Les discutables, voire détestables, caricatures danoises et plus tard, françaises sur le prophète Mohamed (Qssl) -beaucoup trouveront ces qualifiants faibles- qui ont plongé le monde musulman dans l’effervescence que l’ont sait, ont révélé l’ampleur d’un phénomène que l’on croyait insignifiant en Algérie, mais qui, au final, s’est avéré beaucoup plus préoccupant qu’on le supposait : la propension des enseignants à quitter leur rôle de pédagogues pour se mettre dans la posture de défenseurs de l’Islam en exhortant les élèves à rejeter tout ce qui vient de l’Occident, à haïr le Juif, suppôt de Satan, et à défendre aveuglément le prophète de l’Islam contre les railleries des «roumis», quitte à applaudir l’attaque abjecte qui a endeuillé le journal satyrique français, Charlie Hebdo.
«Je ne comprends pas que, dans une école publique, censée être républicaine, un instituteur invite ses élèves de première année primaire à écrire “Je suis avec Mohamed” et à informer leurs parents de la
préparation, pour le lendemain, vendredi, d’une marche contre Charlie Hebdo», s’est emporté Salim, un parent d’élève, lorsque sa fille de six ans lui a rapporté la «leçon» de «l’instituteur».
«Je ne pense pas que ce soit le rôle de l’école d’impliquer les élèves dans des considérations qui les dépassent ni de les priver de leur insouciance d’enfants», a conclu ce père en assurant qu’à la maison, sa femme et lui travaillent de concert à débarrasser leurs enfants des effets des «âneries de leurs enseignants» en leur inculquant les valeurs de la tolérance, de la paix et du dialogue.
«J’essaie d’expliquer à ma fille que nous sommes tous des êtres humains, que tous les Juifs ne sont pas nécessairement nos ennemis, que les Israéliens ne sont pas tous des sionistes responsables du malheur des Palestiniens et que la violence ne résout rien.
Bien au contraire !», explique Ahmed dont la fille est scolarisée en deuxième année moyenne, atterré des propos haineux d’un des professeurs de sa fille. «Ils ont tendance à nourrir la haine envers tout ce qui n’est pas Islam et Arabe.
Et ma fille, dont le grand-père vit à l’étranger, est un peu déboussolée par l’aversion contre l’Occident qu’elle observe souvent chez les enseignants.»
Les maîtres de l’endoctrinement
Le constat, il est vrai, est établi depuis plusieurs années : des maîtres d’écoles et enseignants qui interrompent le cours pour accomplir leur prière, éveillent et nourrissent chez leurs élèves la haine du juif, les exhortent à mépriser les agnostiques et athées, sont de plus en plus nombreux dans une école en perte de repères et dont les responsables ne semblent pas prendre conscience des dangers que la situation fait peser sur la construction de la personnalité des enfants.
Il est à craindre qu’à ce rythme, dans une dizaine ou une vingtaine d’années, ce ne seront pas des citoyens éclairés et compétents qui rejoindront la vie active mais des hommes et femmes élevés dans la haine et la détestation de l’autre.
«Face aux bouleversements et turbulences qui agitent le monde, l’être humain a besoin de s’appuyer sur quelque chose et la religion représente pour les Algériens angoissés comme pour des millions d’autres personnes sur la planète un refuge rassurant.
Il se trouve, malheureusement, que le politique et la manipulation ne sont jamais loin, et les gens sont tellement fragiles qu’ils se laissent souvent prendre», explique un enseignant universitaire qui affirme que l’école reste le moyen le plus sûr pour construire des «citoyens forts et bien dans leur tête, qui n’auront pas besoin de casser du Juif pour apporter leur aide à la Palestine, ni d’applaudir des actes de violence pour défendre leur religion, quelle qu’elle soit».
La plume par la plume
Mais pour cela, il faut que l’Etat s’implique davantage, notamment en rappelant aux éducateurs et enseignants que leur rôle est d’éduquer, instruire et former des personnes responsables qui ne se laisseront pas abuser par l’humour lâche des Charlie Hebdo de la terre, mais sauront répondre à la plume par la plume.
On se souvient de la réaction aussi primaire qu’absurde de Ayatollah Khomeiny qui, en condamnant à mort Salman Rushdie pour son livre les Versets sataniques, en a fait une icône de la liberté d’expression, protégé et choyé par l’Occident.
L’éditeur de l’écrivain n’en revenait pas : grâce à la fatwa de Khomeiny, le livre de Salman Rushdie, d’une rare médiocrité a-t-il dit, est devenu un best-seller vendu à des millions d’exemplaires.
Voilà ce que l’école algérienne, avec ses maîtres endoctrineurs, risque de produire : des êtres irréfléchis qui s’emballeront à la moindre étincelle, sur lesquelles la raison n’aura aucune prise.
Par Samir Ould Ali
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