoundé, Douala, Kribi, Kyé- Ossi, Limbé et le long de l’oléoduc Tchad-Cameroun.
Orphelin âgé de 12 ans originaire du Nord-Ouest, Paul N. a confié à la PANA être arrivé à Yaoundé grâce à son oncle qui l’a placé dans une carrière où il gagne 900 francs CFA par jour.
Pour lui, il vaut mieux travailler que de voler comme le font ses cousins restés au village. Il s’est dit conscient que son oncle ne lui reverse pas tout ce qu’il gagne, parce qu’il promet lui payer dans cinq ans l’apprentissage en mécanique avec ses économies.
Coordinatrice national du projet LUTRENA, Mme Yolande Fouda a, pour sa part, indiqué que ce phénomène avait ses origines dans l’état de pauvreté que vivent les parents, dont la plupart choisissent de "vendre" leurs enfants à des inconnus afin de subvenir aux besoins élémentaires de la famille.
Une étude récente menée par le projet LUTRENA montre que les employeurs de ses enfants, que sont les propriétaires de grandes exploitations agricoles, chefs de familles, commerçants, chefs des petites et moyennes entreprises, sont à 85% des nationaux, 15% seulement étant étrangers.
Dans la province du Nord-Ouest, principale pourvoyeuse d’enfants esclaves, les parents les mettent au travail dans les villes et les plantations et perçoivent les salaires de leurs propres progénitures mais aussi des orphelins à leurs charges.
Mme Fouda évoque également le cas de ces enfants qui habitent chez leurs employeurs et qui travaillent environ 126 heures par semaine et dont les parents, restés au village, perçoivent 5.000 FCFA par mois des employeurs, alors que les intermédiaires ont jusqu’à 25.000 FCFA mensuellement.
Ces enfants employés à des tâches domestiques, champêtres et commerciales subissent de la part de leurs patrons des blâmes, bastonnades, insultes, privations de nourriture et de soins de santé et même des retenues de salaires, selon Mme Fouda.
De même, elle a confié que près de 1.000 enfants camerounais ont été sortis des plantations cacaoyères où ils étaient utilisés abusivement comme main d’oeuvre et réinsérés, soit à l’école, soit dans l’apprentissage des petits métiers grâce à ce projet.
"Ces violences diverses, multiformes et répétées mettent en péril l’épanouissement des enfants, hypothèquent en même temps leur avenir et porte un coup sérieux à leur développement social, et psychologique", souligne Mme Fouda.
Mme Ngatcha Solange, responsable à l’Association enfants, jeunes avenir (ASSEJA), souligne que sa structure, dont le quotidien se meuble des arrivés des enfants victimes de trafic, prend en charge chaque année près d’une soixantaine d’enfants abandonnés et les amènent, selon leur choix, à faire des métiers qui les rendent financièrement autonomes.
Pour faire face à ce phénomène, M. Manga Noah a indiqué que que le gouvernement entendait transformer les zones pourvoyeuses d’enfants esclaves en zones prioritaires d’éducation où la scolarité et les fournitures scolaires seront gratuits afin de soulager les parents et ainsi permettre aux enfants de grandir dans des conditions acceptables.
Il s’agira également, a-t-il ajouté, de sensibliser les populations sur le phénomène et ses méfaits, mais surtout de renforcer les capacités des agents de police et de la gendarmerie nationale en vue de les mettre à contribution dans le démantèlement des réseaux des trafiquants d’enfants.