« L’holocauste oublié » des 5 millions de morts à l’Est de la RDC hante à nouveau les consciences au Congrès américain

Nouveau rebondissement au Congrès américain de la tragédie de l’holocauste des cinq millions de morts à l’Est de la RDC dont la communauté internationale néglige toujours de prendre en considération la douloureuse situation comme si la vie des Congolais ne représente pas de valeur humaine

La tragédie qui a élu domicile depuis 1996 à l’Est de la RDC est un nouveau « holocauste » que l’on tente d’oublier sinon d’étouffer comme ce fut le cas, un siècle plus tôt, du premier dont la responsabilité fut imputée au roi belge Léopold II. Déjà plus de 5 millions de morts contre près de 10 millions à l’époque de l’Etat indépendant du Congo. Les chiffres incitent à rompre le cycle infernal et le signal fort est parti des Etats-Unis, où, sous l’impulsion de Ben Affleck, acteur d’Hollywood, et Cindy McCain, épouse du sénateur John McCain, un lobbying est mené auprès du Congrès américain pour une réponse humanitaire à l’échelle mondiale. Un tribunal pénal international pour la RDC s’impose.

La République démocratique du Congo vit depuis la décennie 1990 les pires moments de son histoire. Tout se passe comme si dans ce pays, l’histoire serait un éternel recommencement. Si à l’époque où la RDC était sous-tutelle belgo-léopoldienne, les graves crimes commis en territoire congolais – soit plus de 10 millions de morts – sont restés impunis jusqu’à tomber dans l’oubli, cette fois-ci, le monde a décidé de réparer. Certainement par devoir de mémoire. Ainsi, au nom de la justice transitionnelle, un lobby, mené à Washington par deux têtes d’affiche, s’est constitué pour rappeler au monde le drame qui s’est abattu à l’Est de la RDC. Il n’est pas exclu que les Etats-Unis s’engagent dans une grande mobilisation internationale en faveur du peuple meurtri de la RDC.

Lobbying à Washington

En effet, deux sujets américains, l’un, Ben Affleck, partisan du parti démocrate et acteur d’Hollywood, et l’autre, Cindy McCain, épouse du sénateur américain et candidat malheureux à la présidentielle de 2008, ont décidé de mettre en commun leurs efforts pour mobiliser l’administration américaine en vue de stopper le drame qui sévit à l’Est de la RDC où plus de 5 millions de personnes, selon les dernières estimations, ont trouvé la mort.

C’est de retour d’un voyage dans cette partie trouble de la RDC que les deux Américains ont ravivé d’ardeur dans leur initiative, convaincus que les Etats-Unis peuvent peser de tout leur poids dans la pacification et la sécurisation de l’Est de la RDC. Ben Affleck et Cindy McCain se sont présentés mardi 8 mars 2011 devant la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants pour mieux faire connaître les souffrances de la RDC. Ils ont sollicité la coordination d’une action internationale pour une réponse humanitaire appropriée à ce qui se passe dans la partie Est de la RDC. Très préoccupé par ce qui se passe en RDC, l’acteur américain a mis en garde mardi dernier les parlementaires américains contre une réduction de l'aide étrangère au Congo avec ce risque de le faire basculer à nouveau dans la guerre.

« L'austérité requiert que nous fermions les yeux sur le Congo, mais ce serait faire des économies des bouts de chandelle qui feraient basculer de nouveau la République démocratique du Congo », a déclaré Ben Affleck devant la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants.
« Nous devons étudier sérieusement notre engagement en cours et ensuite nous devons en faire plus », a ajouté l'acteur, qui a fondé en 2010 l'organisation Eastern Congo Initiative (ECI), appelant à un effort redoublé des Etats-Unis pour stabiliser l’Est de la RDC, où sévissent encore viols et violences. L'appel lancé par Ben Affleck, qui s'est rendu à plusieurs reprises en RDC, intervient au moment où les élus américains tentent de trouver un accord durable sur le niveau des dépenses de l'Etat fédéral.

Ben Affleck faisait partie d'un groupe de personnalités – avec notamment Cindy McCain, épouse du sénateur républicain John McCain, candidat malheureux de la présidentielle américaine de 2008 – venus plaider au Congrès une implication plus importante des Etats-Unis pour la promotion et la protection des droits de l'Homme en Afrique. La signature de l'accord de paix en 2002 avait pour but de mettre fin à un conflit qui a tué plus de 5 millions de personnes en RDC. Malgré différentes initiatives déployées tant sur le plan national qu’international, l’Est de la RDC est toujours en proie à l'instabilité en raison de la présence de plusieurs groupes armés et milices locales, régulièrement accusés de commettre des violences et autres exactions contre les populations.

L’Histoire se répète

A la fin du 19ème siècle, plus de 10 millions de Congolais sont tombés pendant la gestion léopoldienne de l’Etat indépendant du Congo. S’étant intéressé à la manière dont Léopold II exploitait le Congo et les Congolais, un journaliste américain, Adam Hochschild, publia, après plusieurs années d'enquête, un ouvrage sous le titre combien évocateur: « Les fantômes du roi Léopold ou un holocauste oublié ».

L'histoire, constate Hochschild, présenté par Karine Vouillamoz, journaliste au quotidien suisse « Le Matin », aurait pu durer longtemps si Edmund Dene Morel et Roger Casement n'avaient pas existé. Le premier cité, était un brillant journaliste et largement en avance sur son époque. Il finit par se rendre compte de la face cachée du monarque belge. Durant le reste de sa vie, Edmund Dene Morel engagea son talent et mit tout en œuvre pour dénoncer le système léopoldien et soutenir les victimes congolaises.

De son côté, l'explorateur Roger Casement fut le premier à dévoiler des massacres à large échelle au Congo. A force de persévérance et d'habileté, les deux hommes parvinrent à fonder l'un des premiers mouvements de défense des droits de l'Homme: la « Congo Reform Association ». Et, sous ce label de combat, Edmund Dene Morel et Roger Casement réussirent à attirer l'attention de la communauté internationale sur les méthodes de Léopold II, suscitant l'indignation générale. On en vint ainsi à retirer toutes les cartes du jeu « Congolais » de mains de Léopold II.

Adam Hochschild a estimé à plus de 10 millions le nombre de personnes exterminées au Congo entre 1880 et 1920; soit la moitié de la population totale du pays à cette époque. Un siècle après, c’est encore des Etats-Unis qu’est amorcée une action pour rétablir la vérité sur ce qui s’est passé en RDC. Manifestement, l’histoire du Congo est un éternel recommencement. L’action entamée aux Etats-Unis par Ben Affleck et Cindy McCain est une réplique de celle entreprise par Adam Hochschild.
 
Au début de 20ème siècle, le monde s’est approprié le sort du Congo, en décidant de le détacher de l’emprise du souverain belge. Entre 1998 et 2004, plus de 5 millions de Congolais, presque dans des conditions similaires à celles du 19ème siècle, ont été massacrés dans une indifférence déconcertante et coupable de la communauté internationale.

Pour rompre le cycle infernal, une réalité s’impose. Il s’agit de la nécessité de créer un Tribunal pénal international pour la RDC pour juger tous les auteurs des crimes commis en RDC depuis 1996. Dans son rapport mapping, les Nations unies ont qualifié de « génocide et des crimes contre l’humanité » les massacres perpétrés par les troupes en RDC entre 1996 et 2003. La communauté internationale doit prendre ses responsabilités. Sa crédibilité en dépend. C’est tout le sens de la démarche de Ben Affleck et Cindy McCain.
 
L’emploi du mot génocide doit entraîner en vertu de l’article VII de la Convention des Nations unies sur la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, une obligation pour les organes compétents de l’ONU de prendre les mesures appropriées en vue de la prévention et de la répression des actes de génocide.

Le lourd passif de la guerre

Pour rappel, depuis 1998, le nombre de morts en RDC a été estimé à 5,4 millions. Un triste bilan qui place le conflit en RDC juste derrière la seconde Guerre mondiale. Même si un groupe de recherche canadien a contesté ces chiffres en laissant entendre que des techniques d'enquête « correctes » réduirait ce bilan de moitié. Le nombre de 5,4 millions de morts depuis 1998, une estimation de l’International Rescue Committee’ (IRC), une organisation humanitaire, a joué un rôle non négligeable dans l'attention portée par les Etats-Unis et les Nations unies à la crise en RDC. Le Conseil de sécurité de l'ONU a cité les chiffres de l'IRC dans le processus de décision concernant la mise en place d'une force de maintien de la paix en RDC. Cette force compte désormais plus de 20.000 hommes, ce qui en fait l'opération de maintien de la paix la plus importante des Nations unies.
 
Il faut faire observer que l’action menée depuis Washington n’est pas le fait des Congolais. Qu’est-ce à dire ? Inconscience ou insouciance ? Ce qui est vrai c’est que le Congolais semble être le moins ému devant le drame qui s’est incrusté dans l’Est de son pays. Comme à l’époque de l’Etat indépendant du Congo, ce sont les autres – loin de la RDC -, qui se soucient du sort des Congolais.

Le Potentiel

11 mars 2011

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