Renversé par une insurrection populaire après vingt-sept années de règne, l’ex-président du Burkina Faso a trouvé refuge à Yamoussoukro avec sa femme ivoirienne.
Les soutiens de Laurent Gbagbo accusent depuis toujours la rébellion ivoirienne qui tenta en 2002 un coup d’Etat contre Gbagbo d’avoir pour «parrain» Blaise Compaoré. Le coup d’Etat échoua mais aboutit à la partition du pays en deux, le Nord (voisin du Burkina) contrôlé par les rebelles, et le Sud contrôlé par les forces gouvernementales. Avant ce putsch manqué, «des centaines de rebelles ont été entraînés au Burkina Faso», explique une source sécuritaire française.
«Il a encadré, financé, armé et offert son pays comme la base arrière d’une rébellion qu’il a lâchée ensuite sur le pays», renchérit le Front populaire ivoirien (FPI), le parti de Laurent Gbagbo. D’où la rancœur certaine des pro-Gbagbo à l’encontre de Blaise Compaoré : «Sa médiation dans la crise ivoirienne a plutôt aggravé la situation du pays, jusqu’à la guerre ayant entraîné la chute du président et l’avènement d’Alassane Ouattara à la tête de l’Etat», dénonce le FPI.
Pour le camp de l’actuel président en revanche, Blaise Compaoré fut le médiateur de la crise ivoirienne qui fit asseoir rebelles et pouvoir à une même table, à Ouagadougou en 2007, pour des pourparlers de paix. «C’est sous ses auspices que la Côte d’Ivoire a pu organiser des élections» en 2010, plaide Joël N’Guessan, le porte-parole du Rassemblement des républicains (RDR, le parti au pouvoir). Le refus de Laurent Gbagbo de reconnaître la victoire d’Alassane Ouattara à ce scrutin plongea le pays dans une guerre qui fit plus de 3 000 morts. Ouattara en sortit vainqueur.
«RECONNAISSANCE DU VENTRE»
Alassane Ouattara et le président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, qui était le chef de la rébellion, ont une «dette considérable» envers Blaise Compaoré, observe un bon connaisseur du dossier. Accueillir l’ancien président burkinabè à Yamoussoukro après sa chute vendredi relève donc de la «reconnaissance du ventre», ajoute-t-il.
Un cadre du pouvoir ivoirien réfute toute critique : Blaise Compaoré est issu «d’un pays frère», sa venue relève donc de «l’évidence». Geste symbolique fort, le président Ouattara devait d’ailleurs rencontrer mardi son ancien homologue, selon un communiqué officiel. Compaoré en Côte-d’Ivoire, c’est «tout à fait normal»,estime Joël N’Guessan, du RDR. «Son épouse est ivoirienne. Or, selon notre loi, quand un étranger épouse une Ivoirienne, il se retrouve ivoirien.»
Ancien président de l’Assemblée nationale sous Laurent Gbagbo, Mamadou Coulibaby, candidat à la présidentielle de 2015 en Côte-d’Ivoire, a une autre idée en tête. «Je trouve que c’est bien qu’il vienne ici, qu’il soit bien installé. Comme cela, lorsque le moment viendra où la CPI le recherchera, on pourra facilement le localiser», commente-t-il, citant l’exemple de l’ex-dictateur libérien Charles Taylor, extradé à La Haye alors qu’il vivait aux yeux de tous en exil au Nigeria.
«Blaise Compaoré ne peut pas s’en sortir à si bon compte en ayant en prime un exil doré en Côte-d’Ivoire», a plaidé le parti de Gbagbo dans un communiqué. Sa venue n’est pas «une très bonne idée», car elle pourrait être «instrumentalisée», analyse une source sécuritaire occidentale. «Ça n’aurait pas été plus mal qu’il parte au Maroc ou ailleurs.»
AFP