Dans l’acte 3 de notre dossier sur la prochaine rentrée universitaire fixée à septembre 2012, des universitaires et autres leaders d’organisations de la société civile de Côte d’Ivoire livrent leur regard sur la décision du Chef de l’Etat. A l’analyse, les avis sont divergents. Preuve que le sujet divise…
Pr Amoa Urbain, Recteur de l’université Charles Louis de Montesquieu :
«La décision se justifie par une réelle volonté de quête de la qualité»
«Temple des savoirs, l’Université est un vaste champ d’épanouissement ouvert sur le monde. Dans sa forme achevée, l’Université est bâtie comme une cité avec toutes les composantes analogues à celle d’une ville moderne. Dans cette optique, une Université d’Etat doit pour sa propre crédibilité offrir les meilleurs espaces possibles et ce, dans le dessein de favoriser la réalisation des meilleures performances. C’est même et surtout dans cette optique qu’il s’impose à l’Universitaire ce qu’il est convenu d’appeler les franchises universitaires. L’Université est donc un monde autre que celui de la ville où elle est implantée : c’est un microcosme. Telle est la réalité de l’univers académique et tel est le rêve qui m’incite à faire de mon université, à savoir Charles Louis de Montesquieu d’Abidjan, une université de rêve à l’horizon 2015-2025. Lorsque dans son évolution, les canons d’excellence viennent à être ébranlés (vétusté des locaux, délabrement, crise morale, chute de l’image du maître, violences physiques et non plus remue-méninges), il va sans dire que la vision de l’Université change… le ton aussi, la manière d’y être mêmement. L’on comprend donc que dans une telle atmosphère, il soit décidé de procéder à un changement qualitatif. Et ce changement peut se produire soit en douceur soit de façon brutale. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, pour qui a vu la cité Mermoz par exemple, il est douloureux de voir l’usage, qui, au fil des ans, en a été fait. Aussi, comprend-on aisément la profondeur de la décision d’un gouvernement qui annonce et qui amorce une politique de renaissance et de bien-être social généralisé. Toutefois, même si la décision se justifie par une réelle volonté de quête de la qualité qui se voudrait totale, il aurait été souhaitable que des mesures d’accompagnement (préparation psychologique des bacheliers et des étudiants, identification des structures d’accueil, organisation d’actions de service civique de grande mobilisation des jeunes…) soient étudiées, planifiées et programmées pour éviter d’offrir à la rue d’autres proies faciles. Notamment ces milliers de jeunes dont les parents ne disposent pas de moyens suffisants pour leur offrir des études supérieures de qualité. Puisse le gouvernement se mettre en branle pour apporter davantage d’aide et d’assistance à tous ces fils d’ouvriers, de paysans, de personnes du troisième âge elles-mêmes en quête d’aide. Et la jeunesse s’en portera mieux et la renaissance annoncée sera vécue avec joie et bonheur dans la dignité.»
Nathalie Traoré-Koné, Présidente du Foscao-Ci :
« Les étudiants et leurs parents sont désemparés »
«C’est une décision qui m’attriste. J’ai rencontré des jeunes étudiants qui sont désemparés et qui ne savent quoi faire. Il en est de même pour leurs parents qui se posent des questions sur l’avenir de leurs enfants. Je comprends cet état d’esprit car quand on ne va pas à l’école, on désapprend et le niveau baisse. Ce qui est souhaitable, c’est que l’université puisse ouvrir le plus tôt possible ses portes. Tout est prioritaire dans un Etat qui sort d’une crise, mais il y a des priorités qui supplantent d’autres. Si nous avons des générations de jeunes qui sont pénalisées et sacrifiées dans leurs études supérieures, ce n’est pas certain que tout le programme du gouvernement qui vise le développement puisse avoir un impact qualitatif. La crise a eu un impact significatif sur l’éducation nationale, sur l’école. Mais, nous avons tous vu que le gouvernement a mis les bouchées doubles pour sauver les cours au niveau du primaire et du secondaire. Tout est une question de volonté politique. Si l’université doit rester fermée, ce n’était pas la peine de laisser l’éducation nationale en marche. Ceux qui ont le Bac 2011, où va-t-on les mettre ? Il y aura donc plusieurs générations de bacheliers qui seront confinées la même année et en même temps dans les amphis. Et cela pose un problème. Il faut prioriser l’action gouvernementale. L’accent doit être mis sur l’Homme qui doit être au centre de toute action, de toute stratégie de développement. Notre jeunesse qui est l’instrument central de la création de la richesse, doit aller à l’école. C’est vrai qu’il y a des travaux majeurs à faire. Mais, l’université est la vitrine d’un pays. Lorsqu’on veut le changement, il faut s’interdire de regarder dans le passé pour dire que cela fait plusieurs années qu’il y a des années blanches à l’université et qu’une nouvelle année blanche ne sera pas une de trop. Je préfère une université avec des difficultés à une université totalement fermée. L’oisiveté étant la mère de tous les vices, nous sommes en train de créer de jeunes délinquants. Nous les activistes des droits humains, luttons pour les enfants des pauvres qui ne pourront pas aller à l’extérieur pour exécuter leurs projets d’études supérieures. C’est une décision qui porte préjudice aux enfants de familles non aisées. C’est pour cela qu’il faut la dénoncer pour qu’elle soit révisée. Cette révision ou relecture s’impose pour que nos jeunes étudiants puissent aller à l’école. J’ai lu dans votre dossier sur la question que le ministère de l’Enseignement supérieur va lancer une campagne de sensibilisation et de communication. Cela devrait être fait avant. Il fallait échanger avec tous les acteurs avant et non après. Une réhabilitation n’est pas seulement physique. Elle est aussi et surtout morale, psychologique. Nous ne voyons rien qui se passe sur le terrain hormis les travaux de réhabilitation. Ce n’est pas le seul chantier. On peut par exemple ouvrir les administrations et dire aux étudiants de venir s’inscrire. Là, l’opinion publique sait qu’il y a des choses qui se font. On ne nous sert que les travaux de réhabilitation. Le reste, rien. Il n’y a pas de données. On a le sentiment que le pouvoir de Ouattara va dans tous les sens, veut tout faire en même temps sans impact et cela est un problème.»
Pr Séka Séka, Ex-directeur du CROU d’Abidjan :
«Le Chef de l’Etat et Cissé Bacongo ont dit non au replâtrage»
«C’est une décision qui, à première lecture, fait de la peine. Mais quand on l’analyse avec sérénité, lucidité et objectivité, en tant qu’universitaire, j’estime qu’il fallait cette décision-là. Aujourd’hui, quand vous regardez les universités, les infrastructures, aussi bien les amphithéâtres, les salles de travaux pratiques et dirigés, rien ne permet de faire un enseignement de qualité. Non seulement, ces infrastructures ne suffisent pas, elles sont dans un état de vétusté. En outre, depuis 2008, nous pouvons dire que les années universitaires sont blanches. Des étudiants entrés en 2008 n’ont pas encore fini leur année 2008-2009 pour faire 2009-2010 puis 2010- 2011. Il faut reconnaître que ce sont des années qui sont déjà blanches. On veut faire du replâtrage. On essaie de rattraper les choses si bien que l’enseignement dispensé n’est pas ce qu’il faut. C’est à ce replâtrage que le Chef de l’Etat et le ministre de l’Enseignement supérieur ont dit non. Nos diplômes qui naguère étaient très prisés, ne sont même plus reconnus dans certaines institutions universitaires étrangères. Faut-il continuer sur ces impairs ou faut-il une décision de fermeture qui permet de régler une bonne fois pour toute, ce problème ? C’est comme un pied qui a une gangrène. Quand on coupe le pied, cela fait mal. Mais si on n’ampute pas, le corps tout entier finit par mourir. J’ai été moi-même directeur du CROU d’Abidjan de 1998 à l’an 2000. Et ce sont des décisions que j’avais moi-même préconisées. J’ai été le premier à dénoncer la présence des armes dans les universités. J’ai été également le premier à m’attaquer aux commerces anarchiques érigés sur le campus par certains étudiants se réclamant de la Fesci. Quand la ministre Kandia Camara a démoli les installations anarchiques sur l’espace des campus, j’ai eu plusieurs appels de félicitations de certains pairs du milieu qui ont reconnu les décisions antérieures similaires que j’avais eu à prendre. Je trouve que la décision est donc salutaire. Allez aujourd’hui sur les campus et vous verrez le travail qui est en train d’être fait. Prenons donc le temps de mettre en place toutes les infrastructures, d’accroître leurs capacités d’accueil, d’améliorer qualitativement leurs potentialités pour qu’une fois, quand les universités sont ouvertes, on parte d’un point A pour arriver à un point B connu de tous et non plus des années académiques interminables et en dents de scie. Il faut arriver à cela pour que nous ayons enfin une université crédible qui rivalise avec celles d’Europe et d’Amérique. Nous qui avons fait de hautes études dans ces pays, venons nous retrouver à enseigner dans des universités locales que ce soit Abobo-Adjamé, Cocody ou Bouaké et autres, qui ne sont des universités que de nom. Nous n’avons plus d’universités. Il faut donc sacrifier quelque chose pour arriver à des universités crédibles avec un fonctionnement de manière pérenne. On le dit, on ne peut pas faire des omelettes si on hésite à casser des œufs. En tant qu’universitaire, je suis d’accord qu’on casse quelques œufs pour que demain, on ait de très bonnes omelettes.»
Marie-Laure Kindo, Officier de l’Ordre du mérite de l’éducation nationale: «La décision va créer un embouteillage intellectuel»
«Je suis peinée d’apprendre cette décision. L’Intelligent d’Abidjan est à féliciter parce que vous brisez le silence autour d’une décision impopulaire. Le ministère aurait pu éviter tout ce qui se dit contre cette décision s’il avait organisé des états généraux, une concertation nationale sur le sujet. Cela aurait permis à chaque acteur et partenaire du monde de l’éducation nationale de se prononcer et prendre une décision commune à présenter au Chef de l’Etat. Nous félicitons le ministre Cissé Bacongo pour les travaux de réhabilitation en cours mais sa décision entérinée par le Chef de l’Etat est un véritable drame. L’éducation est au cœur de la crise ivoirienne. La Côte d’Ivoire a entamé sa descente aux enfers à partir des malaises de son école et de son université. Depuis que l’école va mal dans notre pays, nous avons eu beaucoup de problèmes qui se sont soldés par une guerre fratricide. Aujourd’hui, au moment où le pays amorce sa sortie de crise, il est bon de trouver aux problèmes de notre société, des solutions consensuelles et concertées. Avec cette décision gouvernementale sans concertation, on va assister à un problème d’injustices sociales, de deux poids deux mesures. Les enfants de parents fortunés vont pouvoir suivre leurs projets universitaires à l’extérieur quand ceux de familles démunies et modestes seront contraints de rester à la maison sans rien faire à attendre septembre 2012. C’est donc un problème d’injustice qui se crée. La crise ivoirienne nous enseigne que les personnes victimes d’injustice, marginalisées et lésées finissent toujours par réagir non en douceur mais de manière violente. Nous avons plusieurs générations d’étudiants qui ne sont pas encore inscrits. Il y a des étudiants inscrits en 2008, qui n’ont pas bougé. Ils sont toujours à leur première année universitaire. A ceux-là, vont venir s’ajouter quatre générations de bacheliers dont ceux de 2009, 2010, 2011 et 2012. La décision de la réouverture en septembre 2012 va donc entraîner un embouteillage intellectuel, que l’activiste de l’Education et de la lutte contre la pauvreté que je suis, ne peut accepter et cautionner. Ne pas dénoncer cette mauvaise décision, ce serait trahir l’esprit des distinctions que j’ai eues ici et là notamment le prix des droits de l’Homme du gouvernement français en 2010. Il y a des étudiants qui ont passé près de dix ans et ils n’ont pas le moindre diplôme. C’est un drame. L’université est un véritable problème de développement en Côte d’Ivoire. Comment on peut régler le problème de société si on crée un goulot d’étranglement ? Cette décision trouble mon sommeil. Et j’interpelle le Chef de l’Etat qui sera jugé au soir de son mandat. Depuis que l’école, l’université va mal, la Côte d’Ivoire va mal. Il a promis aux Ivoiriens le changement. Cela doit être réel et non une illusion. Il faut qu’il évite au pays de retomber dans les mêmes travers. L’université est la vitrine d’un pays. C’est un symbole. L’université d’Abidjan fermée, cela communique un message que le pays va mal. Il faut regarder les symboles. Nous sommes dans le peuple. Nous écoutons et nous entendons. Quand des enfants d’un pays d’un certain âge ne vont pas à l’école et sont livrés à eux-mêmes, ils s’occupent à leur manière. Il ne sert à rien d’organiser des examens à grand tirage si au bout, les enfants qui ont fait l’effort d’avoir le Bac, ne peuvent pas accéder à l’université. C’est un véritable problème de développement. Nous avons plusieurs générations d’étudiants sur le carreau. Cela a participé à l’explosion sociale. Les générations sacrifiées, on n’en veut plus. Il ne faut pas aller dans les théories selon lesquelles on ne fait pas d’omelettes sans casser les œufs. Il faut convoquer tous les acteurs et partenaires à des états généraux de l’éducation nationale pour qu’une bonne solution soit trouvée. Sinon, septembre 2012 n’est pas une solution judicieuse ou éclairée.»
Me Yacouba Doumbia, Président du MIDH : «Nous condamnons une décision gouvernementale sans concertation»
«En tant qu’activiste des droits humains, la décision de fermeture des universités nous intéresse à plus d’un titre. Le droit à l’éducation est fondamental. C’est l’aboutissement de tous les autres droits qui ouvre la voie d’accès à la compréhension des autres droits. Quand ce droit est touché comme c’est actuellement le cas avec une décision de maintien de la fermeture des universités jusqu’en septembre 2012, cela nous interpelle. Nous avons été surpris et choqués par la manière même dont la décision a été annoncée. Elle n’a été précédée d’aucune sensibilisation, d’aucune préparation des esprits. N’ayant pas tous les éléments d’appréciation, nous estimons que la décision n’est pas fondée. Telle qu’annoncée, la décision ne peut que nous choquer. L’Etat a un rôle régalien de réguler la vie sociale. On a décrié l’université surtout sous les agissements de la Fesci. Mais cela ne peut pas, à notre avis, motiver une décision de fermeture. Tout comme la réhabilitation qui ne nous semble pas être un motif suffisant pour fermer pendant un an. Nous constatons qu’il y a donc une atteinte au droit à l’éducation et nous la condamnons. Cela veut dire que ceux qui ont eu leur baccalauréat pendant surtout ces quatre dernières années, ne pourront pas avancer au niveau de leurs projets universitaires. En outre, les divers acteurs de l’éducation n’ont pas été associés à la prise de cette décision. Un dialogue social autour de cette décision aurait permis à cerner l’opportunité. Ce qui n’a pas été le cas. Le MIDH est condamné à constater que l’université est fermée par une décision gouvernementale sans concertation et sans communication autour des motifs qui ont suscité cette décision. C’est pourquoi le MIDH souhaite un dialogue social autour de la question.
Coulibaly Djoman, SG du SYEE : «Notre université était une caserne militaire avec des caches d’armes»
«Nous avons été informés de la décision du Chef de l’Etat par le ministre Cissé Bacongo et nous pensons qu’il n’y a pas lieu de polémiquer sans maîtriser les données qui l’ont motivée. C’est pourquoi nous avons prévu une visite sur les sites. Mais, avant la crise, il faut reconnaître que notre université se trouvait dans un environnement malsain avec plusieurs problèmes. Notre université était devenue une caserne militaire avec des caches d’armes. Notre université, c’était la violence, l’injustice et le désordre. Il fallait rompre avec cette université de la peur et de la terreur. Il y a dès lors plusieurs chantiers qui s’imposaient à un gouvernement de vision et d’ambition pour créer dans notre pays une université de confiance, de marque et de prestige. C’est ce qui justifie les grands travaux engagés par l’Etat à travers le ministre de tutelle. Nous partageons cette vision et cette ambition. Nous sommes d’accord qu’il faut du temps pour mener les grandes réformes et les grands travaux. Mais, il ne faut pas que nos camarades restent oisifs dans ce processus. Hier, nous les étudiants, avons été incriminés comme ceux qui ont participé activement à la destruction de l’université ivoirienne. Aujourd’hui, il faut que nous soyons impliqués dans sa reconstruction. Nous souhaitons que le ministère, à travers les sociétés ayant eu le marché, engage nos camarades pour participer aux travaux. A côté de cette mesure, nous sollicitons l’orientation des étudiants qui le souhaitent dans les grandes écoles tout en veillant à ce que les coûts d’inscription dans ces écoles les concernant soient plafonnés à 40.000 F Cfa.»
Koné Lacina, Président de Mister University Côte d’Ivoire : «L’université va rompre avec son passé de violence et de médiocrité»
«Nous avons appris comme tout le monde cette décision à travers les médias. Et nous avons dénoncé cette procédure lors de notre rencontre avec le conseiller du Chef de l’Etat chargé de la jeunesse, M. Touré Mamadou. Après cette rencontre, nous avons été reçus en audience par notre ministre de tutelle qui nous a livré les enjeux des travaux sur les sites des universités d’Abidjan. Il nous a instruits de la volonté du Chef de l’Etat de faire de notre université un véritable pôle de développement. Il est prévu de grands chantiers pour la nouvelle université ivoirienne qui va rompre avec son passé d’université de violence et de médiocrité. Il est prévu un système pour absorber les bacheliers avant septembre 2012. L’ambition est grande selon ce qui nous a été expliqué. Et nous avons été convaincus par le ministre Cissé Bacongo. Notre association n’étant pas un syndicat, ne fait pas de revendications. Toutefois, nous plaidons auprès du ministre Cissé Bacongo pour que nous soyons associés à la reconstruction de l’université. Cela va sortir plusieurs camarades de l’oisiveté d’une part. Et d’autre part, de nous permettre de témoigner demain devant les générations futures que nous avons été des acteurs de la reconstruction de notre université. C’est la procédure que nous n’avons pas appréciée sinon la décision est bonne quand on apprécie avec lucidité et objectivité l’ampleur des travaux à mener dans des universités où il y a eu de l’auto-pillage. Elle va permettre d’écrire les nouvelles pages d’une université moderne et modèle qui rompt avec la violence, l’anarchie et la médiocrité.»
Dr Légré Okou, Président par intérim de la LIDHO : Les conséquences de la décision ont été minimisées»
«C’est une situation que nous regrettons parce que nous avons l’impression que ses conséquences ont été minimisées. Si la décision s’applique en l’état sans un certain nombre de mesures d’accompagnement, pour anticiper sur les dysfonctionnements que l’application va créer, on risque d’aller vers un blocage total. Si on s’en tient à cette décision, il s’agit juste de réhabiliter les structures existantes et non d’en créer de nouvelles. On ne nous donne aucune garantie sur le renforcement des capacités d’accueil qui vont en sortir. Si on ouvre l’université en 2012, cela veut dire que nous allons nous retrouver avec quatre générations de bacheliers qu’il faudra caser. Ce sera quatre années blanches qui auront ainsi été officialisées. Or l’année blanche doit être l’exception et non la règle. C’est ce qui nous inquiète. Quand on parle de fermeture des universités, on pense aussi à la fermeture des services de l’administration et du corps enseignant. Cela veut dire que les étudiants n’accèdent pas à leurs diplômes. Pour ceux qui veulent s’inscrire dans d’autres structures de formation, il faut qu’on leur permette d’avoir leurs dossiers. A côté, il y a des bacheliers qu’on n’oriente pas et qu’on est obligé de diriger vers les grandes écoles alors que ce n’est ni leur vocation, ni leur ambition dans la suite de leur parcours de formation supérieure. On aura alors une accumulation d’années universitaires dont on peut imaginer les conséquences. Cela fait également des doctorants en attente de soutenir leurs thèses qui ne peuvent pas le faire. Des bourses de recherche sont suspendues alors que les doctorants ont besoin de poursuivre leurs travaux. On aurait pu penser à une délocalisation provisoire. Et là, un comité de réflexion se mettrait en place de sorte à ne pas rester toute une année sans ne pas aller à l’école. Il y a beaucoup à faire mais quand on met tout à plat, quand on occulte tous les problèmes structurels et conjoncturels qui existaient et qu’on ne voit pas dans les perspectives un renforcement des capacités d’accueil, on se demande à quoi cela servira de réhabiliter les infrastructures d’accueil. Si on nous dit qu’au moment où les travaux vont s’achever, on partira d’une capacité de 30000 places à 70000 étudiants par exemple, cela est positif. C’est peut-être à ce niveau qu’on devrait nous donner des assurances. Ce qui n’est pas le cas actuellement. Nous saluons l’intérêt que le ministre Cissé Bacongo porte sur la question de conformer les normes de nos universités à celles internationales en matière d’éducation. Mais, nous vivons une réalité qui est qu’avant la crise, on vivait des années blanches de fait. Il faut associer la société civile pour qu’en même temps qu’on réhabilite, on trouve les moyens et mécanismes pour maintenir les étudiants à l’école. Et non en les laissant oisifs à la maison.»
Réalisé par M Tié Traoré
L'intelligent d'Abidjan
28 novembre 2011