(AFP) – Diminution du plaisir, protection limitée aux premiers rapports sexuels, et un mot qui revient, la confiance: un tiers des étudiants déclare ne jamais utiliser de préservatif, un relâchement souligné par les professionnels avant la journée mondiale de lutte contre le sida lundi.
“Je ne savais pas que ça pouvait se transmettre par fellation !” Anna tombe des nues. L’étudiante de 22 ans qui n’a eu qu’un seul partenaire dans sa vie a utilisé des préservatifs “au début”, puis est passée à un autre moyen de contraception. Non, elle n’a pas fait de dépistage lorsqu’elle et son compagnon ont arrêté de porter un préservatif. “C’est une histoire de confiance”, déclare-t-elle.
Un tiers des étudiants ne se fait jamais dépister en cas de changement de partenaire, selon une étude Harris Interactive diffusée par la Smerep, une mutuelle étudiante. Réalisée en ligne sur un échantillon de 500 étudiants de toute la France et de 700 d’Ile-de-France, l’étude confirme la tendance observée depuis quelques années.
Ils étaient 30% en 2013 à déclarer ne jamais porter de préservatif, ils sont désormais 33%.
“Pourtant le préservatif, c’est quasiment indispensable….” s’étonne Thibault, 20 ans, étudiant à la Sorbonne. “C’est indispensable”, le reprend Pierre, qui fume à côté.
Pour ce dernier, il s’agit d’un “mal nécessaire (…) surtout quand on ne connaît pas la personne”. Une protection du début de relation, voilà comment de nombreux jeunes diplômés voient le préservatif.
“Ils n’ont intégré que le côté technique et informatif de la chose. Mais la vraie question, c’est +qu’est-ce qu’on fait après les premiers rapports ?+”, analyse Pierre Faivre, chargé de la prévention à la Smerep.
“Si la relation se prolonge, c’est pas agréable, ça diminue les sensations, déclare Thibault, après, la confiance s’instaure. Il faut connaître la partenaire, savoir si elle prend la pilule ou pas, parce que le préservatif c’est aussi lié à ça”.
“Ca”, c’est la contraception. Selon l’étudiant en troisième année de licence d’histoire, il faut que les rapports soient “débarrassés de la crainte d’une maladie et du préservatif”.
La diminution du plaisir, un argument souvent avancé, note Pierre Faivre: “les garçons disent +j’aime pas ça, ça gâche le plaisir, ça touche à ma virilité+ etc”.
– Banalisation du sida –
“La population étudiante se relâche”, note Renaud Bouthier, directeur d’Avenir Santé, une association engagée pour la santé des 15-25 ans. “Il y a une forme de banalisation du sida, c’est devenu un phénomène sociétal installé. Il y a moins ce rapport d’urgence vis-à-vis de la maladie”.
“La +Génération Sida+, qui a débuté sa vie sexuelle dans les années noires de la maladie (entre 1981 et 1995), a bénéficié plus longtemps que les jeunes d’aujourd’hui de campagnes de prévention et d’une visibilité de l’épidémie plus importante”, écrit Yaëlle Amsellem-Mainguy, chargée d’études et de recherche à l’Injep, l’observatoire de la jeunesse.
Pour la chercheuse, l’idée que le sida est une maladie curable ou avec laquelle on peut vivre, s’est installée: “même si le sida fait toujours peur, on connaît de moins en moins de gens qui en meurent”. Elle souligne que beaucoup se mettent à douter de l’efficacité du préservatif pour lutter contre les IST (infections sexuellement transmissibles).
Stan, lui, a choisi de ne plus porter de préservatifs: “j’ai toujours fait des tests, tous les trois ou quatre mois”, précisant qu’il exige la même chose de sa partenaire.
“Histoire d’être sûr” et d’évacuer de la relation la suspicion que certains voient dans ce bout de caoutchouc: “certains disent +si je mets un préservatif, mon partenaire va se demander si j’ai pas eu 20 partenaires avant”, souligne Pierre Faivre.
“Quand on est amoureux, c’est une preuve de confiance en l’autre d’arrêter d’en porter”, renchérit Yaëlle Amsellem-Mainguy.