Qui est Olivier Madiba ? Faites une petite biographie de vous
Je suis né le 10 octobre 1985 à Douala, je suis l’aînée de 2 autres enfants, un garçon et une fille, des jumeaux. Nous avons passé notre école primaire à Yaoundé au Centre éducatif, ensuite nous sommes allés à Douala où j’ai fait mon secondaire dans les collèges, Libermann, Alfred Saker et le lycée Joss. J’ai obtenu mon Bac C en 2002 à 17 ans et je me suis redirigé vers Yaoundé à la Fac où j’ai donc découvert la « résistance » hahaha. J’ai eu ma licence en 2009 en informatique et j’ai ouvert entre temps en 2007 une entreprise MADIA avec des copains de fac. Nous avons ouvert sans financements et ça a été très dur, mais nous avons fait du bon boulot qui nous a donné une certaine crédibilité sur le plan national et international. Maintenant nous sommes en train de créer Kiro’o Games.
Avez-vous rêvé depuis votre tendre enfance de devenir chef d’entreprise ?
Non, pour ceux qui me connaissent je n’aime pas commander. J’aime le compromis et la cohésion. Je suis devenu chef par nécessité d’auto-emploi dans notre contexte national. Nous avions compris qu’après nos diplômes, il n’y avait pas une place dorée qui nous attendait dans un bureau. Par contre j’ai toujours été ambitieux et j’ai toujours eu envie de faire de grandes choses qui rendraient service au plus de monde possible.
Pourquoi avoir investi dans les jeux vidéo quand on tendance à les stigmatiser ?
La grande question est qui est « on » ? hahaha, les jeux vidéos si vous ouvrez bien les yeux sont aujourd’hui une partie intégrale de la société contemporaine. La raison est simple, nous qui étions les enfants d’hier nous sommes les adultes et la nouvelle classe active. Les sorties des jeux vidéos passent maintenant dans le journal du 20h de certains pays.
Ce divertissement suit le parcours de tous les autres : télé, foot, etc. Au début on estime que c’est pour des passionnés bizarres, ensuite ça devient un phénomène social. Nous voulons être les pionniers qui vont permettre à ce média de faire sa place en Afrique où il y a encore tant à faire.
Quelles ont été les principales motivations qui vous ont poussé à mettre sur pied Aurion?
J’ai joué à des jeux qui m’ont fait rêver depuis que je suis enfant. Une phrase chez nous les gamers est « je ne suis pas un gamer parce que je n’ai pas de vie, mais parce que je choisis d’en avoir plusieurs ». C’est un aspect magnifique du jeu vidéo, on goûte à toutes les expériences qu’on ne peut pas faire en une vie : jouer 50 matches de foot en une semaine, faire une guerre seul contre 10 000, faire des arts martiaux, voyager dans des mondes imaginaires etc. J’ai voulu fournir ça aussi à mon tour à d’autres joueurs et c’est de là qu’est né AURION. C’est une façon de communiquer son âme aux autres.
Quelle a été votre stratégie pour vous démarquer du lot de la jeunesse qui pense avoir un avenir déjà hypothéqué dans le chômage, l’alcool et autres fléaux ?
Dieu, on peut penser qu’on a une stratégie mais au final il faut chercher Dieu en soi et dans les autres. Chercher à améliorer son monde en s’améliorant soi même, être sa propre matière-première et se sculpter psychologiquement, techniquement chaque jour. Il est important de lire. C’est le conseil que je donnerais à ces jeunes, arrêter de boire pendant 3 mois et tentez de lire un livre utile (une biographie de grands hommes, etc.) au moins 1 livre toutes les 2 semaines. Si votre vision de la vie ne change pas, contactez-moi je vous ferais des excuses publiques (rires).
J’ai aussi eu la chance d’avoir des parents qui m’ont donné l’exemple de ne jamais abandonner même si tout est dur. Malgré les crises, malgré leurs frustrations dans ce Cameroun très dur, je ne les ai jamais vu sombrer dans l’alcool ou les autres fléaux. C’est important je pense.
Je ne me considère donc pas comme meilleur que les autres jeunes qui sombrent, parce que je ne sais pas si j’aurais été moi avec leurs conditions et leurs histoires.
Depuis combien d’années travaillez-vous sur ce projet et avec quelle ressource humaine qui y participe?
J’ai commencé AURION en 2003 après ma 1ère année de fac. J’avais repris une année et je n’avais pas beaucoup d’UV. Du coup mon temps libre, je l’ai passé à fouiller comment on fait un jeu vidéo et je me suis rendu compte que c’était possible et logique. J’ai donc travaillé sur mon PC (un pentium 2, 350Mhz !!) et avec des amis qui m’aidaient sur certains plans de façon bénévole.
En 2010 : c’est resté un projet que je bidouillais le week-end après le travail et je continuais de lire des livres et des cours de gamedesign professionnels. En 2011 j’ai créé un groupe de passionnés bénévoles sur Facebook avec qui on réalisait le jeu juste pour le principe de le faire.
Mais en 2012-2013 : on a fait des simulations financières de la viabilité de notre studio et nous avons réalisé une veille sur le secteur et nous nous sommes rendus compte que nous étions peut-être sur le filon du siècle.
Voici une vidéo qui explique tout notre parcours et les équipes qui se sont succédées : https://www.youtube.com/watch?v=MvzrDhu4xus
Nous savons que le nerf de la guerre est généralement le financement, comment vous y êtes vous pris ?
Pour faire les grands projets il faut faire les choses en grands. Nous avons donc d’abord testé notre concept dans des réunions à huit clos à MADIA sur des partenaires de différents secteurs (journalistes, chefs d’entreprises, jeunes entrepreneurs, etc.) chacun a apprécié. Ensuite nous avons fait des conférences pour exposer notre projet avec sérieux, au Hilton et au GICAM. Notre sérieux nous a permis d’obtenir une audience avec S.E Mme le Ministre des Arts qui a apprécié le projet et a accordé le parrainage.
Nous avons aussi pensé à vendre des parts du projet, car on ne vous aidera pas par charité. C’est quelque chose qu’il faut que les jeunes entrepreneurs sachent, il faut être prêt à céder une partie de son projet pour qu’il démarre.
On s’est aussi tourné vers l’international via des réseaux comme LinkedIn et Facebook où on a accès à des professionnels de différents milieux. Vous seriez surpris du nombre de structures et de personnes qui veulent investir dans un projet porteur.
Mais il faut aussi que votre projet soit bien rédigé. Il faut que vous montriez du sérieux avec des schémas, une écriture en bon français (ou anglais) des paragraphes clés et des chiffres réels. Si vous allez voir des investisseurs avec des brouillons ou bien si vous allez à des rendez-vous avec votre gueule de bois de la veille, vous serez classés. Ayez réponse à tout : anticipez le pire scénario et démontrez que votre projet pourra y survivre.
Nous sommes encore en train de lever les fonds, mais c’est en bonne voie.
En tant que jeune Africain, quelles ont été les principaux obstacles que vous avez rencontrés quand nous savons tous que le climat socio-économique est très complexe?
Pour entreprendre en Afrique, il faut se dire qu’on va être un surhomme. Le financement bancaire n’existe pas (ou plus), sauf pour la création d’immeubles. Vous n’avez pas d’épargnes pour jouer sur vos économies. Et il faut aussi s’apprêter à reformer tout son personnel à une organisation professionnelle en gérant les humeurs, les différences d’éducations, etc.
Il y a aussi une certaine forme de cynisme local, une Afrique d’en haut qui voit l’Afrique d’en bas souffrir et ne se sent pas concernée, comme dans la Rome antique. Mais le principal est d’observer tout ça, de s’adapter et de ne pas détester ou avoir de rancune sur les personnes qui vont vous lâcher, vous tromper, etc. Avancez et donnez vous les moyens de pouvoir tout faire seul au cas où : votre comptabilité, votre communication, votre prestation, etc.
Quelle est votre vision d’Aurion dans 10 ans ?
Dans 10 ans AURION sera j’espère un bon souvenir pour une génération de joueurs. Nous avons pensé le scénario pour se conclure après la 3ième version en 2018. En tout cas en ce qui concerne l’histoire des Kori-Odan. Peut-être d’autres idées de suite sur cet univers seront nées d’ici là. Nous avons d’autres projets de jeu en étude et en rédaction en ce moment, beaucoup plus ambitieux.
En dehors d’Aurion, quelles sont vos autres perspectives d’avenir ?
Nous pensons que le studio doit faire au moins 30 ans et s’adapter aux réalités du secteur où à de potentiels autres médias qui arrivent. On parle par exemple aujourd’hui de réalités augmentées. Il faudra être prêt à passer à ce niveau sans retard.
Toutefois je pense qu’au bout de 5 ou 7 jeux ,je devrais laisser la main à de jeunes plus doués que moi (je serais un has been hahaha). Et me concentrer sur l’organisation et la transmission des valeurs qui feront que le Kiro’o s’étende partout.
MADIA ma 1ère structure continuera aussi son travail de pionnier informatique en Afrique, j’espère que nous aurons créé le plus d’emplois possibleset que nous pourrons compter sur tous ces jeunes motivés qui nous rejoignent au fur et à mesure.
Quel message de motivation adressez-vous aux jeunes Africains pour qui vous êtes un modèle ?
Sans fausse modestie, je ne suis pas encore un modèle. J’ai encore trop de chemin à faire en moi et hors de moi pour dire qu’on me suive. Pour paraphraser un personage que j’aime beaucoup : I am not a hero, just an old gamer.
Mais je conclurais en leur demandant de croire en eux et de se mettre au diapason de leur défi. Nous sommes le continent de tous les problèmes, mais c’est aussi une occasion énorme d’apporter au monde ce dont il a le plus besoin : l’inspiration.
Un arbre qui pousse dans le désert a plus de leçons à donner que celui qui pousse dans un jardin. Exploitez vos problèmes et transformez les en force ! Vous galerez ? Vous avez peur du futur ? C’est justement parce que vous vivez tout ça que votre chemin vers la réussite va inspirer les autres. Travaillez sur vous-même, cherchez ce que vous savez faire qui puisse rendre service aux autres et vous inventerez votre route.
Vous avez un énorme avantage : Vous n’avez rien à perdre !
La plupart d’entre nous galèrent déjà tellement que ça ne peut pas être pire à part une guerre. Donc allons-y et montrons au monde un exemple d’humanité face au chaos et de lumière dans l’obscurité. C’est ça l’Héritage que nous ont légué tous ceux qui se sont battus pour ce continent, mais surtout pour ce monde.
A.W. pour ExcelAfrica