Des enseignants en grève. Des étudiants qui ne défilent pas le 11 février pour protester contre l’arrestation du leader de leur Union. Des viols, des agressions et un incendie dans le campus.
La grève des enseignants se poursuit à la faculty of social and management science (Sms) de l’université de Buea. Les grévistes ne prennent guère part aux examens de fin du premier semestre, qui en étaient rendus à leur deuxième journée, avant hier 15 février 2011.
Un étudiant de cette faculté affirme que les épreuves sont surveillées par le personnel d’appui. « Nos enseignants ne sont même pas passés. Or d’habitude, ils viennent s’assurer que les sujets de composition sont bien libellés », se plaint-il. Les profs ont aussi promis de ne point corriger les copies. Ils réclament à l’administration centrale de l’université le payement d’une dette de 121 millions F.Cfa, qui représente les arriérés des primes de recherche et d’heures supplémentaires. Le premier jour des examens et du débrayage, les grévistes ont été reçus par le Pr Vincent Titanji, le vice chancellor (l’équivalent du recteur dans les autres universités d’Etat du pays). Mais les négociations ont échoué. « Ni le gouvernement, ni le ministère de l’Enseignement supérieur ne nous doivent de l’argent. L’administration de l’université a reçu les montants des primes depuis 2009. Ces fonds ont été utilisés à d’autres fins », explique un enseignant.
Hormis l’annonce de la grève des enseignants, avant l’entame des examens, la rumeur annonçait le boycott de ceux-ci par les étudiants. La police a même été alertée. « Dimanche, la veille du démarrage des examens, j’ai reçu un coup de fil du délégué régional de la Sûreté nationale du Sud-Ouest qui disait avoir appris que j’ai entrepris de faire boycotter des compositions », déclare Stanley Eyongetta, le chairman de l’Union des étudiants de l’université de Buea (Ubsu). « Ni l’organisation, ni moi, n’avons lancé un mot d’ordre », poursuit-il. Plus de peur que de mal. Les examens sont effectifs dans le campus universitaire à Molyko depuis le lundi 14 février. Leur déroulement n’a connu aucun blocage majeur lors de cette première journée.
11 février
La rumeur du boycott a fait suite aux incidents survenus le 11 février 2011 à Bongo Square, la place des cérémonies de la fête de la Jeunesse. Les étudiants de l’université de Buea (Ub) n’ont pas défilé. Une première dans l’histoire de cette institution. « Un goût amer est resté », reconnaît le vice chancellor, le Pr Vincent Titanji. Même s’il met un bémol. « L’université a partiellement participé au défilé. Notre fanfare a exécuté l’hymne national et a conduit le passage des établissements. Ensuite, il y a eu le cafouillage. »
A propos de cafouillage, tout se gâte sur la place des fêtes lorsque les quelque 1.100 étudiants de Ub, déjà en rang, constatent l’interpellation de Stanley Eyongetta, le chairman de l’Ubsu. Deux policiers le conduisent dans les locaux de la police Judiciaire de Buea. Des échauffourées s’en suivent. Les étudiants essaient en vain de sauver leur camarade. Puis, ils engagent une marche jusqu’à la Pj et entonnent des chansons. Finalement, le leader estudiantin est libéré. Mais le mouvement ne s’arrête pas et se déporte devant les services du gouverneur de la région du Sud-Ouest, Koumpa Issa, qui a d’ailleurs assisté aux évènements de Bongo Square où le défilé s’est néanmoins poursuivi.
Revendications
Les étudiants saisissent l’occasion pour porter leurs revendications à l’autorité administrative qui les a rejoints plus tard. Pour la participation au défilé, les cops’s de Ub refusent les 1.500 F.Cfa destinés à chacun d’eux et exigent 5.000 F.Cfa, le montant versé aux camarades des autres universités d’Etat, soutiennent-ils. Ils dénoncent aussi le climat social devenu délétère à l’université. Le 8 février déjà, le même Stanley Eyongetta a été arrêté vers 19h dans un bar, non loin du campus universitaire. Il a quitté la Pj après 22h, sous la pression de quelques membres de l’Ubsu. Il est clair que le Pr Vincent Titanji ne veut pas de cet étudiant en master II de pêche et production animale, à la tête du conseil de l’Union estudiantine. En fait, celui-ci dirige l’organisation en attendant l’élection du bureau exécutif initialement prévue en janvier dernier. Mais le vice chancellor a reporté le scrutin à mars dès l’entame du second semestre, sans préciser de date.
Le conseil de l’Ubsu est son organe délibérant. Depuis l’élection de Stanley Eyongetta comme chairman, plusieurs lettres ont été adressées à l’administration pour décrier les conditions de vie dans l’enceinte de l’université. « Depuis décembre 2010, trois étudiantes ont été violées, les agressions se sont multipliées et un incendie a consumé le bureau du directeur des affaires académiques ; à la faveur de l’éclairage public qui avait disparu. Sans compter que pendant un moment, il n’y avait pas d’eau et donc pas moyen d’utiliser les toilettes. Au lieu de trouver des solutions, l’administration a accusé les étudiants », raconte-t-il.
Assongmo Necdem
Source: Le Jour, 17/02/2011