CAMEROUN – Délivrance de passeports: la machine est grippée
Depuis quelques semaines, les usagers se plaignent de la lenteur du processus de fabrication.
C’est en moyenne 1.800 demandes de passeports qui parviennent à la délégation générale de la Sûreté nationale chaque jour. Et bien que la DGSN, basée à Yaoundé, soit l’unique point d’établissement de ce document au Cameroun, l’on explique ici que si les Camerounais n’étaient pas passés maîtres dans l’art du faux et de l’usurpation de titre, on pouvait établir un passeport en 24 heures. Mais il s’avère que « le pays a perdu de sa crédibilité à l’étranger, où 20 passeports sur 100 sont contrôlés faux. Et partout là-bas, l’on commençait à croire que les autorités camerounaises étaient complices de ces malversations », explique le commissaire divisionnaire Beaulys Djom, directeur de la Police des frontières. Notre source poursuit en disant qu’il a fallu renforcer les mesures d’authentification des actes d’état civil, des diplômes et surtout des empreintes, avant d’établir tout passeport. Et il avoue par ailleurs que ces vérifications sont particulièrement longues.
Justement, hier à l’entrée des usagers à la Police des frontières, la masse humaine est impressionnante. Ici, autour de 12h, le soleil frappe fort et les visages sont serrés. « Nous sommes là depuis 7 h et on n’est pas près de repartir. C’est trop lent », regrette un jeune homme. Le refrain est le même pour tous. Mais une dame ajoute que « c’est de la combine ! Il y a des gens qui arrivent seulement maintenant et sont classés aux premiers rangs, sous prétexte qu’ils ont été recommandés. Pourtant ils ont dit qu’il y a un problème avec les machines et qu’il fallait être patient », raconte-t-elle.
Ici, un responsable explique qu’il y a un temps pour recevoir les dossiers et un autre pour les vérifier. Selon lui, ce deuxième volet est très important et il faut être méticuleux. Sinon le dossier est rejeté. Cette autre source pense qu’il serait souhaitable que le processus soit décentralisé, pour que les vérifications se fassent plus rapidement. Mais selon le directeur de la Police des frontières, « il faudra des équipements supplémentaires et c’est très coûteux ». Néanmoins, il pense qu’il y a beaucoup d’avantages à ce que toutes les données soient stockées au même endroit. Notamment pour le contrôle des identités. Toute chose qui interpelle de plus en plus les mairies et les directions d’examens officiels.
Beaulys Djom:
«On ne peut plus établir un passeport en cinq jours»
Propos recueillis pas Félicité BAHANE N.
L’éclairage du commissaire divisionnaire Beaulys Djom, directeur de la Police des frontières.
Qu’est-ce qui explique la lenteur observée ces derniers jours dans le processus d’établissement des passeports ?
Ces derniers temps, nous avons des problèmes techniques. Notamment au niveau de notre système AFIS, qui analyse les empreintes digitales. La base de données est pleine à tel point que le travail de comparaison des empruntes qui se faisait en quelques secondes, nécessite maintenant au moins une heure de temps. Ça nous oblige à mettre les documents en machine de nuit, pour que le système puisse tourner toute la nuit durant et c’est seulement le lendemain que nous pouvons commencer les impressions des passeports. Donc, c’est uniquement un problème d’équipement et nous avons déjà saisi l’opérateur. Nous l’attendons dans quelques jours pour essayer de résoudre ce problème technique.
Est-ce cela qui explique que les délais de retrait soient passés de 5 à 10 jours ?
Evidemment ! La rallonge s’est imposée avec ce problème. Parce que sans les résultats des empreintes, nous ne pouvons pas continuer la procédure. Donc, au lieu de laisser les gens aller et venir, nous avons parlé de dix jours. En dehors de la machine qui fait problème, nous avons aussi des problèmes avec la vérification des identités. Il y a des jours où il n’y a pas de connexion au niveau du système SENAC (Sécurisation de la nationalité camerounaise) où se font les vérifications. Toute chose qui rallonge les délais.
On parle d’éléments nouveaux dans cette procédure. De quoi s’agit-il exactement ?
En fait, le passeport qu’on délivre aujourd’hui a été institué en 2006. Très souvent, le chef de l’Etat le proroge mais les gens ne font pas attention. En réalité, on l’appelle passeport transitoire. C’est-à-dire qu’il vient juste avant le passeport biométrique Cemac que nous allons bientôt avoir. Donc, celui qu’on délivre aujourd’hui est transitoire et lisible à la machine parce que informatisé. Il est différent du passeport manuel qui s’écrivait à la main et qui donnait beaucoup de travail aux aéroports pour pouvoir recueillir toutes les données. Le passeport qu’on délivre aujourd’hui est plus sécurisé. Je pense que les gens font juste une confusion, il y en a qui l’appellent passeport Cemac, d’autres l’appellent passeport biométrique, mais en réalité le terme officiel c’est passeport transitoire, qui est relancé tous les six mois par décret du président de la République.
Pour ceux qui ont des passeports manuels en cours de validité, quelle est la conduite à tenir ? Doivent-ils renouveler avant la date d’expiration ?
Pas nécessairement. Sauf que les détenteurs de passeports manuels le prorogeaient souvent. Aujourd’hui, ils ne peuvent plus le faire, parce qu’au fur et à mesure, on est en train de les sortir du circuit. D’ailleurs, certaines chancelleries n’acceptent plus ces documents qui ont dix ans de durée. Mieux vaut donc chercher à avoir un passeport transitoire en attendant celui biométrique Cemac, qui ont chacun cinq ans de vie.
Parlant du passeport biométrique Cemac, où en est-on ?
Au niveau du Cameroun je crois que le dossier est assez avancé. La présidence de la République a déjà donné le feu vert, c’est-à-dire que le design a été accepté et nous attendons en ce moment les spécimens. D’ailleurs, les machines sont déjà là et on est en train de les installer. Il faut dire que c’est autant de choses qui font retarder l’établissement des passeports en ce moment. Parce qu’au fur et à mesure qu’on établit les passeports transitoires, on fait des aménagements pour le passeport biométrique dans les mêmes salles. Ça fait beaucoup de choses en même temps.
Néanmoins, à quand le retour à la normale pour les usagers ?
Je dois dire que nous avons travaillé durant tout le week-end pascal pour essayer de rattraper les retards. Mais il faut que les gens sachent que les demandes de passeports ne se limitent pas seulement au Cameroun. Nous sommes obligés de tenir compte des demandes de toutes nos missions diplomatiques. Autrefois, il n’y avait que Paris mais là, ça vient de partout où le Cameroun a une mission diplomatique. Ce qui n’était pas le cas il y a encore quelques mois. Et la priorité est donnée à ces missions diplomatiques. Ça fait un surcroît de travail alors que le personnel est le même et il travaille même les week-ends. Il faut juste avouer que désormais, on aura besoin de sept à dix jours pour établir le passeport. Les cinq jours d’avant ne peuvent malheureusement plus être respectés.
YAOUNDE – 07 AVR. 2010
Source: Cameroon Tribune
Par: Félicité BAHANE N.