A Doha, on débarque dans un monde en construction. Les routes sont bordées de chantiers et des grues obstruent le ciel. Il faut s’armer de patience pour rejoindre le lieu qui abrite le Wise (World innovation summit for education), du 4 au 6 novembre 2014, car la circulation est constamment saturée. C’est l’occasion pour les participants de nouer les premiers contacts.
La température extérieure dépasse les 35 degrés mais l’air est glacial dans le spectaculaire centre de convention du Qatar, où même l’araignée géante de Louise Bourgeois a posé ses pattes. Dans le théâtre, si grand que les 1.500 personnes présentes peinent à le remplir, le sommet s’ouvre sous l’altier patronage de Sheikha Moza bint Nasser, initiatrice de l’événement. La vidéo de présentation donne le ton. On y voit une palette de personnalités définir la créativité, grande thématique de cette nouvelle édition, de Ken Robinson à la colombienne Vicky Colbert, gagnante du prix Wise en 2013.
LA CRÉATIVITÉ, UN ENJEU MONDIAL
Durant les trois jours, seront ainsi abordés pêle-mêle la pensée critique, la capacité à travailler ensemble, à entreprendre ou encore le rôle de l’enseignant. Le tout décrypté par des experts de l’éducation venus du monde entier, avec une forte représentation des États-Unis et du Royaume-Uni. A contrario, la France qui comptait 17 représentants parmi les intervenants en 2011, n’en a qu’un cette année : Jack Lang, “speaker” pour la cérémonie de clôture, en sa qualité d’ancien ministre de l’Éducation et d’actuel président de l’Institut du monde arabe. Étonnant quand on sait que l’événement est organisé par une agence française, Auditoire, filiale de TBWA.
“Ce qui est important, ce n’est pas ce que vous savez, mais ce que vous pouvez faire de ce que vous savez, scande Tony Wagner, expert en innovation à Harvard. Dans le temps, on ne pouvait pas être recruté par Google si on ne venait pas des meilleures écoles, mais aujourd’hui ce sont des jeunes faisant preuve de créativité face à des problématiques compliquées qui sont recherchés.” Cet Américain est l’auteur à succès de “Creating innovators”.
Tout aussi charismatique, l’anglais Paul Collard, à la tête de l’organisation internationale “Creativy, culture and education”, arpente la scène du théâtre : “Pour remotiver les élèves, il faut que l’éducation soit une expérience intéressante intrinsèquement, pas juste qu’elle vise à trouver un travail.” Les problématiques soulevées ici ont été maintes fois étudiées, mais force est de constater qu’elles font aussi écho aux préoccupations des éducateurs asiatiques ou africains. “Le respect pour l’enseignant que les élèves avaient à l’époque de mon père s’est perdu”, témoigne ainsi un universitaire saoudien.
En parallèle des conférences et des débats, le laboratoire créatif accueille les participants qui peuvent discuter de manière informelle autour d’un atelier Légo ou lors d’une initiation à la programmation. Car en vérité, le réseau est pour beaucoup la raison d’un déplacement souvent long et épuisant, comme en témoigne cette quinquagénaire sud-Africaine venue spécialement pour faire connaître son action, qui consiste à apprendre aux enfants à gérer leurs émotions en jouant aux échecs. “J’ai dormi deux heures cette nuit mais c’est une occasion en or de faire des rencontres”, confie-t-elle.
WISE, UN OUTIL D’INFLUENCE
Wise est un outil assumé de soft-power pour le Qatar. L’éducation constitue un axe stratégique pour ce petit pays qui veut assurer sa pérennité en devenant un jour indépendant de la rente pétrolière, et passer ainsi de l’économie des hydrocarbures à l’économie de la connaissance.
Si le budget de cette fastueuse opération reste un secret bien gardé – “de l’ordre de plusieurs millions d’euros” sait-on seulement -, la richissime Qatar Foundation semble ne pas compter pour organiser le sommet. Elle a ainsi entièrement financé le déplacement de 400 personnes “qui n’auraient pas pu venir autrement”. Se faire une place au soleil de la connaissance n’a pas de prix…
Source: http://www.letudiant.fr/
7/11/14