MBABANE — Toute une génération d’étudiants au Swaziland voit son avenir compromis par la crise secouant ce petit pays africain qui a réduit le nombre de boursiers, une démarche non dénuée d’arrières pensées politiques, dénoncent les opposants au roi Mswati III.
Dans ce royaume rural d’1,1 million d’habitants, où les partis politiques sont interdits, l’université est un foyer de contestation contre le roi, critiqué pour sa gestion économique, ses dépenses somptuaires et le manque de démocratie.
Pour 1.200 étudiants admis à l’université du Swaziland à la rentrée 2011, 10.200 avaient passé les examens, 1.400 avaient été reçus mais une partie n’a pas pu s’inscrire et moins de la moitié ont reçu une bourse d’Etat (505).
Pour la rentrée d’août 2012, les choses ne devraient pas s’améliorer. “Jusqu’à ce que la situation s’améliore et jusqu’à nouvel ordre, la ligne actuelle sur les bourses perdurera”, a prévenu en mars le ministre du Travail Lutfo Dlamini.
Plus largement, le nombre de boursiers de première année a été restreint, y compris pour les études à l’étranger cruciales dans un pays confetti, réputé pour sa faculté d’agronomie mais qui, de par sa petite taille, n’offre pas toutes les spécialités.
Maroc, Russie, Cuba font partie des destinations où les Swazis étudient, mais seuls une soixantaine d’heureux élus inscrits dans un pays africain voisin ont eu une bourse l’an dernier.
Ce n’est pas de chance pour Phinda Simelane, qui avait terminé le lycée et devait faire médecine en Afrique du Sud.
Visite à l’administration swazie, demande de bourse, attente: “Finalement ils ont refusé et mon père ne peut pas payer les 46.000 Rands (4.500 euros, ndlr) hors logement et nourriture. Alors que ce cursus n’existe même pas au Swaziland”, raconte Phinda à l’AFP.
Pour Maxwell Dlamini, leader de l’union nationale étudiante, la réduction du nombre de boursiers est signe de “la crise profonde de notre système éducatif” et d'”un pays qui sombre”.
“Il ne faut pas être grand clerc pour deviner que les parents, à court et à long terme, n’ont pas les moyens de payer les frais de scolarité qui explosent en Afrique du Sud et au Swaziland”, dit-il.
Dans le passé, notamment jusqu’au début des années 1990, le Swaziland était relativement prospère. Les temps sont devenus plus durs, mais jusqu’à une date encore récente, l’Etat accordait généralement des aides à tous les étudiants admis à l’université locale, et même dans certains établissements sud-africains.
Le gouvernement a beau jeu de mettre en avant la mauvaise passe financière du royaume, étranglé par la perte en 2010 des revenus d’une union douanière régionale et qui peine depuis à payer notamment ses fonctionnaires.
Mais l’argument passe mal dans un pays où le roi, pilier respecté de la tradition swazie, dépense sans compter pour lui et ses treize femmes.
Et selon M. Dlamini, les coupes “visent délibérément à damer le pion au militantisme estudiantin, car vu l’interdiction des partis et des syndicats, les étudiants sont les seuls donner du fil à retordre au gouvernement sur les questions de gouvernance et d’éducation”.
Il en veut pour preuve les directives officielles du Bureau de sélection des bourses qui précisent que cet organisme gouvernemental “peut, à sa discrétion, mettre fin à une bourse. La fin peut donc être prononcée quand un étudiant soutient ou poursuit des activités d’une entité interdite”.
Par “entités interdites”, les autorités désignent notamment le principal parti d’opposition (Pudemo), le Congrès de la jeunesse swazie (Swayoco) et le réseau de solidarité avec le Swaziland (SSN).
Autre signe d’austérité, le gouvernement a aussi annoncé une réduction des places d’université pour les aspirants étudiants en droit, journalisme et humanités, jugés “faiblement prioritaires” comparé aux études d’informatique, commerce et sciences.
AFP
11/7/12