Un rapport de l'Association européenne des universités critique leur manque de transparence et leurs conséquences négatives.
Shanghai, Times Higher Education (THE), QS… Les classements d'universités se multiplient et font de plus en plus la loi malgré les critiques dont ils font l'objet. Récemment, le QS World university rankings a ainsi décliné plusieurs nouveaux classements par discipline (informatique, chimie, médecine, biologie, sciences physiques et environnementales, arts et sciences humaines). En France, le gouvernement, bien que dénonçant ces classements, ne cache pas sa volonté de voir grâce à ses réformes (autonomie, regroupements…) et au grand emprunt, les universités françaises mieux représentées dans les tops 100 que trustent les MIT, Harvard, Cambridge et autres Stanford et supplantées par les grandes écoles (Polytechnique, Normale Sup…). Non seulement les établissements français sont rares dans ces palmarès (quatre dans le top 200 du Times Higher Education par exemple) mais en plus ils sont surreprésentés par les grandes écoles (Polytechnique, Normale Sup…).
Dictature
Cette dictature des classements dont raffole le grand public est largement dénoncée dans un rapport publié vendredi par l'Association européenne des universités (EUA) qui passe au crible les treize plus grands d'entre eux. Verdict, ils "fournissent une image trop simplifiée de la mission institutionnelle, de la qualité et de la performance car ils se concentrent principalement sur des indicateurs relatifs à la recherche" des universités étudiées. Or la mesure de l'excellence de la recherche, qui se limite souvent au nombre et type de publications des chercheurs (bibliométrie) est elle-même de plus en plus critiquée. D'une part parce que cela conduit certains chercheurs à n'agir qu'en fonction de leurs publications (nombre, revues à haut indice…) ; d'autre part parce que cela conduit de fait à désavantager les disciplines qui publient moins ou différemment par nature, telles les lettres et sciences humaines et sociales où la production de livres est plus courante.
Par ailleurs, "l'enseignement et la formation ne sont mesurés que de façon indirecte et parfois même de manière risible !", relève Jean-Marc Rapp, président de l'EUA. Ainsi le classement de Shanghai évalue-t-il le volet formation à la seule présence de prix Nobel dans le corps enseignant. Nombre de critères peuvent aussi être interprétés dans les deux sens, l'environnement des établissements et "les budgets nationaux en matière d'enseignement ne sont pas pris en compte", ajoute Jean-Marc Rapp. Pire, dénonce l'EUA, ils ne couvrent que 1% à 3% des quelque 17.000 universités existant dans le monde (soit 200 à 500 d'entre elles).
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Manque de transparence
Bref, le manque de transparence est d'autant plus dangereux que ces classements se multiplient, chaque pays et institution cherchant à se fendre de ses propres palmarès aux critères plus ou moins précis. Avec pour conséquences néfaste de pousser les universités à investir plus "dans les activités qui améliorent leur rang que dans leur missions principales que sont l'enseignement et la formation". Ce qui est dommageable tant pour le "consommateur" que pour les dégâts causés au sein des universités, souligne le président de l'EUA. L'association, qui prépare des études complémentaires, préconise donc de fournir une meilleur information sur les différents degrés de transparence des palmarès (certains classements sont soupçonnés de faire figurer des institutions contre rétribution…), les méthodologies employées et leur signification et de "démocratiser les classements pour permettre à plus d'institutions d'y trouver leur place", notamment celles de proximité.
Un classement européen en 2013
En attendant, plusieurs initiatives ont été lancées. L'Union européenne vient juste d'achever la phase de test de son "U-multirank" (La Tribune du 10 septembre 2010), réalisée auprès de 157 universités de 57 pays. Ce travail européen se veut plus être une cartographie multicritères qu'un classement à proprement parler. La phase d'application, qui sera élargie à plusieurs centaines d'universités, pourra débuter une fois l'aval de Bruxelles obtenu, la publication d'un premier classement étant envisagée pour 2013, le temps d'affiner les critères. Mais, nuance l'EUA, "des données comparatives internationales sont nécessaires, ce qui s'avère difficile pour l'heure". Sans compter que les livres ne sont toujours pas pris en compte, souligne Jean-Marc Rapp. Autre piste, les "principes de Berlin", édictés par le groupe d'experts internationaux en classements Ireg, devraient bientôt labelliser les classements les plus sérieux. Comme le souligne l'EUA, des chercheurs de l'université du Minnesota s'y sont récemment essayé. Résultat, le classement le mal coté en Europe est le fameux THE. De quoi méditer.