Emmanuel Mousset est parti, à Djibouti, corriger des copies du bac de philo, où les épreuves sont déjà finies. Alors qu’en France, elles ont eu lieu lundi.
Pourquoi partir à Djibouti pour corriger des copies du bac ?
Il y a, à Djibouti, 5 800 candidats qui passent le bac et seulement 14 professeurs de philosophie. Il faut donc faire appel à des enseignants de métropole. En tout, nous avons 360 copies à corriger ! Notre charge de travail est beaucoup plus élevée que pour le bac français. C’est l’académie d’Amiens qui fournit cette aide, soutenue par le ministère de l’Education nationale. En revanche, c’est l’État de Djibouti qui couvre les frais.
Comment le choix s’est-il fait ?
Ce n’est ni imposé ni complètement volontaire : mon inspecteur m’a fait la proposition et j’ai accepté. Je ne connaissais pas ce dispositif. L’an dernier, j’avais déjà été une première fois sollicité, mais mes activités associatives m’ont empêché de partir. Cette année, j’ai libéré mon mois de juin. Et puis, ça s’est fait !
Qu’espérez-vous tirer de cette expérience ?
Quelque chose d’unique et d’original. Voir comment on vit dans un pays africain et musulman et comprendre qu’ici ou là-bas, la philosophie est universelle et profitable. La grande chaleur explique tout. Elle rythme complètement le mode de vie. Il y a une vie des rues très forte, très colorée, avec des gens qui discutent et des enfants qui jouent. Une forme de joie populaire. On ne voit plus vraiment ça en France.
Combien de temps y restez-vous ? Est-ce votre premier voyage là-bas ?
Oui, c’est la première fois que je vais en Afrique et je reste un peu plus de trois semaines. C’est la même durée que le bac français, sauf que les épreuves commencent une semaine plus tôt. A mon retour, le 6 juillet, je serai présent à Henri-Martin pour les résultats de mes élèves de l’année et pour les aider à préparer l’oral.
Le programme et le sujet du bac de philo à Djibouti et en France sont-ils proches ?
Les programmes et les épreuves du bac sont les mêmes. Djibouti a été un territoire français d’outre-mer (Tom). L’Etat est aujourd’hui indépendant, mais le système scolaire français continue à s’appliquer jusqu’en 2014.
Pas trop dépaysé sinon ?
Je vais participer à un café-philo de Djibouti, animé par un collègue de là-bas. Et parmi les trois autres collègues venus de France, il y a Vincent, un prof de philo à Laon.
Sur votre blog, vous confiez vous « sentir devenir musulman ». Vous allez bientôt vous convertir ?
C’était bien sûr une boutade. Je ne me ferai pas appeler Mohamed Mousset ! Mais il y a quand même un fond de sérieux : l’appel à la prière du muezzin a quelque chose de profond et d’émouvant. Ici, à Djibouti, les gens ne se préoccupent pas que de leur travail et de leurs loisirs comme en Occident. Cette aspiration d’un peuple à la spiritualité est intéressante à voir pour le laïque que je suis.
Les réflexions menées par les lycéens de Djibouti sont-elles comparables à celles menées par les lycéens français ?
Qu’on soit français ou djiboutien, la pensée philosophique suit les mêmes chemins. Il n’y a donc pas de différence fondamentale. Seul le contexte varie : dans les copies que je corrige, il y a souvent des références à l’Islam, au Coran. Ce n’est pas en soi gênant pourvu que la réflexion soit présente, comme en France on peut se référer à la Bible, avec un esprit réfléchi et critique.
Propos recueillis par Alexandre SAMARY
http://www.aisnenouvelle.fr/
19/6/12