« Je pense (…) que nous avons techniquement remporté la guerre parce que les gens sont en train de regagner leurs quartiers », a déclaré M. Buhari à la BBC quelques jours avant le 31 décembre, date qu’il a fixée pour vaincre le groupe islamiste.
Dans son adresse à la Nation à l’occasion du Nouvel An, le président Buhari a ensuite félicité l’armée pour avoir « freiné considérablement l’insurrection » de Boko Haram, ajoutant toutefois que « beaucoup de travail reste à faire dans le domaine de la sécurité ».
« Ce gouvernement ne considérera pas ce dossier comme clos tant que les terroristes n’auront pas été complètement éradiqués et que la normalité n’aura pas été rétablie dans toutes les zones du pays affectées par l’insurrection », a concédé M. Buhari, qui préside le pays le plus peuplé d’Afrique et premier producteur de pétrole sur le continent.
Elu début 2015, M. Buhari (73 ans), promettait dans son programme d’écraser l’insurrection de Boko Haram, lancée en 2009 dans le nord-est du Nigeria pour imposer un Etat islamique, et qui a fait plus de 17.000 victimes.
Contrairement à son prédécesseur Goodluck Jonathan, le président Buhari a réussi à reprendre des territoires à Boko Haram. Le pays a également vu une diminution du nombre de raids meurtriers qui ont décimé des villes et des villages.
Mais en dépit des assurances officielles, plusieurs grandes villes du nord-est du Nigeria – particulièrement touché – restent sous l’emprise de la violence et de la peur.
« Danger réel »
Fin décembre, plus de 50 personnes ont été tuées en 48 heures dans plusieurs attaques menées par Boko Haram dans le nord du pays.
Depuis plusieurs mois, Boko Haram multiplie les attentats-suicides, utilisant fréquemment de jeunes filles et de jeunes garçons, ainsi que des attaques contre des villages au Nigeria et dans les zones frontalières des pays voisins, le Cameroun, le Tchad et le Niger.
Pour Ibrahim Kulo, un habitant de Maiduguri, grande ville du nord-est ravagée par la violence et ancien fief du groupe islamiste, « Boko Haram est encore une grande menace, même si le gouvernement assure que le groupe a été affaibli ».
« On ne peut pas s’aventurer à 10 km en-dehors de la ville sans risquer une embuscade de Boko Haram. Le danger est réel pour nous », a-t-il déclaré à l’AFP.
Mêmes craintes pour Samusi Ahmad, habitant de la ville de Kano (nord), qui « ne croit pas le gouvernement quand il dit qu’ils ont vaincu Boko Haram ».
« Je conviens que l’armée a fait de véritables progrès dans la lutte contre le groupe », affirme-t-il, « mais le fait que Boko Haram puisse encore mener des attaques comme celles de la semaine dernière indique qu’il reste une grave menace ».
« Même s’il y a eu une accalmie dans les attaques à Kano, la menace demeure, » a-t-il ajouté. « Nous ne savons pas quand et où aura lieu la prochaine attaque ».
Changer de stratégie
Les attaques récentes « soulignent la difficulté d’appréhender de manière complète un tel groupe », selon l’analyste politique nigérian Chris Ngwodo, interrogé par l’AFP.
« Le président a dit il y a quelques jours que Boko Haram avait été techniquement vaincu. Ce qu’il voulait dire c’est que la capacité du groupe de mener des attaques a été fortement réduite », poursuit M. Ngwodo.
Selon l’analyste, M Buhari bénéficie cependant encore du soutien de la majorité de la population dans la lutte contre les insurgés, malgré l’expiration de la date butoir du 31 décembre.
« Beaucoup de gens pensaient que l’administration précédente (du président Goodluck Jonathan) était tout simplement perdue. En effet, ils étaient incompétents en matière de gestion de menaces sécuritaires, » affirme M. Ngwodo.
Malgré ce soutien, l’expert estime que le président Buhari devrait changer de stratégie pour venir à bout de l’insurrection.
Dans ce qui pourrait être considéré comme un changement de tactique, M. Buhari a déclaré mercredi que son gouvernement était « prêt à négocier sans condition avec une direction crédible » du mouvement islamiste pour obtenir la libération de quelque 200 jeunes filles.
L’enlèvement de ces jeunes femmes en avril 2014 à Chibok avait soulevé une vague d’indignation mondiale et nationale.
M. Buhari a également laissé entendre que si les insurgés continuaient à utiliser des femmes voilées pour mener des attaques-suicide, il pourrait interdire le port du hijab (qui ne couvre pas le visage) ou d’autres couvre-chefs par les femmes musulmanes.
Source: http://www.jeuneafrique.com/