Au Kenya, tous les enfants ne peuvent pas aller à l’école gratuite jusqu’à 14 ans. S’il existe malgré tout des bourses d’études, ce sont toujours les plus nantis qui offrent la meilleure éducation à leurs enfants.
Les enfants et les adolescents représentent pratiquement la moitié de la population du Kenya. Les Kenyans sont très jeunes et les femmes donnent naissance à quatre enfants en moyenne. Beaucoup de ces enfants abandonnent l’école primaire publique et “gratuite” avant même d’avoir atteint leurs 14 ans. En effet, à l’école, il faut un uniforme, des chaussures, des manuels, des stylos et des cahiers… des dépenses insurmontables pour de nombreuses familles. Les écoles publiques kenyanes sont surchargées et mal équipées. Il arrive fréquemment qu’un enseignant sous-payé fasse cours à quarante élèves, voire plus. Les écoles privées sont certes plus onéreuses, mais bien mieux équipées. Les enseignants y sont mieux payés et mieux formés.
Des élèves sélectionnés très tôt
Après huit années d’école, les élèves passent un examen officiel national qui décide qui ira dans le secondaire. Souvent, les élèves des écoles privées obtiennent de meilleures notes, ce qui leur permet plus facilement de franchir cette étape. A la fin du secondaire, les élèves passent un diplôme de fin d’études. C’est donc avant même le début de ce cycle qu’un enfant sait s’il aura une chance d’étudier ou non. Pour les recalés, l’école s’arrête à 14 ans.
Aller à l’école publique secondaire coûte environ un euro par jour pour un enfant. Une dépense que beaucoup de familles kenyanes ne peuvent assumer. Un cinquième des Kenyans ne gagne même pas cette somme pour vivre. Seule une minorité aisée peut se payer le luxe d’aller dans une bonne école secondaire, souvent privée. Mais même ceux qui poursuivent l’école ont des chances réduites de pouvoir étudier plus tard. Le secondaire coûte aussi de l’argent. Seuls les élèves très doués sont soutenus par l’Etat. Dans le privé, la majorité des écoliers obtiennent de bonnes notes, ce qui leur permet de décrocher une bourse d’Etat. Les parents riches des enfants qui ont de mauvaises notes peuvent toutefois les amener jusqu’à l’université en payant eux-mêmes la totalité des frais scolaires. Le coût d’une année d’études correspond à cinq mois de salaire d’un enseignant.
La soif d’apprendre
Les Kenyans accordent beaucoup d’importance à l’éducation. Beaucoup de parents sont prêts à s’endetter ou à vendre leurs terres pour permettre à leur enfant d’aller dans une bonne école. Les universités ou d’autres structures pédagogiques profitent de cette soif de diplômes pour proposer de nombreux et divers cursus plus courts, destinés à différents niveaux scolaires. Malheureusement, la qualité de ces enseignements ne correspond bien souvent pas aux standards internationaux.
Depuis cinq ans, le nombre d’étudiants a doublé dans les universités publiques. Mais, au Kenya, si l’on veut qu’à l’avenir, il y ait un professeur universitaire qualifié par étudiant, il faudrait que mille enseignants, au minimum, obtiennent chaque année un doctorat. Ces dernières années pourtant, seuls 230 étudiants sont arrivés jusqu’au doctorat au Kenya. Cinquante d’entre eux étaient soutenus par l’Office allemand d’échanges universitaires (DAAD). La formation de la relève scientifique reste un gros problème car la plupart des étudiants ne sont pas assez bien préparés au travail exigé par une thèse de doctorat. Dans un pays qui se développe à vitesse grand V, les universités sont dépassées par leur propre succès.
Les femmes toujours défavorisées
La situation des jeunes femmes est particulièrement difficile. Les familles investissent moins dans l’éducation des filles. Malgré une note d’entrée à l’université plus basse pour elles que pour les garçons, les filles restent peu nombreuses dans le supérieur. Elles représentent seulement 40% des étudiants boursiers.
Cela fait longtemps que les familles paient, de leur propre poche, les frais scolaires de leurs enfants. Cette évolution favorise certains cursus plutôt que d’autres, puisque les parents se sentent en droit de décider. Mais cela défavorise également les jeunes femmes elles-mêmes. Il est de tradition qu’une fille se marie, fasse des enfants et s’occupe ensuite de la famille.
Lorsque des jeunes femmes vont à l’université, elles choississent souvent d’étudier des matières liées aux sciences sociales et humaines. Des matières considérées comme moins prestigieuses et qui mènent à des métiers moins bien rémunérés. Il faut dire qu’à l’université, on trouve rarement des femmes qui réussissent parmi le personnel enseignant ou la direction. Ce qui décourage les étudiantes à faire un master après leur licence, voire un doctorat. C’est de cette façon que les inégalités persistent.
La discrimination positive comme modèle
Les parcours de certains étudiants et étudiantes sont de beaux exemples de courage. Un jeune homme originaire de Nyeri, au centre du Kenya, a obtenu la meilleure note de toute la ville à son examen de passage dans le secondaire. Une excellente école de Nairobi, la capitale, lui a accordé une bourse pour payer ses frais scolaires et sa place en internat. Grâce à une aide de l’Etat, il peut aujourd’hui étudier l’économie et l’allemand. L’exemple le plus connu reste celui de Auma Obama, la grande soeur du président américain Barack Obama. Après avoir obtenu brillamment son diplôme, elle a étudié en Allemagne grâce à une bourse du DAAD. Elle a ensuite obtenu son doctorat et travaille aujourd’hui pour l’association humanitaire CARE.
Georg Verweyen est lecteur au DAAD. Il vit au Kénya avec sa famille depuis trois ans. Il enseigne la philologie allemande à l’Université Kenyatta. Il conseille également les étudiants au bureau du DAAD.
Source: http://www.dw.de