TORONTO – Une juge de l’Ontario a invalidé les dernières volontés d’un médecin, qui voulait accorder des bourses d’études uniquement à des célibataires blancs et hétérosexuels.
Dans une décision publiée la semaine dernière, la juge Alissa Mitchell, de la Cour supérieure de l’Ontario, estime que cette disposition du testament du docteur Victor Priebe constitue «hors de tout doute» une discrimination basée sur l’origine ethnique, l’état matrimonial et l’orientation sexuelle. Par conséquent, cette clause est «nulle et contraire aux politiques publiques» de ce pays, conclut la juge.
Le docteur Priebe précisait d’ailleurs dans son testament que si un tribunal invalidait ces critères, les bourses ne devaient pas être décernées.
Radiologiste à l’Hôtel-Dieu de Windsor pendant des années, le docteur Priebe avait pris sa retraite il y a plus de 20 ans. Il avait rédigé son testament en 1994, plus de 20 ans avant son décès, à l’âge de 83 ans, le 1er janvier 2015.
Il avait demandé à son exécuteur testamentaire de décerner des bourses à des étudiants masculins talentueux inscrits en sciences aux universités Western Ontario ou Windsor — et particulièrement à ceux qui auraient démontré, dans le cadre d’emplois d’été, qu’ils n’avaient pas peur de travailler de leurs mains. Les étudiants qui pratiquent des sports intercollégiaux devaient aussi être exclus.
Une bourse équivalente était aussi créée pour les étudiantes assidues, blanches et célibataires, mais surtout «pas féministes ou lesbiennes».
«Même si le docteur Priebe n’écrit pas en toutes lettres qu’il adhère à une idéologie suprématiste, homophobe ou misogyne», les provisions de son testament ne laissent aucun doute sur le caractère discriminatoire de sa décision, a statué la juge Mitchell.
C’est l’exécuteur testamentaire du médecin, le gestionnaire de patrimoine Royal Trust, qui avait demandé conseil à la Cour supérieure. Le ministère du Procureur général de l’Ontario, par le biais du Bureau du Tuteur et curateur public, avait demandé à la cour d’invalider ces dispositions testamentaires.
Des testaments de ce genre sont rares parce qu’habituellement, des professionnels du testament vont convaincre leurs clients de ne pas inclure de telles clauses, explique le professeur de droit David Freedman, de l’Université Queen’s. Les tribunaux sont rarement appelés à intervenir, a-t-il dit, sauf dans le cas de fiducies caritatives, parce que l’exécuteur est alors supervisé par la cour.
Dans un cas récent, un juge a invalidé l’an dernier le testament d’un Noir qui avait déshérité sa fille parce qu’elle avait eu un enfant avec un Blanc. La décision a été depuis portée en appel.