Difficile, tumultueuse, chaotique…On ne cessera jamais d’invoquer le vocabulaire du pire pour qualifier l’année académique 2010-2011. Cette année scolaire a vogué au gré de grèves, des manifestations de rue et des fermetures momentanées des classes. L’on a frôlé la catastrophe de l’année blanche ou invalidée. L’école a été sauvée in extremis grâce à la volonté des acteurs de l’éducation. Et comme toujours, si d’aucuns n’ont fait qu’assurer le service minimum-histoire de sauver les meubles-, d’autres se sont particulièrement distingués en réalisant de très bons résultats à l’issu des examens des différents ordres d’enseignement. C’est le cas des élèves Tall Mahamadou, Zida Romain Ariel et Sawadogo Relwendé Daniel Arnaud qui ont eu un seul dénominateur commun : l’excellence. Zoom sur un trio d’as quasiment laissés en rade et abandonnés à eux-mêmes par l’Etat.
Tall Mahamadou.
Cet élève s’est hissé au rang de premier national aux examens du primaire de l’année académique 2010-2011. Il a obtenu 167 points sur un total de 170 à l’examen du Certificat d’études primaires et de l’entrée en 6e. Agé de 14 ans, le meilleur des certifiés a une histoire pathétique. Orphelin de père dès l’âge de 6 ans, Tall Mahamoudou a été « repêché » et inscrit à l’école par une association dénommée « Union des routiers burkinabé de lutte contre le Sida », section Bobo. C’est cette association qui depuis lors, s’occupe de la scolarité et des fournitures scolaires de cet élève.
Né le 14 décembre 1997 à Ferkessédougou (République de Côte d’Ivoire), de Feu Tall Adama et de Diallo Kadidia, il est issu de l’école primaire publique Colma « B » de Bobo dans la circonscription d’éducation de base N. 8. Tall Mahmadou en se classant 1er des 258 288 candidats et des 165 287 certifiés a incontestablement fait sa part de travail en prouvant qu’on peut être ou rester excellent même en situation difficile. Mais le sort réservé à ce brillant élève met à nu la démission de l’Etat vis a vis du système éducatif en général et singulièrement dans son volet stimulation et accompagnement des élèves. Pour preuve, Tall Mahamadou à l’instar des autres certifiés et admis à l’entrée en 6e ne sentiront pas l’odeur d’une bourse ou d’une quelconque allocation scolaire de la part de l’Etat. Le ministère en charge de l’éducation l’a juste orienté au Lycée Ouezzin Coulibaly (LOC) de Bobo pour qu’il y fréquente la classe de 6e. Certes, de généreux donateurs institutionnels et informels lui ont déjà gratifiés de 4 vélos et des kits scolaires avec en sus une somme de 140000 FCFA.
Mais point besoin d’être devin pour savoir que ces gestes oh combien salutaires ne sauraient suffire à entretenir l’excellence et la détermination de ce petit génie qui rêve pourtant de devenir un chercheur scientifique avec pour mission de découvrir des médicaments contre le VIH/SIDA et le paludisme entre autres.
Zida Romain Ariel.
Pierre Corneille ne pensait pas si bien dire en déclarant qu’aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années. Il est né le 22 janvier 1997 de Zida Ouindtaré Dieudonné et de Zida Lucienne. A 14 ans, il vient d’inscrire en lettre d’or son nom dans l’histoire du Brevet d’études du premier cycle (BEPC) en engrangeant 428,5 points sur 480 soit une moyenne de 17,85/20. C’est une performance quasi inégalée de l’avis des acteurs du système éducatif. Certifié dès l’âge de 10 ans, Zida Romain Ariel est un allié de l’excellence. En effet, il a obtenu 16,82 de moyenne en classe de 6e ; 17 de moyenne en 4e. Avant de réaliser sa performance historique, au BEPC et à l’entrée en seconde, il a terminé 1er de sa classe de 3e avec une moyenne de 16,20/20. Ces résultats lui ont valu d’être le chouchou de la direction du Complexe scolaire Notre Dame de l’annonciation (Ouagadougou), de ses camarades et naturellement de ses parents.
Troisième fils d’une fratrie de 4 enfants, Romain Ariel assure avoir réalisé ces résultats grâce à son sens de l’organisation, de sa passion pour les études et de sa discipline. « Je n’ai pas eu d’encadreur ou de répétiteur de cour à domicile. Je prenais les cours à l’école et je m’organisais pour mieux les assimiler. » confesse –t-il. Côté soutien ou accompagnement, Zida Romain Ariel est le parent pauvre des premiers nationaux car il n’a bénéficié de rien…jusque là. Ni reconnaissance officielle, ni récompense. Ses parents ne s’en reviennent pas. « On prône l’excellence alors que rien n’est fait pour encourager ceux qui s’efforcent d’exceller. » s’offusque Zida Dieudonné, le père du premier national au BEPC. Mais le petit « génie » semble avoir un moral de fer. L’indifférence de l’Etat à son égard n’entame en rien sa détermination à poursuivre ses études. Après avoir passé brillamment le test d’admission au complexe scolaire Sainte famille de Pissy, il y est inscrit en classe de 2nde C. L’as qui a figuré sur la liste d’attente du Prytanée militaire du Kadiogo(PMK) en 2007 avait rêvé d’une carrière militaire. Mais actuellement, il a les yeux tournés vers la NASA. Et il promet de bien étudier pour y travailler un jour. « Je demande à Dieu de prêter longue vie à mes parents pour qu’ils voient le fusée que je vais lancer…à partir du Burkina. » implore t-il.
Rêve d’enfant ou un vrai rendez-vous pris avec le destin ? L’histoire nous le situera. Reste à savoir si l’Etat ou la république s’invitera dans la trajectoire de cet enfant doué et passionné de mathématiques et d’histoire géographie. Pour l’instant, même si son mérite semble n’avoir de valeur aux yeux de la République et des gouvernants, lui porte en estime le vieux Gérard Kango Ouédraogo. « J’admire Gérard Kango Ouédraogo parce qu’il manie bien la rhétorique et il maitrise aussi bien l’histoire politique du Burkina. »
Sawadogo Relwendé Daniel Arnaud
Il a été le premier au niveau national à l’examen du Bac 2011. Il a obtenu son Baccalauréat série D avec une moyenne de 16,88/20 assortie de la mention « très bien ». Relwendé Daniel Arnaud est né le 11 décembre 1992 à Ouagadougou. 2e fils d’une fratrie de 4 enfants, le premier national au Bac est orphelin de père et de mère. « J’ai perdu mon père depuis 1996 et ma mère en 2007. Je vis donc avec mes frères. Mon grand frère qui est étudiant en 4e année de médecine et qui s’occupe de mes petits frères et moi n’avait que 20 ans à la mort de maman. Avec ses amis, il dispense des cours à domicile et des cours d’appui afin de pouvoir prendre en charge toutes nos dépenses aussi bien au plan alimentaire que scolaire » témoigne t-il avec émotion.
Issu du lycée municipal Vénégré, Sawadogo Relwendé Daniel Arnaud est familier des premiers rangs. Il a été premier de sa classe en 2nde et en 1ere. En 2011, il n’a pas été que premier national au Bac. Il a été aussi le premier aux Olympiades en physique chimie tout comme il a été premier du Burkina au concours de l’école africaine des métiers de l’architecture et de l’urbanisme (EAMAU). Il est actuellement au Maroc avec une bourse pour étudier l’architecture qui n’est autre que le métier de son rêve. Mais il ne manque pas de dire qu’il est allé au Maroc par défaut. « Le Maroc n’est pas mon premier choix mais j’y suis allé parce que je n’ai pas trouvé mieux ailleurs. » déclare t-il avant d’ajouter ceci : « je pense que l’Etat burkinabé doit plus s’engager à récompenser les meilleurs élèves pour que cela serve à stimuler les autres. » Lui qui pensait bénéficier des compliments du ministère des enseignements secondaire et supérieur sous quelque forme que ce soit commence à déchanter !
Touwendinda ZONGO
Article paru dans Mutations N. 02 du 1er Octobre 2011 MUTATIONS Mensuel burkinabé paraissant chaque 1er du mois (contact : [email protected])
Mai 2012