La répression du mouvement étudiant, en juillet, a fait un mort et une soixantaine de blessés. Le pouvoir d’Alassane Ouattara multiplie les atteintes aux libertés politiques et syndicales.
Ils manifestaient pour demander de meilleures conditions d’études et protester contre une décision d’évacuer les résidences universitaires, censées êtres rénovées pour accueillir les athlètes des Jeux de la francophonie en 2017. Le 18 juillet dernier, 77 étudiants ont été arrêtés en Côte d’Ivoire. La veille, une expédition punitive des policiers sur le campus universitaire de Cocody avait été ordonnée par le pouvoir en place. Les manifestants ont finalement été relâchés le 23 juillet, après de vives protestations de la Fédération estudiantine de Côte d’Ivoire (Fesci). « La lutte a payé. Nos camarades ont été libérés. Nous avons également obtenu, le 1er août, l’annulation des sanctions à leur encontre », explique Allah Saint Clair, le vice-secrétaire de la Fesci.
De sordides vidéos montrant des étudiantes violées circulent encore sur Internet
Objets volés, portes cassées, biens détruits : la descente policière sur le campus de Cocody s’est soldée par de nombreux dégâts matériels chez les étudiants. Mais il y a bien pire : un étudiant a été tué, et l’on comptait une soixantaine de blessés. Jugé le 2 août par un tribunal militaire, le policier mis en cause a écopé d’une peine de 18 mois de prison ferme pour « homicide involontaire ». De sordides vidéos montrant des étudiantes violées circulent encore sur Internet. « La répression et l’intimidation ont atteint leur vitesse de croisière, insiste Allah Saint Clair. Nous allons tenir jusqu’au bout, contre vents et marées. »
Dans le camp au pouvoir, on justifie la répression. « Ces syndicats créent un climat de terreur sur nos campus. Nous assistons tous les jours à des scènes d’affrontement entre les étudiants et les forces de l’ordre », expliquait Bruno Koné, le porte-parole du gouvernement, au lendemain de la descente de Cocody. Ces derniers temps, des membres du gouvernement ont multiplié les appels à la dissolution pure et simple de la Fesci, jugée trop proche de l’opposition et de l’ancien président Laurent Gbagbo. Pourtant, l’interdiction d’activité faite aux syndicats étu-diants n’a pas empêché la tenue de nouvelles manifestations.
« Les libertés syndicales n’existent pas en Côte d’Ivoire. Elles sont constamment violées au vu et au su de l’opinion nationale et internationale. Il en est de même pour les libertés politiques, les libertés d’opinion, les droits démocratiques et même les droits humains élémentaires », dénonce Félix Kouamé Kra, le secrétaire général de la Fédération des syndicats autonomes de Côte d’Ivoire (Fesaci). Cela se traduit selon lui à travers « les nombreuses arrestations, la détention au secret de nombreux opposants, leaders d’opinion et dirigeants de partis politiques et d’associations diverses ». À l’en croire, « le gouvernement écrit aux organisations patronales pour leur demander de cesser toute collaboration avec les représentants de la Fesaci ».
Le 15 juillet dernier, dans la commune de Yopougon, trois proches de l’ex-président Gbagbo ont été arrêtés alors qu’ils recueillaient des pétitions pour demander sa libération. Ils ont été inculpés pour « attroupement non armé qui pourrait troubler la tranquillité du public ». Ces arrestations interviennent dans un contexte où plus de 50 militants, sympathisants et membres du Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo ont été arrêtés dans le pays au cours de l’année 2015. Pour Gaëtan Mootoo, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International, « des poursuites pénales pour de tels faits constituent un nouveau coup dur porté contre la liberté d’expression en Côte d’Ivoire, où des membres de l’opposition sont fréquemment harcelés et leurs droits constamment bafoués ».
Source: http://www.humanite.fr/
5/08/2016