Avec la croissance, l’Afrique assiste à un « retour des cerveaux ». Dans un État comme la Guinée, qui compte près de cinq millions de résidents à l’étranger et où 64 % de la population a moins de 25 ans, ce phénomène alimente un espoir de redressement économique. Mais il suscite aussi des déceptions, car il met en lumière les faiblesses structurelles de l’État.
Malgré le ramadan et la chaleur suffocante de ce mois de mai, la salle de conférences de l’université privée Nongo de Conakry frise la saturation. Plus de trois cents étudiants se pressent pour assister à un séminaire consacré au « défi du marché de l’emploi et de l’employabilité des jeunes ». Vêtues de tissu wax, très répandu sur le continent, les cinq conférencières incarnent jusqu’au cliché la femme d’affaires entreprenante : jeunes, énergiques et souriantes, ne lésinant pas sur les anglicismes. Affichant une belle unanimité, elles affirment avec conviction que, pour bien « se positionner » professionnellement, il faut partir étudier à l’étranger. Après avoir conseillé la lecture de divers ouvrages de développement personnel, dont le succès international de Napoleon Hill Réfléchissez et devenez riche, l’une d’elles conclut : « N’oubliez pas que votre réussite ne dépend que de votre volonté personnelle. » Des applaudissements mitigés accueillent ces propos. Un étudiant hasarde une question : « Pourquoi ne parlez-vous que de ceux qui ont étudié à l’étranger ? N’y a-t-il pas de place dans le monde du travail pour les Guinéens qui étudient ici ? » La salle exulte. SUITE