On ne les traduit pas. On ne les présente même plus. Les trois initiales de l’expertise en affaires ont envahi la planète. De Bombay à Londres en passant par Dakar, on parle MBA.
Même notre “village gaulois” a succombé aux atours de cette formation très haut de gamme au management. Dans un pays qui mise tout sur la scolarisation initiale, ce n’était pas gagné. Mais la résistance a fini par céder.
Le Master of Business Administration est né au début du XXe siècle aux Etats-Unis. Il a mis quarante-neuf ans à traverser l’Atlantique. En fait, il voit le jour en 1908 sur le campus d’Harvard et arrive à l’Insead à Fontainebleau en 1957. Aujourd’hui, la France est la troisième destination préférée des candidats à cette formation. Juste après les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, selon la dernière enquête de QS Top MBA.
La France, terre de MBA ? Aussi étrange que cela paraisse, le diplôme y fonctionne un peu comme une seconde chance. Si les CV les plus brillants en font une arme supplémentaire, il offre aussi à des diplômés de petites écoles de management l’occasion de changer de catégorie et d’espérer eux aussi un parcours professionnel d’exception. Le profil des étudiants interrogés par Le Monde pour réaliser ce supplément montre que tous n’ont pas fait une école du Top 10 lors de leur formation initiale.
Le MBA fonctionne donc comme un vrai révélateur de talents. Et cela se vérifie de plus en plus tôt dans une carrière. Au niveau mondial, le pourcentage de salariés qui se lancent dans cette formation avant trois ans d’expérience professionnelle a pris 6 points, passant de 28 % à 34 % du total des inscrits entre 2009 et 2012.
La question se pose de plus en plus tôt. Tous continents confondus, la moyenne d’âge des inscrits est de 27,6 ans. C’est en Afrique qu’on hésite le plus longtemps ; en Asie qu’on se décide le plus vite.
En fait, ce rajeunissement est aussi une réponse à l’engouement croissant des entreprises pour ces profils à “haut potentiel et bien formés”, comme les définit un recruteur. Bien sûr, les calculs sont faits sur des viviers encore étroits, mais la demande en titulaires de MBA a crû de 24 % aux Etats-Unis entre 2010 et 2011, de 34 % au Royaume-Uni, de 14 % en Chine et de 28 % en Allemagne. Le “consulting” et la finance, le marketing et le management sont les secteurs les plus friands de ces trois lettres.
Toutes ces données montrent clairement qu’une inscription en MBA est moins une dépense qu’un investissement. En 2011, Global Management Education Graduate a calculé qu’un MBA full time fait en deux ans permettait d’augmenter son salaire de base de 73 % ; pour la même formation en un an, l’augmentation moyenne est de 80 % ; avec un part time, de 49 %. Ces calculs ne sont que des moyennes, certes, mais elles ont été faites sur près de 5 000 diplômés de par le monde. Ils ne veulent pas dire que tous les titulaires en bénéficieront.
Et ces augmentations vertigineuses ne doivent pas faire oublier que ces deux années d’études sont très exigeantes et nécessitent un investissement financier et temporel important. En conséquence, mieux vaut ne pas se tromper dans le choix de son école ni dans celui de sa formule. Et bien préparer son test de recrutement, car y obtenir un bon score fait partie du dossier.
Il y a encore des opposants à la formule. Henry Mintzberg, professeur de management à l’université McGill à Montréal, en fait partie.
Pendant treize ans, il a suivi les performances de 19 diplômés du MBA d’Harvard qui occupaient des postes très élevés dans le monde des affaires. D’après son enquête, dix d’entre eux ont échoué dans leur mission. Ou leur entreprise a fait faillite, ou ils ont été évincés, ou ils ont dirigé une fusion qui a mal tourné. Selon ses conclusions, seules cinq de ces stars ont vraiment réussi. Ce regard a le mérite de rappeler que même les meilleurs MBA ne fournissent pas de baguette magique. Mais il ne prouve pas que ces manageurs auraient fait mieux sans !
http://www.lemonde.fr/education
23/05/2012