En prélude à la clôture du Forum Ibrahim 2012, la Fondation Mo Ibrahim a organisé, hier, une série de panels autour du thème : « La jeunesse africaine, réaliser le potentiel ». Cette rencontre, présidée par le Premier ministre Abdoul Mbaye, a été l’occasion, pour les participants, venus de partout, d’exposer les grandes tendances et les principaux enjeux qui caractérisent aujourd’hui la jeunesse africaine.
C’est devant un parterre de personnalités, dont d’anciens chefs d’Etat africains, que le Premier ministre du Sénégal, Abdoul Mbaye, a procédé à l’ouverture de trois panels consacrés à la problématique de la jeunesse et de l’emploi en Afrique. Dans sa communication introductive, le chef du gouvernement s’est d’abord réjoui du thème porté sur la jeunesse. Car, a-t-il indiqué, « l’avenir du continent africain se confond assurément avec celui des jeunes ». En posant la problématique de la jeunesse, ce forum donne l’occasion d’évoquer des questions majeures qui appellent des solutions urgentes pour l’avenir de nos pays et de notre continent. Qu’il s’agisse de la démographie, de la formation professionnelle, de l’emploi, de la compétitivité et des responsabilités politiques et sociales, a ajouté M. Mbaye. « A l’écoute des jeunes, nous devons rester mobilisés autour de leurs préoccupations, pas seulement pour des raisons économiques et sociales, mais aussi pour la paix, la stabilité et la sécurité de nos pays », a soutenu le Premier ministre. Parce que, a-t-il estimé, c’est souvent l’échec et l’exclusion sociale qui transforment la jeunesse en proie facile pour la délinquance et l’extrémisme.
Faisant référence à une étude publiée à l’occasion de ce forum et qui révèle qu’en 2035, la main d’œuvre africaine dépassera en nombre celle de la Chine, M. Mbaye a affirmé, à cet effet, que cette « mutation démographique ne doit pas nous laisser indifférents ». « A nous d’en faire une force et non un handicap, une promesse d’avenir et non un fardeau paralysant ». A l’en croire, ce pari sera réussi en motivant les jeunes et en leur donnant l’envie d’étudier, de se former, d’être compétitifs, de réussir pour eux-mêmes, pour leur famille, pour leur communauté et leur pays. « Nous réussirons ce pari par une éducation de qualité pour tous, une formation professionnelle adaptée au marché de l’emploi et une maîtrise des technologies de l’information par le plus grand nombre », a insisté M. Mbaye.
S’adressant à l’assistance, l’ancien chef d’Etat du Nigeria, Olusegun Obasanjo, a souligné que « les enfants et les jeunes sont des dons de Dieu ». Cette frange de la population, a-t-il soutenu, a de la valeur innée, celle venue de Dieu. Ce qui constitue, à son avis, « un avantage » et un « atout ». « Les jeunes d’aujourd’hui ont beaucoup d’opportunités, liées aux nouvelles technologies, à saisir », a dit M. Obasanjo. Il y a trente ans, périodes des ajustements structurels en Afrique, les opportunités dont disposait la jeunesse africaine étaient l’agriculture, la politique ou l’armée, a rappelé l’ancien président nigérian.
Maintenant, tel n’est plus le cas, car, à l’heure actuelle, les jeunes ont l’Internet, la télévision câblée, bref, tous les moyens nécessaires pour pouvoir mieux communiquer et interagir entre eux, a martelé Olusegun Obsanjo. « On nous dit que l’heure de l’Afrique a sonné et, paradoxalement, 60 % de la population africaine, des jeunes en majorité, peinent toujours à s’insérer dans le marché de l’emploi », a-t-il constaté. M. Obasanjo a également demandé aux jeunes d’avoir confiance en eux. « Il suffit que nous croyions en nous-mêmes en tant qu’Africains. Si vous n’avez pas grandi avec la mentalité que vous pouvez réaliser cette confiance en vous-même, vous n’y arriverez pas », a prêché l’ancien président du Nigéria.
Développement économique de l’Afrique : Ouvrir les frontières et mutualiser les politiques agricoles
Plusieurs intervenants, lors de la clôture du sixième forum annuel de la Fondation Mo Ibrahim, estiment que l’Afrique doit miser sur son intégration et abandonner ses barrières frontalières, et d’autres sont d’avis que le continent doit mutualiser sa politique agricole pour arriver à une souveraineté alimentaire.
Le premier panel de la clôture du sixième Forum annuel de la Fondation Mo Ibrahim a porté sur le thème « Quels emplois demain : le contexte mondial et régional de la demande potentielle ». Différents intervenants ont insisté sur l’intégration économique de l’Afrique. Michel Barnier, commissaire européen pour les marchés internes et des services, estime que le modèle d’intégration économique européen, qu’il a résumé en six points, peut grandement servir l’Afrique. Dans un premier temps, a-t-il soutenu, le continent africain doit avoir un projet politique de paix et de stabilité pour construire son économie. La deuxième clé consiste, selon lui, à abandonner les frontières. « C’est une erreur de rester cloisonné dans son territoire.
Les pays qui prônent le dialogue social, le capital risque, la formation et l’apprentissage réussissent mieux que les autres. Il faut ouvrir les frontières », a recommandé M. Barnier. L’Europe a réussi sa souveraineté alimentaire grâce à une mutualisation totale de sa politique agricole. Toutefois, a-t-il précisé, l’intégration ne signifie nullement une identité unique. « Il faut respecter l’identité nationale de chaque pays. L’Europe est unie et non uniforme. Aucun des pays n’a la capacité d’agir seul dans les quarante ans à venir ».
Pour M. Barnier, le destin économique de l’Afrique se fera non seulement dans le temps mais exige aussi une volonté politique forte. « L’Afrique doit compter sur ses ressources et sur les importations. Il n’y a pas de fatalité. C’est possible. Nous devons mettre de l’ordre dans la gouvernance des marchés », a-t-il dit. La directrice du Forum mondial pour l’Afrique, Elsie Kanza, est allée dans le même sens, tandis que James Mworia, directeur général de Centum investment, a insisté sur l’utilité de la productivité comme étant un moteur de développement. « Le problème de l’Afrique, c’est la productivité », a-t-il déclaré. Une bonne croissance est intimement tributaire à la productivité qui assure aussi bien le développement et la compétitivité, a expliqué M. Mworia. « Ce qui est étonnant, à son avis, si nous prenons le Pib de l’Afrique qui est de l’ordre de 1.600 milliards de dollars, on se dit qu’il est impressionnant, alors que c’est l’Afrique du Sud, l’Egypte et le Nigéria qui consomment l’essentiel. Pendant ce temps, les Pays-Bas ont un Pib de 800 milliards de dollars. Donc, la moitié du Pib de l’Afrique ».
Chaque année, 7 à 10 millions de jeunes africains sont à la recherche d’emploi. Raison pour laquelle l’Afrique doit miser sur l’agriculture qui, malheureusement, repose sur la force de travail des hommes, a constaté le directeur général de Centum investment. Le continent gagnerait aussi à améliorer sa gouvernance pour sortir de l’ornière. « L’économie mondiale est en train de ralentir. Si l’Afrique veut se positionner, il faut qu’elle mise sur les infrastructures, les marchés et une main-d’œuvre qualifiée », a-t-il souligné. Pour le gouverneur de la Banque centrale du Nigéria, Lamido Sanusi, c’est une question de choix politique. « Pourquoi importer de la tomate alors qu’on peut construire des industries qui peuvent fabriquer ce produit ? » a-t-il martelé, avant de demander aux Africains de se battre contre la corruption. Par ailleurs, M. Sanuci a dénoncé l’absence d’un système de financement des Pme et Pmi de la part des banques, hormis celles de l’Afrique du Sud.
S. D. SY et A. DIAW
12/11/2012