Niger – Après les affrontements entre étudiants et forces de l’ordre. La tension reste toujours vive
Le Républicain Niger – [08/06/06]
Les enseignants-chercheurs et les personnels administratif et technique de l’université Abdou Moumouni Dioffo de Niamey ont rencontré le ministre des enseignements secondaire et supérieur, de la recherche et de la technologie, Dr Ousmane Galadima, lundi dernier. Leur démarche a consisté à demander la reprise des négociations autour de la plate-forme des étudiants et la réouverture du Centre des œuvres universitaires (Cnou) fermé le 1er juin dernier, suite aux violentes échauffourées entre étudiants et force de l’ordre. Les activités du Cnou ont été suspendues sur instruction du conseil de cabinet (la réunion des membres du gouvernement). Le bilan de ces affrontements s’établit comme suit : une trentaine d’étudiants blessés dont 3 grièvement, 7 gendarmes et 5 policiers blessés, plusieurs véhicules dont celui de fonction du ministre Ousmane Galadima et de son chef de cabinet saccagés, et un autre de la police brûlé par les manifestants, des chambres des campus brûlées au moyen de gaz lacrymogène. 99 étudiants dont le Secrétaire général de l’Union des étudiants nigériens à l’université de Niamey (UENUN), Diori Ibrahim, et le Secrétaire chargé de presse ont été arrêtés, dans leurs chambres au campus, défoncées à l’occasion. Le 2 juin, 79 étudiants, pour l’essentiel des blessés, ont été remis en liberté. Un autre le sera deux jours plus tard. Les 19 qui sont encore en « garde à vue » sont internés au dojo de la Compagnie nationale de sécurité (CNS), à Niamey.
Au cours d’une conférence de presse, le 1er juin, Dr Galadima s’est interrogé sur les mobiles ayant conduit les étudiants à cette extrémité, au regard non seulement de sa disponibilité au dialogue et des acquis enregistrés sur les points de revendication de l’UENUN (voir encadré).
Les étudiants soutiennent, pour leur part, que leur action était pacifique à l’origine, n’eut été la «provocation» des forces de l’ordre. Ils auraient envisagé un sit-in au Ministère des Enseignements secondaire et supérieur et à l’agence nigérienne d’allocation et de bourses (Anab). Cette «provocation» aurait fait déborder le vase et provoqué les actes de désespoir qui ont suivi. Selon divers témoignages recueillis auprès des étudiants, les forces de l’ordre se sont livrées à des actes de violence à leur encontre. Certains blessés l’ont été en raison de la hargne des forces de l’ordre, qui ont manifestement fait le pari de violenter les manifestants. Même après les affrontements, et hors le théâtre des opérations. C’est ainsi que les étudiants ont attribué des actes de vandalisme aux forces de l’ordre : portes fracassées au campus, chambres gazées, portables et objets de valeur volés, cours abîmés. C’est dans ce branle-bas qu’une étudiante a sauté du 2e étage au campus ; son état de santé est jugé préoccupant.
Au-delà des revendications
Les tensions de ces dernières années dévoilent la crise de notre unique université. Si l’ouverture en octobre prochain des instituts universitaires de technologie (IUT) de Zinder, Maradi et Tahoua est perçue comme une des solutions pour pallier l’insuffisance de formations professionnalisantes, il reste que le gouvernement et le parlement se doivent de faire des efforts pour accorder des crédits conséquents à l’Université et une enveloppe bourses qui correspond au flux de la population estudiantine.
Du reste, on ne peut pas confier une autonomie de gestion à l’Anab, et poser des revendications de bourses au Ministère chargé de l’enseignement supérieur qui n’a aucune emprise sur ce «monstre ». Ce qui retarde souvent le paiement de bourse ou créé la discrimination dans l’octroi de celle-ci.
Comment peut-on demander à un Ministère qui ne gère pas les bourses de régler une revendication s’y rapportant ? On comprend alors pourquoi l’UENUN a exigé "la dissolution de l’Anab, son audit et une poursuite judiciaire contre son inamovible Directeur général, Diallo Mamoudou Abdoulaye."
Oumarou Keïta