La femme la plus riche du Nigeria ne se contente pas d’engranger les bénéfices. Elle investit aussi dans l’avenir du pays le plus peuplé d’Afrique.
S’il y a bien une chose qu’il est impossible de reprocher à Folorunsho Alakija, c’est de ne pas avoir le sens de la famille et des affaires. Elle vient d’offrir à Folari, l’un de ses fils, un mariage dans le Blenheim palace (région d’Oxford). Selon le quotidien lagotien Vanguard, il aurait coûté la bagatelle de 2 milliards de nairas, soit près de cinq millions d’euros.
Pour l’occasion, un million de roses avaient été commandées pour la modique somme de 200 000 euros. La performance du chanteur Robin Thicke aurait coûté presque autant. Les images du mariage étaient glamour à souhait. Son fils se mariait avec Nazanin Jafarian Ghaissarifa, une superbe mannequin iranienne qui est par ailleurs ingénieur et juriste formée en Grande-Bretagne.
Même si elle est pratiquement inconnue dans le monde francophone, Folorunsho Alakija est une sommité au Nigeria. Selon le magazine Forbes, elle était même en 2012 la femme noire la plus riche du monde, devant l’Américaine Oprah Winfrey.
Une fortune estimée à 1,6 milliard de dollars
Quoi qu’il en soit, Folorunsho Alakija est immensément riche. Plus que le montant de son compte en banque, c’est sans doute sa trajectoire qui mérite l’attention. Contrairement à la fille d’Eduardo Dos Santos, rien ne prédisposait Folorunsho Alakija à devenir aussi riche. Elle a grandi au sein d’une famille de commerçants du pays yorouba (sud-ouest du Nigeria). Son père avait huit femmes et cinquante-deux enfants. Sa mère, commerçante, vendait des textiles. Folorunsho Alakija a vu le jour en 1951 à Ikorudu, un quartier populaire de Lagos, la capitale économique du Nigeria.
Comme dans beaucoup de familles aisées du pays yorouba, il était alors de bon ton d’envoyer ses enfants étudier en Grande-Bretagne. Ainsi, Folorunsho Alakija s’est retrouvée au Pays de Galles à l’âge de 7 ans. Elle est restée en Grande-Bretagne quatre ans avant de revenir au pays.
Secrétaire dans une banque
Par la suite, elle a arrêté tôt ses études avant d’accéder à l’université et elle est devenue secrétaire dans une banque de Lagos. Lorsque la « merchant bank of Nigeria » a commencé à battre de l’aile, Folorunsho Alakija est retournée en Grande-Bretagne : elle a étudié la mode à Londres. A son retour au Nigeria, elle a créé sa marque « Supreme Stitches ». En 1986, elle décroche le titre de « styliste de l’année » au Nigeria.
Parmi ses clientes de marque : la première dame, l’épouse du général Ibrahim Babangida, le dictateur qui a dirigé le Nigeria d’une main de fer de 1986 à 1993. Folorunsho Alakija devient rapidement l’une des meilleures amies de l’influente First lady, Maryam Babangida. A cette époque, le régime offre la possibilité à des Nigérians aisés d’acheter des gisements pétroliers. Il s’agit officiellement de « nigérianiser » l’économie pétrolière, le Nigeria étant le premier pays producteur de pétrole du continent.
Beaucoup de Nigérians achètent alors des concessions pétrolières pour les revendre aussitôt à des grands groupes étrangers. Ce ne sera pas le cas de Folorunsho Alakija. Elle garde la mainmise sur les champs pétroliers achetés en 1993 et les exploite elle-même avec sa propre compagnie « Fanfa oil ». Un pari sur l’avenir qui s’avère vite payant. Selon des études d’experts pétroliers, son gisement vaudrait plusieurs milliards de dollars.
Depuis lors, elle gère la « Fanfa oil » avec son mari, Modupe Alakija, un juriste qui occupe le poste de président de la compagnie. Folorunsho Alakija, elle, est la vice-présidente de la structure. Les quatre enfants du couple travaillent également dans la compagnie familiale.
Investir dans son pays d’origine
Folorunsho Alakija a diversifié ses activités : elle a investi dans le secteur de l’impression. Le choix de ce domaine d’activité ne doit rien au hasard. Folorunhso Alakija est une fervente chrétienne. Elevée au sein d’une famille musulmane, elle s’est convertie à 40 ans. Les conversions ne sont pas rares dans le pays yorouba, dans un sens comme dans l’autre. Au sein des mêmes familles, il est fréquent que les chrétiens et les musulmans cohabitent. Son investissement dans le domaine de l’impression lui permet de faire plus facilement du prosélytisme. Elle fait notamment imprimer des fascicules religieux.
Sa ferveur religieuse ne l’a pas détournée de sa passion pour la mode. Folorunhso Alakija contribue financièrement au développement de cette industrie au Nigeria, notamment à travers la « fashion week » de Lagos.
Par ailleurs, Folorunhso Alakija a aussi créé « Rose of Sharon », une fondation qui vient en particulier en aide aux veuves. « Au Nigeria, elles sont très souvent mal traitées », affirme Folorunhso Alakija. Même si elle est volontiers « bling bling », cette « Lagotienne pur sucre » ne connait pas que le Nigeria des privilégiés.
Dernièrement, elle a aussi entrepris d’aider au développement de l’industrie du cinéma. Même si Nollywood est la deuxième industrie du cinéma du monde en termes de nombre de films produits par an, il reste encore beaucoup à faire pour améliorer la qualité des productions. Folorunsho Alakija en est consciente et elle entend mettre une partie de son argent au service de cette cause.
Agée de 66 ans, elle fait partie de cette génération qui a pleinement profité du boom pétrolier. « Au moins, elle réinvestit une grande partie de ses profits dans l’économie nationale. Elle ne fait pas partie de ces riches Africains qui placent tout leur argent dans les paradis fiscaux », souligne un banquier lagotien. A cet égard, tout comme Aliko Dangote, l’homme le plus riche d’Afrique qui réinvestit l’essentiel de ses bénéfices sur le continent et notamment au Nigeria, Folorunsho Alakija a initié une nouvelle tendance. « Elle rêve de créer des tendances. Elle voulait le faire dans le secteur de la mode. Mais elle a réussi à le faire dans l’économie, analyse Ade Shonekan, un homme d’affaires lagotien. Elle fait partie de ceux qui ont lancé la mode d’investir dans leur pays d’origine. Ce n’est déjà pas si mal. »
Source: RFI