Le Conseil constitutionnel avait été saisi le 25 juillet 2019 par le Conseil d’État (décision n° 430121 du 24 juillet 2019), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée par l’Union nationale des étudiants en droit, gestion, AES, sciences économiques, politiques et sociales, le Bureau national des élèves ingénieurs et la fédération nationale des étudiants en psychologie[1]. Les associations étudiantes, défendues par maître Florent Verdier ont obtenu gain de cause :
« Le Conseil constitutionnel déduit de façon inédite du treizième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 que l’exigence constitutionnelle de gratuité s’applique à l’enseignement supérieur public », cette exigence ne « faisant pas obstacle, pour ce degré d’enseignement, à ce que des droits d’inscription modiques soient perçus en tenant compte, le cas échéant, des capacités financières des étudiants ».
Cette décision réconforte les étudiants étrangers, les syndicats, les associations, les enseignants et l’ensemble de la communauté universitaire, qui ont milité contre la sélection, la discrimination et les inégalités.
Le gouvernement d’Édouard Philippe a engagé deux réformes majeures concernant l’enseignement supérieur en France : la réforme de l’accès à l’université à travers Parcoursup[2]et la hausse des frais de scolarité pour les étudiants étrangers extra-européens.
Ces deux réformes ont donné naissance à des mouvements de contestation et de mobilisation au sein de la communauté universitaire. Mai 2018, au sein des universités Paris Nanterre, Montpellier, Lille, Toulouse ou Rennes, des partiels de fin d’année ont été boycottés et reportés. En décembre 2018, plusieurs universités ont été bloquées suite aux manifestations contre la stratégie d’attractivité des étudiants internationaux intitulée « Bienvenue en France » du gouvernement.
Or, en matière d’attractivité des étudiants internationaux, force est de constater que la France perd du terrain. C’est désormais l’Allemagne qui se positionne en quatrième place dans le classement des pays qui reçoivent le plus d’étudiants internationaux, devenant ainsi le premier pays non-anglophone[3].
Pourtant, accueillir les étudiants internationaux dans les mêmes conditions que les étudiants nationaux permet de réaffirmer le principe d’égalité des chances, véritable pierre angulaire du système éducatif français. C’est aussi donner une belle opportunité à la jeunesse de différents pays de se retrouver en France afin de tisser des liens de fraternité sur les bancs de l’université. Accueillir les étudiants internationaux, c’est donc semer les graines de la paix et des coopérations. C’est contribuer au rayonnement culturel de la France. En outre, l’accueil des étudiants internationaux rapporte 1,6 milliard d’euros par an[4]. L’accueil des étudiants étrangers constitue donc un instrument de prospérité économique et de rayonnement international de la France.
Par conséquent, maintenir un accès facile aux universités françaises, à la pensée et au patrimoine historique de la France permet également de renforcer les liens entre les étudiants francophones. Quel que soit leur milieu et leur origine sociale, ils doivent être traités sur le même pied d’égalité en vertu de la promesse républicaine d’égalité des chances.
Néanmoins, si la hausse des frais de scolarité est appliquée, les étudiants francophones originaires du continent africain n’auront plus la chance d’étudier en France dans les mêmes conditions que les étudiants francophones européens. Un étudiant sénégalais serait ainsi moins favorisé qu’un étudiant belge, alors que l’université devrait être un lieu d’égalité.
Les étudiants étrangers non-européens sont les premières victimes des inégalités au sein de la communauté universitaire : difficultés d’accès au logement plus élevées que pour le reste des étudiants, contraintes administratives liées aux démarches de renouvellement du titre de séjour et précarité financière liée au coût de la vie étudiante qui ne cesse d’augmenter.
Aujourd’hui, pour venir étudier en France il faut au préalable passer par Campus France, agence nationale pour la promotion de l’enseignement supérieur français, l’accueil des étudiants étrangers et la mobilité internationale. Les critères de sélection de Campus France sont favorables aux plus fortunés car cet organisme exige que les étudiants possèdent dans leur compte en banque la somme de 7 000 euros. Ensuite, une fois arrivés en France, les étudiants étrangers sont livrés à eux-mêmes et doivent se débrouiller pour trouver un logement, un travail et réussir leurs études.
De même, dans le cadre du renouvellement du titre de séjour, les étudiants étrangers en France font face à une double contrainte. D’une part, il y a une obligation de réussite et d’autre part, la préfecture demande de justifier les sources de revenus, soit 615 euros par mois. Être étudiant étranger en France est un véritable parcours du combattant.
Le collectif des étudiants étrangers que nous avons créé à l’université de Nanterre suite à l’augmentation des frais de scolarité, en décembre 2018, s’est donné pour mission de lutter contre la discrimination et les inégalités en défendant les droits des étudiants étrangers.
La décision du Conseil constitutionnel constitue une première victoire pour les étudiants extra-européens, et un revers pour le gouvernement, déjà désavoué par le fait que seules 7 universités sur 74 ont appliqué l’augmentation des frais d’inscription à la rentrée 2019. C’est désormais au Conseil d’État de poursuivre les débats dans les mois à venir.
[1]Dans sa décision rendue en juillet 2019, le Conseil d’État explique qu’il « y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée » par trois associations. À savoir : l’Union nationale des étudiants en droit, gestion, AES, sciences économiques, politiques et sociales (UNEDESEP), le Bureau national des élèves ingénieurs (BNEI) et la Fédération nationale des étudiants en psychologie (FENEPSY).
[2]Parcoursup a été mis en place par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation en 2018 dans le cadre de la Loi Orientation et Réussite des Étudiants. Elle remplace l’ancien système d’Admission Post-Bac (APB).
[3]Étude menée conjointement par le Centre allemand pour la recherche universitaire et scientifique (DZHW) et l’Office allemand des échanges universitaires (DAAD) et reprise par le Frankfurter Allgemeine Zeitung.
[4]Selon l’institut BVA, les étudiants étrangers rapportent en moyenne 4,65 milliards d’euros, mais ne « coûtent » que 3 milliards.
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