DAKAR, 10 novembre 2014 (IRIN) – Plus de 5 000 personnes – personnel d’appui et professionnels de santé internationaux – sont nécessaires aux efforts de contention de la crise Ebola qui frappe actuellement l’Afrique de l’Ouest, mais les médecins, infirmiers et intervenants d’urgence rapportent que l’incertitude quant à ce qu’il adviendrait sur le terrain s’ils devaient tomber malades ralentit le processus de recrutement. [ ]
Le mois dernier, International SOS, la principale entreprise internationale d’assistance médicale régulièrement amenée à assurer des évacuations sanitaires, a averti dans un communiqué qu’elle risquait de ne plus pouvoir prendre en charge les patients infectés par le virus Ebola.
« L’évacuation internationale de patients présentant des symptômes cliniques actifs d’Ebola est extrêmement limitée et peut s’avérer irréalisable en cas d’écoulement incontrôlé des fluides corporels du patient – vomissements, diarrhée ou saignements », précise le communiqué.
Le général Jim Walker, directeur adjoint des programmes internationaux de l’organisation humanitaire confessionnelle Samaritan’s Purse, a dit à IRIN que bon nombre de volontaires potentiels commençaient à émettre des doutes du fait de la difficulté des évacuations sanitaires et d’autres problèmes d’ordre logistique. « Toutes ces restrictions limitent notre capacité de recrutement. »
La difficulté ne concerne pas la seule évacuation sanitaire. Elle s’accompagne de problèmes d’ordre purement logistique.
« Il est compliqué d’arriver par avion, mais repartir par avion est encore plus difficile », a dit M. Walker.
Rares sont les compagnies aériennes à opérer des vols à destination ou au départ de Guinée, du Liberia ou de Sierra Leone, si bien qu’il est difficile de rejoindre la région ou de la quitter. Les vols de sortie sont souvent réservés plusieurs semaines à l’avance.
Maurice Geary aurait pu emprunter l’un de ces vols entrants, si la situation avait été différente. Cet expert en logistique, actuellement en poste au Pérou, a longtemps travaillé dans le secteur humanitaire. Il s’est rendu en Haïti au lendemain du séisme de 2010, et a travaillé en Sierra Leone lors de l’épidémie de choléra de 2012.
Lorsqu’il a entendu parler de l’épidémie d’Ebola en Sierra Leone, il a aussitôt voulu s’y rendre. Après tout, il y a encore de nombreux amis et c’est là qu’il a rencontré sa femme, travailleuse humanitaire elle aussi.
« Je lisais les journaux tous les deux jours et j’envisageais vraiment d’y aller », a dit M. Geary à IRIN. Après en avoir discuté avec sa femme, ils ont finalement décidé qu’il n’irait pas pour de nombreuses raisons personnelles et professionnelles, mais la question de l’évacuation sanitaire a pesé dans leur décision.
« Je souhaitais partir, mais je pense que ma femme a son mot à dire, surtout sans garantie d’évacuation sanitaire », a dit M. Geary. « Pour elle, la question de l’évacuation a été décisive. »
Pour M. Geary, Ebola est un risque, bien sûr. Mais qu’en est-il des autres problèmes médicaux ? Qu’en est-il des problèmes normaux, du quotidien, lorsque l’on vit dans un pays en développement ? Et si vous êtes victime d’un accès pernicieux ou d’une infection débilitante ? Ou si vous vous cassez un bras ou une jambe ? « Est-ce que l’on vous évacue ou est-ce l’on vous répond “Non, c’est un pays Ebola” ? »
Lacune critique
Il s’agit d’une lacune critique que les intervenants ne savent toujours pas comment combler.
« Il est déjà si difficile de faire venir des gens dans ces régions, et cela ne fait que compliquer les choses », a dit M. Geary.
Pour M. Walker de chez Samaritan’s Purse, en revanche, la réponse est claire.
« En tant qu’organisation, nous nous engageons à rapatrier [les volontaires] chez eux », a-t-il dit à IRIN. Le docteur Kent Brantly, le premier Américain à avoir contracté Ebola, travaillait pour une clinique de Samaritan’s Purse au Liberia lorsqu’il fut infecté en juillet.
M. Walker a dit que lors de cette première évacuation, il n’existait pas de procédures claires à suivre. « Nous improvisions sur le tas », a-t-il dit.
Et rien ne fut facile.
« Avec un patient porteur du virus Ebola, les contraintes sont nombreuses », a dit M. Walker.
L’avion devait être doté d’une chambre d’isolation et d’une unité de décontamination pour les personnes soignant M. Brantly durant le vol. De plus, certains pays avaient restreint leur espace aérien, ce qui a compliqué et rallongé le voyage.
L’avion le plus approprié pour ce type de situation, le jet Phoenix Air qui a servi au transport de M. Brantly ainsi que de nombreux autres malades d’Ebola américains et européens, représente un coût d’environ 200 000 dollars par trajet. M. Walker a dit que l’assurance de la Samaritan’s Purse était censée couvrir ces dépenses, mais qu’il n’était pas convaincu que ce serait le cas.
Franchise Ebola
« Un mouvement se prépare », a dit M. Walker. « Les compagnies d’assurance cherchent à mettre en place une franchise Ebola. » Ces franchises limiteraient la couverture des évacuations liées au virus Ebola.
La petite organisation missionnaire SIM USA en a déjà fait l’expérience.
« Nous avons scruté le marché à la recherche de politiques d’évacuation exemptes de franchises Ebola », a dit George Salloum, le vice-président des opérations et des finances de SIM USA, afin d’assurer davantage de volontaires. Mais la plupart des compagnies d’assurance sur lesquelles il s’est renseigné jusqu’à présent refusent de couvrir les évacuations dans les pays les plus gravement touchés par l’épidémie d’Ebola.
Ces derniers mois, SIM USA a dû évacuer deux de ses bénévoles du Liberia : d’abord la missionnaire Nancy Writebol, puis le docteur Rick Sacra. Après plusieurs semaines de négociations, l’organisation a appris que sa compagnie d’assurance, Aetna, rembourserait les frais associés à l’une des évacuations, mais ignore encore s’il en sera de même pour la seconde. « C’est important pour nous, car ça représente plusieurs centaines de milliers de dollars », a dit M. Salloum à IRIN, sans toutefois préciser de montant exact. « La réalité, c’est que si personne ne peut être assuré, nous allons devoir repenser [notre présence au Liberia] », a dit M. Salloum. « Nous ne pouvons pas nous permettre d’endosser cette responsabilité. »
M. Salloum a dit que l’organisation ne pouvait pas se permettre d’embaucher beaucoup de nouveaux volontaires du fait de ces incertitudes.
Il reste un espoir, cependant, a dit M. Salloum. La Banque mondiale s’est engagée à verser 100 millions de dollars supplémentaires pour la mise en place d’un centre de recrutement et de formation des professionnels de santé pour répondre à la crise.
Et le milliardaire Paul G. Allen, par exemple, a annoncé le mois dernier le versement d’un don de 100 millions de dollars en faveur de la réponse, notamment pour financer le développement de deux unités de confinement qui serviront aux évacuations sanitaires. En outre, sa fondation a lancé un fonds spécial d’un montant de 2,5 millions de dollars pour des subventions de contrepartie destinées à aider les organisations à financer leurs frais d’évacuation. Lancé le 23 octobre, le site Internet de cette initiative, Ebola Medevac Fund, n’avait recueilli que 22 533 dollars éligibles aux subventions de contrepartie à la date du 6 novembre.
« Il existe des personnes désireuses de couvrir le coût [des évacuations sanitaires] », a-t-il dit. « Il nous faut simplement faire preuve de coordination, et ce n’est pas encore le cas. »
cdk/cs/am/cb-xq/ld