Avec un nombre toujours en augmentation de zones passées sous le contrôle des forces rebelles, de nombreux touaregs maliens, accusés de soutenir Mouammar Kadhafi, retournent maintenant chez eux.
"Des douzaines de véhicules tout-terrain ont pénétré sur le sol malien à une heure avancée de la soirée jeudi dernier, le 25 août, transportant des dizaines de jeunes maliens", déclare Brahim al-Ansari, un habitant de Tombouctou, à Magharebia.
"Mais nous ne savons pas s'ils fuient la guerre en Libye après la chute deTripoli entre les mains des révolutionnaires, ou si ce sont des tireurs originaires de la zone et qui veulent revenir s'établir là-bas", ajoute al-Ansari.
Les habitants de certains villages du nord-est du pays, sur la frontière avec le Niger, affirment avoir vu un groupe formé d'environ 10 véhicules traverser la frontière. Outhman Ould Aweysoun, commerçant dans le village de Bokossa, dans la région de Kidal, au Mali, affirme qu'il a aperçu "un convoi de véhicules sous le commandement d'un officier militaire touareg, qui avait le grade de lieutenant-colonel dans l'armée libyenne pro-Kadhafi".
"Ces véhicules sont passés sans adresser la parole aux habitants locaux et sans s'approvisionner en eau ni en quoi que ce soit d'autre. Ces véhicules ne portaient pas de plaques d'immatriculations", dit Ould Aweysoun.
Les analystes expriment leur inquiétude concernant le fait que ces convois pourraient être impliqués dans le trafic d'armement. Mais les experts minimisent la probabilité que ces rapatriés puissent déclencher une nouvelle rébellion des touaregs, en raison de la mort soudaine du leader rebelle de cette communauté, Ibrahim Ag Bahanga.
"L'éventualité d'un début possible de rébellion est pour le moment exclue parce que les touaregs vont maintenant s'affairer à trouver un nouveau leader, capable d'unifier les rangs, et qui puisse posséder le même genre de charisme que celui de Bahanga", déclare Iselkou Ould Rajel, expert en affaires de sécurité.
"L'autre option à laquelle on peut penser, c'est que ces personnels militaires maliens reviennent avec des armes dans le but de les vendre à Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) et pour s'intégrer parmi les locaux pour deux raisons possibles", ajoute-t-il.
Ould Rajel indique que les touaregs peuvent vendre les armes pour en tirer bénéfice, ou disposer d'elles pour "éviter une réaction de la part de l'armée malienne qui est préparée à les attaquer au premier signe d'action militaire qui serait susceptible d'entraver le projet de développement majeur que le Gouvernement a commencé à exécuter au début du mois d'août. "
Certains spécialistes de la sécurité supposent par ailleurs que ces véhicules armés pourraient indiquer un désir de la part du fugitif Kadhafi d'ouvrir un nouveau front contre l'OTAN dans le nord du Mali, où l'ancien leader a tissé des liens très forts avec les touaregs locaux et la population arabe.
"Les relations amicales que le Col. Kadhafi a toujours entretenu avec les habitants de la zone, où il avait investi des fonds dans plusieurs projets et où il avait construit un certain nombre d'infrastructures, ont eu pour conséquence que les touaregs locaux et la population arabe ont prêté allégeance à Kadhafi bien davantage qu'ils n'ont confiance dans l'état malien auquel ils appartiennent", affirme l'analyste politique Betar Ould Naji.
"C'est Kadhafi qui avait soutenu les rebelles touaregs contre l'état malien, les approvisionnant en armes, et ouvrant pour eux les frontières libyennes au détriment des citoyens libyens", ajoute-t-il. "C'est également lui qui les a convaincus de rendre les armes et de signer l'accord passé avec le Gouvernement malien. Il se considère donc lui-même comme leur roi".
Pour leur part, certains habitants du nord du Mali ont exprimé leur volonté de protéger Kadhafi au cas où il ait fui la Libye.
"Je suis prêt à offrir un refuge à Kadhafi plutôt qu'à l'abandonner parce que nous ne sommes malveillants à son égard," explique un habitant de Gao à Jeune Afrique. Le magazine cite également deux autres résidents de la même ville qui déclarent être "préparés à protéger Kadhafi".
L'analyste Mohamed Ould Taqi indique que les maliens ont de la sympathie envers Kadhafi parce que "ils ne savent pas l'importance des destructions qu'il a infligé à son propre peuple. En plus, les habitants de ces régions n'avaient connu aucun investissement ni aucune aide avant l'arrivée de Kadhafi, qui voulait par de telles initiatives contrôler le Gouvernement malien".
"Les choses vont changer maintenant que le Gouvernement malien a lancé ce projet majeur de développement dans les régiuons du nord", dit Ould Taqi. "En résultat, la loyauté de la population locale envers le Gouvernement va se raffermir, les jeunes feront partie intégrante du processus de production ; c'est un facteur qui créera des difficultés de recrutement à Al Qaida".