Et de trois. Après l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, en mars 2010, après la Cour des comptes, en juin 2010, c'est au tour du comité de suivi de la loi d'autonomie des universités de s'inquiéter de la réorganisation universitaire française. Dans son troisième rapport, rendu à Valérie Pécresse, vendredi 5 février, le comité demande à l'Etat de présenter sa "vision à long terme de la structuration, sur le territoire, de l'enseignement supérieur et de la recherche".
Si l'objectif du gouvernement est, depuis 2006-2007, l'éclosion de pôles universitaires cohérents au niveau des régions, le comité s'inquiète, comme beaucoup d'observateurs du système d'enseignement supérieur, de l'actuel empilement de dispositifs de coordination universitaires. Des pôles de compétitivité aux réseaux thématiques de recherche avancée (RTRA) ou de santé (RTRS) en passant par les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES), toutes les "alliances" thématiques nationales de recherche et le nouveau dispositif créé dans le cadre du grand emprunt : les initiatives d'excellence (IDEX).
A force de créer des échelons de coopération, plus personne ne voit ce que vont devenir les universités, voire les grandes écoles, dans ce paysage de plus en plus flou. Pour éviter d'imposer un modèle unique de regroupement, l'Etat a officiellement décidé de laisser les acteurs choisir leur mode de regroupement ou de coordination. Ainsi, l'université, réformée du fait de la loi d'autonomie de 2007, semble déjà périmée pour les critiques les plus virulents du mécano institutionnel en cours.
"ON N'APPATTE PAS LES UNIVERSITES AVEC DES BONBONS"
De fait, pour répondre à l'appel d'offre concernant les IDEX, les dix-sept projets déposés multiplient les propositions d'organisation et de gouvernance distinctes. Si l'université de Strasbourg, le fruit de la fusion des trois universités précédentes depuis 2009, souhaite conserver cette forme universitaire classique, d'autres regroupements, candidats à l'IDEX, comme les quatre universités de Lorraine, préparent une université unique sous la forme d'un "grand établissement", un statut plus flexible que celui d'une université.
D'autres, comme le PRES Paris Cité (Paris-III, Paris-V, Paris-VII, Paris-XIII, etc.), n'entendent rien changé à leur organisation actuelle. Comme le rappellait Axel Kahn, le président de Paris-V, à La Lettre de l'éducation du Monde : "Les universités ne sont pas des enfants que l'ont appâte avec des sucres d'orge ! Je suspecte que certains, au gouvernement, veuillent profiter de ces investissements d'avenir pour aller plus loin que la loi d'autonomie de 2007… En autorisant la mise en place de grands établissements, certains pourront, par exemple, organiser une gouvernance avec davantage de personnalités extérieures à l'université ou fixer des frais d'inscription plus importants…"
QUID DES PETITS ETABLISSEMENTS ISOLES ?
Enfin, les universités de Bourgogne et Franche-Comté et leurs partenaires se sont dotés, comme beaucoup d'autres projets d'IDEX, d'une fondation de coopération scientifique (FCS) pour gérer le futur ensemble universitaire. Ce statut de FCS permet une très grande flexibilité de la gouvernance, avec la possibilité de donner plus de poids aux partenaires non académiques, notamment économiques et politiques.
Pour le comité de suivi de la loi d'autonomie, "cette complexification risque de rendre la lecture de l'organisation de l'enseignement supérieur et de la recherche française difficile pour les partenaires socio-économiques et parfois même pour les universitaires français, et a fortiori étrangers". D'autant plus, poursuit le comité : "Comment s'y prendront les petits établissements pour participer à ce mouvement qui nécessite temps, moyens humains et financiers, établissements dont le passage aux RCE n'apportera pas de réelles possibilités de marge de manœuvre ?"
Philippe Jacqué
Source: Le Monde
Dae: 08/02/2011