Les universités ivoiriennes ont reouvert leurs portes et celles-ci fonctionnent malgré quelques réglages qui restent à finaliser.
Les cours ont repris dans une nouvelle ambiance, un nouvel esprit marqué par la signature de la Charte de Bonne Conduite de l’étudiant. Il s’agit d’une “profession de foi” à travers laquelle les étudiants s’engagent à renoncer à la violence et à préserver un esprit civique sur le campus.
Pour les autorités ivoiriennes, cet engagement doit réellement se faire sentir sur le terrain car les étudiants n’ont pas été de tout temps des enfants de cœur ! En effet, les syndicats étudiants avaient délaissé les campus pour devenir le bras armé des mouvements politiques radicaux proches de l’ancien pouvoir. Ainsi la toute puissante Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI) s’était muée discrètement en Galaxie Patriotique, en Groupement des Patriotes pour la Paix (GPP) ou Congrès de la Jeunesse Panafricaine (COJEP). De plus la FESCI s’était imposée comme le gestionnaire tout puissant de l’école ivoirienne avec de nombreuses dérives. « A l’époque vous aviez peur quand vous devez aller à l’université ! Pour un rien “les camarades” pouvaient vous battre à mort et vous dépouiller. C’était plus une qu’un syndicat étudiant, une petite armée !» se souvient Marthe N’goran étudiante en lettre moderne à l’Université de Cocody.
La FESCI qui faisait de l’ombre aux autres organisations estudiantines est taxée d’avoir introduit la machette et les armes à feu comme mode de dialogue sur le campus. « On ne se sentait plus en sécurité parce que ceux qui étaient sensés nous défendre, porter notre voix auprès de l’administration et du ministère étaient devenus nos bourreaux » souligne Coulibaly Ismaël étudiant en sciences-économiques. Yapo Anselme a été membre de la FESCI. Il reconnait que le syndicat étudiant a dévié mais cela est en grande partie « le fruit de la corruption des leaders par les politiciens et leur soif d’enrichissement par toutes les formes de magouilles sur le campus ».
Malgré ce passé sombre du syndicat étudiant, Yapo Anselme, Marthe N’goran et Coulibaly Ismaël comme la quasi-totalité des étudiants estiment que l’université ne peut exister sans un syndicat étudiant. Alors si les syndicats étudiants doivent continuer d’exister, quel doit être leurs nouveaux visages ? Pour Charles Roméo Ibrahim, étudiant inscrit en licence de Gestion, « les nouveaux syndicats étudiants doivent renoncer à la violence, lutter pour les étudiants et non pour l’enrichissement des leaders syndicaux. Ces syndicats ne doivent pas s’allier aux partis politiques mais se consacrer à l’amélioration du cadre de vie de l’étudiant ».
Mme Koffi Anne qui est mère de famille avec deux enfants à l’université estime pour sa part que la liberté de militer dans un syndicat est un droit pour tous les étudiants. L’Etat ivoirien ne peut en aucun cas les priver de ce droit ! Néanmoins, Mme Koffi pense que l’élément le plus important pour sauver l’université ivoirienne et éviter qu’elle ne redevienne un champ de bataille c’est « une plus grande maturité de la part des étudiants ». « Nos enfants doivent comprendre qu’ils sont là pour leurs études et non pour les bagarres, les meetings politiques sur le campus, cacher des armes sous leurs lits, vendre la drogue ou se prostituer ! Ils doivent prendre un nouveau départ pour être utile demain à ce pays ».
En affichant cette maturité, l’université ivoirienne sera de nouveau l’antre du savoir et non de la délinquance et cette position est celle qu’épouse l’enseignant Victorien AKA. « Si les étudiants se positionnent comme des êtres faibles et faciles à manipuler, les politiciens n’hésiteront pas à les utiliser. Par contre s’ils sont forts et indépendants, personne ne pourra les manipuler ».
Les étudiants sur le campus, malgré un arrêté inter-ministériel interdisant la création des syndicats étudiants, ont déjà fait émerger un nouveau syndicat. Il s’agit du Comité des Elèves et Etudiants de Côte d’Ivoire (CEECI) qui s’est déjà signalé en paralysant les cours pour des revendications jugées utiles par les étudiants. Celles-ci portent sur l’absence de latrines, de climatisation et de micro pour les amphithéâtres, l’inexistence d’abri de bus et d’espace de restauration adéquats.
SUY Kahofi pour ExcelAfrica
22-01-13