Le Maroc devient de plus en plus attrayant pour les étudiants de différents pays d’Afrique subsaharienne. Cette présence d’étudiants subsahariens se produit dans un contexte particulier.
Depuis le début des années 1990, le Maroc, qui était initialement connu comme un pays d’émigration, est de plus en plus traversé par des migrants subsahariens en route vers l’Europe. Les difficultés rencontrées aujourd’hui pour atteindre le vieux continent contribuent, entre autres, à l’installation de ces migrants de transit dans le royaume. La recherche a jusqu’à présent favorisé ce type de migration, qui est d’autant plus médiatisé en Europe qu’au Maroc. Dans ce nouveau contexte, on peut se demander si l’arrivée d’étudiants subsahariens n’est pas un aspect oublié de la migration subsaharienne au Maroc. Tout en espérant poursuivre leur voyage et atteindre de nouvelles destinations, les étudiants sont également conscients des limites de leurs possibilités de migration. À leurs yeux, le Maroc peut être une alternative à l’Europe. En effet, plusieurs d’entre eux prévoient de rester au Maroc pendant quelques années ou plus après leurs études. L’objectif principal est de capitaliser autant que possible sur leur séjour au Maroc tout en développant des liens professionnels et des contacts entre le pays d’origine et le Maroc afin de préparer un retour au pays tout en restant en contact avec le Maroc.
Bien que les projets d’une seconde migration ou d’un établissement définitif au Maroc ne se concrétisent pas toujours et que beaucoup d’entre eux rentrent chez eux après leurs études, l’idéal est qu’ils considèrent le Maroc comme une première étape dans un projet migratoire qui peut se poursuivre au Maroc ainsi qu’ailleurs. Grâce à leur séjour d’études, ils sont confrontés à une société d’accueil culturellement différente et à d’autres migrants subsahariens d’origines diverses. Grâce à cette double rencontre, ils deviennent des migrants, à la fois citoyens du monde et ancrés dans la communauté d’origine. La mobilité étudiante contribue ainsi à l’installation de communautés subsahariennes sur le territoire marocain.
Pour les étudiants subsahariens, une vie de migrant a commencé dès leur arrivée au Maroc. Dans une certaine mesure, ils participent à la transformation du Maroc en un pays d’immigration. Bien que le choix du Maroc comme pays de destination soit initialement lié à l’absence de meilleures opportunités, des liens avec ce pays existaient déjà pour certains d’entre eux lorsqu’ils ont décidé de partir. En effet, 43% des étudiants interrogés déclarent avoir une connaissance préalable du Maroc avant leur départ, qui dans 40% des cas s’est avérée être un membre de la famille. Dans 30% des cas, les étudiants ont un parent qui a étudié au Maroc. Les réseaux sociaux, bien que sous-développés, jouent donc un rôle important dans la prise de décision de certains de venir au Maroc. Le choix du Maroc comme destination d’études est avant tout un choix pragmatique. 36% des étudiants interrogés sur ce sujet indiquent avoir choisi de venir au Maroc parce qu’ils ont obtenu une bourse d’études dans ce pays, alors que les mêmes opportunités n’existent pas pour d’autres pays. Mais cette opinion suppose également qu’il y avait déjà un désir de quitter le pays d’origine pour poursuivre des études à l’étranger. Surtout, à travers les histoires de vie, les études à l’étranger sont très valorisées : elles seraient de meilleure qualité et amélioreraient ainsi les conditions de vie des étudiants. Le pays de destination ne joue pas un rôle primaire dans la décision de partir. Une meilleure alternative aurait été l’Europe.
N’ayant pas eu cette opportunité, ils se sont installés au Maroc. En plus des raisons de quitter le pays pour étudier, venir au Maroc est également considéré comme un moyen de vivre à l’étranger. Les environnements sociaux dans lesquels ils ont grandi ont un grand impact sur leur prise de décision. Souvent, ce sont les parents qui poussent ou même forcent leurs enfants à quitter le pays et les préparent au départ. De plus, la plupart des étudiants viennent de familles et de milieux sociaux où la migration a déjà été établie comme un mode de vie. 67% affirment avoir des membres de la famille à l’étranger, tant dans les pays africains que occidentaux (Europe, Canada ou États-Unis), qui sont dans 51% des cas leurs frères et sœurs. Avant leur propre migration, les étudiants étaient donc déjà confrontés à un mode de vie de migrant et avaient des relations sociales qui dépassaient les frontières de leur pays d’origine. L’étranger faisait donc déjà partie de leur imagination, même avant leur arrivée au Maroc, et venir étudier au Maroc est pour eux un moyen d’expérimenter la vie à l’étranger. L’élément d’identification le plus efficace est la nationalité. Étant donné l’existence de structures de soutien établies par les bureaux des étudiants dans les pays, l’intégration des nouveaux arrivants se fait d’abord au sein de la communauté de compatriotes. Ce soutien est d’autant plus efficace qu’une conscience nationale peut naître ou se développer pendant le séjour au Maroc. La communauté nationale est vécue à la fois comme une communauté de soutien et de solidarité, mais aussi comme une instance de contrôle social. Les étudiantes en particulier se sentent contraintes de respecter les règles et les coutumes du pays. Ceux-ci sont d’autant plus contrôlés lorsque des réseaux transnationaux d’information existent entre la communauté nationale résidant au Maroc et le pays d’origine, voire d’autres communautés de migrants. À travers une étude menée pendant l’été 2006 dans un environnement d’étudiants subsahariens, nous avons essayé de voir si l’arrivée d’étudiants subsahariens au Maroc et leurs expériences ne répondaient pas à des logiques similaires à d’autres types de mobilité. En d’autres termes, nous nous sommes demandé si, dans le contexte de la mobilité étudiante, il s’agissait également d’une migration, contribuant entre autres à transformer le Maroc en pays d’immigration. La politique active du Maroc envers ses États africains fraternels et amicaux en a fait un partenaire clé pour l’Afrique, avec une présence accrue sur le continent grâce aux investissements, aux projets d’infrastructure, aux échanges commerciaux, aux programmes de formation et aux projets de développement. Le gouvernement a fait de la consolidation de sa coopération avec ses partenaires africains une priorité, soulignant qu’il existe des opportunités en Afrique, d’où la nécessité d’une action forte en termes de priorisation des politiques publiques dédiées à l’éducation, à la formation et à la recherche scientifique.
Sur les 23 411 étudiants étrangers inscrits au Maroc en 2021, 19 256 étaient d’origine africaine, soit près de 83%, selon le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation, Abdellatif Miraoui. Le nombre d’étudiants africains inscrits dans les établissements d’enseignement supérieur marocains a également augmenté régulièrement ces dernières années. 85% des étudiants étrangers au Maroc sont d’origine africaine. Cette présence s’explique par la politique active du Royaume envers ses États africains fraternels et amicaux. Des milliers d’étudiants étrangers de 151 pays vivent au Maroc, principalement d’Afrique. Leur nombre augmente depuis des années, passant d’environ 6 000 étudiants au début des années 2000 à environ 20 000 actuellement, représentant une croissance annuelle moyenne de 10%. Dans ce contexte, M. Miraoui a noté que le partenariat entre les universités marocaines et leurs homologues africaines a été renforcé dans le domaine de la formation des formateurs, en plus des projets de recherche et de développement conjoints couvrant des secteurs prioritaires. S’exprimant à l’ouverture de la 2ème édition du forum MD Sahara sous le thème “Le Maroc en Afrique, un choix royal pour un continent global et intégré”, M. Miraoui a souligné que l’augmentation soutenue du nombre total d’étudiants africains dans les universités et les établissements d’enseignement supérieur marocains est une preuve de l’engagement efficace du Royaume à renforcer ses liens de coopération avec les partenaires du continent, dans le cadre des programmes de mobilité des étudiants et des enseignants-chercheurs. Abdellatif Miraoui a également souligné la nécessité d’adapter les systèmes universitaires africains au paysage mondial en rapide évolution afin de transformer les défis actuels en opportunités de croissance et de développement.