TUNISIE – Education et enseignement, la réforme indispensable

En Tunisie,  l’éducation et l’enseignement n’ont fait que régresser de qualité, durant ces quinze dernières années. Jusqu’à perdre de leur substance. Ces mêmes valeurs qui, jadis faisaient la fierté du peuple tunisien, sont devenus un fardeau tant pour les enseignants eux-mêmes, que pour les étudiants et écoliers qui les subissaient plus qu’ils n’en profitaient. Pourtant la Tunisie, a su mettre en place, au lendemain de son indépendance, un système social qui lui aurait permis de dépasser  ses semblables sur l’échiquier du développement, mais aussi de rattraper les pays les plus avancés sur le plan social, s’il n’y avait pas eu des interférences idéologiques et démagogiques qui ont altéré le contenu et la manière d’enseigner.

Malgré l’obligation, la généralisation, la gratuité de l’enseignement et les efforts de l’Etat à éradiquer l’illettrisme, la qualité ne s’en est pas suivie. Au contraire, la maitrise des langues s’est affaiblie, la francophonie menace de disparaitre, la formation des enseignants et leur recyclage déphasé par rapport aux avancées scientifiques et l’école n’est plus synonyme de construction pérenne mais d’apprentissage aléatoire, où les étudiants et élèves sont réduits à reproduire des exercices ressassés en classe.  Pire encore, « les disciplines et filières sont en majorité sans lien avec les besoins de l’économie et les exigences du marché de travail », comme en fait le constat, Radhi Meddeb, auteur de l’ouvrage « Ensemble construisons la Tunisie de demain, modernité, solidarité et performance ». Sans compter la culture des cours particulier répandue à tous les niveaux de l’enseignement. « L’étudiant est moins autonome. Il n’est intéressé que par la performance ponctuelle et la bonne note. Les étudiants ne sont pas capables de produire, de créer et de prendre de l’initiative… », Évoquera le texte de Radhi Meddeb. Dans son programme socio-économique, qu’il présente comme une solution viable pour réformer quasiment tous les secteurs, l’auteur déplore le manque d’efficience et d’efficacité de l’éducation et de l’enseignement et la démotivation générale des étudiants et enseignants que cela a engendré.
 
Malgré qu’en matière d’enseignement la Tunisie présente des volumes d’horaires comparables à ce qui se pratique en occident, le système éducatif est à la traîne. D’après le Trends in International Mathematics and Science study, la Tunisie a été classée, en 2009, 29ème sur 38 en mathématiques, et 34ème sur 38 en sciences. Par ailleurs, le Programme international pour le suivi des acquis des élèves(PISA) organisé par l’OCDE, classe en 2009, la Tunisie 60ème sur 65 pays. Un classement qui traduit la crise par laquelle passe le système éducatif, et qui par ricochet, touche le monde du travail. L’auteur accuse entre-autres maux, l’arabisation « menée sans discernement, ni adaptation des programmes, ni formation préalable des formateurs », causant ainsi une rupture avec la modernité et ses avancées scientifiques.

Dans son ouvrage, Radhi Meddeb préconise que l’éducation soit repensée, réformée, voire entièrement chamboulée à certains égards. Notamment encourager les écoles à une plus grande interaction avec leur environnement pour faire acquérir aux enfants, dès leur plus jeune âge les attributs de la citoyenneté, la fierté d’appartenir à une même nation mais en même temps les principes d’ouverture, de tolérance, de dialogue et de respect des différences et de la diversité. Apprendre aux enfants à raisonner, à analyser et à synthétiser. La nécessité également d’assurer un bon niveau au plus grand nombre et pas seulement à une élite pour aborder les problématiques complexes auxquels seront confrontés les enfants à l’âge adulte.

Concrètement, l’auteur propose un nombre de mesures à prendre sans attendre. Parmi elles, redonner de l’importance aux examens nationaux comme le bac et la sixième et supprimer la pondération de 25% au Baccalauréat. Il rappelle que suite à la révolution, il est devenu nécessaire de rénover les contenus des manuels d’histoire «  mais cette rénovation ne doit pas se faire à la hâte ».

Supprimer l’enseignement de base et revenir à l’ancien système éducatif, ramener le parcours secondaire à 6 ans. Mettre en place une coordination forte entre les services de l’Education nationale et ceux de l’Enseignement supérieur, car il n’est pas possible d’avoir de bons étudiants (voire de futurs chercheurs) si l’on part de mauvais élèves. Mettre en place des structures d’accueil et des méthodes pédagogiques adaptées aux élèves handicapés afin de favoriser leur intégration.  Renforcer l’apprentissage de la langue anglaise, et mettre en place des cours de soutien gratuits pour les élèves qui en ont besoin et y affecter des enseignants de qualité.

Pour le cas de l’enseignement supérieur, il préconise de créer une commission multidisciplinaire pour chaque filière dont le rôle consiste à adapter les contenus à la discipline dominante et veiller à leur cohérence. Interdire la pratique des cours particulier dans l’enseignement supérieur et faire évoluer la relation d’encadrement professeur-étudiant vers une relation de coaching afin de développer l’autonomie et l’esprit d’initiative.

Il a suggère aussi de garantir des logements à prix convenable aux étudiants moins aisés, puisque les élèves venant des régions défavorisées ne peuvent supporter le niveau de vie élevé des grandes villes. Il préconise ainsi de construire sans attendre 100 000 lits pour étudiants en partenariat public/privé.

Dans l’optique de réhabiliter l’enseignement et de lui rendre ses lettres de noblesses, Radhi Meddeb, s’intéresse dans son exposé à la recherche scientifique. Un volet marginalisé, qui n’a pas pu prendre son envol. Pour y remédier le programme parle d’élever le nombre des membres des jurys de recrutement, en y ajoutant des membres étrangers, afin de veiller sur l’égalité des chances.  Exiger des candidats aux concours de recrutement, un nombre minimum de publications avec facteurs d’impact.  Par ailleurs, il faut créer un centre National de recherche scientifique, ce qui pourrait à terme, faire la différence entre les enseignants et les chercheurs. Ainsi que de créer le statut d’ingénieur-chercheur.

Mais aussi, accorder une indemnité de recherche aux étudiants de master et aux doctorants. Une indemnité servie sous réserve de disponibilité totale. Elle cessera de l’être en cas d’embauche ou de dépassement d’un délai de quatre ans pour la présentation de la thèse.  Les laboratoires seront quant à eux, dotés des équipements et consommables de bureautique nécessaire à leur fonctionnement.
 
L’auteur insiste dans sa vision de la réforme de l’éducation et de la formation, sur le cadre consultatif que doit prendre cette initiative. « Nous pensons que pour aborder ces sujets, le consensus est nécessaire. Une consultation large avec un focus particulier sur l’enseignement de base (toutes les études tendent à prouver que c’est là que tout se joue), mais aussi le secondaire, devrait être la base de prise de décision de toute réforme en profondeur touchant à l’éducation », explique Radhi Meddeb dans son livre.

Chiraz Kefi

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27 novembre 2011

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