Le phénomène existe mais les acteurs du système éducatif éprouve du mal à l’évoquer tant il touche directement soit un collège, soit un ami ou même sa propre progéniture. Ce fléau a pour nom Notes Sexuellement Transmissibles (NST). Ceci est un véritable fléau qui mine l’école ivoirienne et qui n’a pas de limite. Ecoles primaires, lycées, collèges et même l’université, le droit de cuissage en échange d’une note est encore monnaie courante.
Pour le Docteur Kane-Kone, femme leader ivoirienne, « le droit de cuissage est l’ennemi de la femme quelque soit le milieu où elle se trouve, quelque soit son âge ». Ayant mené des études dans les milieux scolaires avec le soutien de plusieurs ONG, elle nous explique qu’il serait bien difficile de trouver aujourd’hui une femme qui dans son parcours scolaire n’a pas eu de propositions indécentes. La preuve, déjà dans des écoles primaires et secondaires, des jeunes filles et même des fillettes ont avoué avoir déjà eu des rapports avec des enseignants en échange de notes ou de faveurs financières.
Le phénomène des NST se manifeste sous deux aspects. « Dans un premier tableau c’est l’enseignant qui s’entiche d’une gamine et qui fait pression sur elle pour qu’elle se retrouve dans son lit. Cette pression se matérialise par des mauvaises notes ou des interrogations orales souvent très corsées. Il y aussi des injures et des propos humiliants. Le deuxième tableau c’est lorsqu’une élève très faible pour son niveau à des mauvaises notes. Au lieu de travailler elle préfère coucher avec deux ou trois enseignants pour avoir de bonnes notes » nous explique Mme Touhon épouse Traoré, conseillère d’éducation au Collège Moderne d’Abidjan Plateau.
Dans l’un ou dans l’autre cas, le phénomène des NST en milieu scolaire bien qu’il soit connu de tous est véritablement tabou. Aucun enseignant lors de notre enquête n’a pu affirmer qu’il avait déjà fait des propositions indécentes à une de ses élèves. Idem pour les jeunes filles qui disent toujours avoir une copine ou une connaissance qui a déjà été la victime d’un enseignement. Jamais l’exemple personnel n’est évoqué de peur d’être considéré comme une fille aux mœurs légères ou un enseignant sans aucune éthique.
Malgré cette omerta, les témoignages glanés ici et là font état d’enseignants prêts à tout pour arriver à leurs fins. Soro Inza, élève en 1ère et chef de classe dans un lycée public, nous explique que son professeur de physique distribuait de mauvaises notes à toute la classe simplement parce qu’une jeune fille avait osé lui dire non. « Il nous traumatisait avec des interrogations, nous insultait souvent et n’hésitait pas à donner de mauvaises notes. En plus l’enseignant n’a jamais caché que la cause de nos malheurs était notre amie qui se refusait à lui » affirme le jeune homme. La frustration est encore plus grande. Léonie Konan, élève en classe de 3ème , estime que certains enseignants sont à l’origine du niveau de plus en plus bas des élèves. « Dans ma classe il y a un groupe de filles qui ne viennent à l’école que pour faire le malin. Elles sèchent certains cours mais étrangement elles ont les meilleures notes. Comment expliquer cette situation ? Indirectement nos éducateurs sont en train de nous dire que la meilleure manière d’avancer c’est d’accepter de se déshabiller » s’indigne la jeune fille.
Aucune jeune fille ne peut se réjouir de se prostituer pour des notes affirme Elisabeth Kouakou une jeune secrétaire. Elle estime que le plus souvent les jeunes filles qui cèdent aux NST se retrouvent dos au mur. « Quand vous venez d’un milieu social défavorisé, quand vous êtes une fille démunie, quand vos parents n’ont rien et que quelqu’un vous fait une proposition alléchante quand bien même déplacée pour vous tirer de vos problèmes, il est souvent difficile de dire non ».
Malgré cet état de fait, Docteur Kane-Kone estime que la meilleure arme pour vaincre les NST est la sensibilisation des enseignants et des élèves sur les dangers du fléau. Grossesses non désirées et à risques, maladies sexuellement transmissibles et peine d’emprisonnement sont là pour décourager les plus téméraires. Les NST que la société civile ivoirienne classe dans la catégorie des violences sexuelles font déjà l’objet de nombreuses campagnes de sensibilisation.
SUY Kahofi pour ExcelAfrica