Examens. C’est parfois ce à quoi recourent certains candidats après un échec scolaire.
Quartier Obili à Yaoundé, mercredi 7 juillet 2011. Alors que le jour s’est levé et que les populations vaquent tranquillement à leurs occupations, une maman sort de sa maison en pleurs, elle demande le secours du voisinage.
Sa fille, âgée de 15 ans environ, a décidé de mettre fin à ses jours. Elle s’est isolée dans sa chambre pendant des heures. Elle a été retrouvée affaiblie avec, à ses côtés, des comprimés de paracétamol qu’elle a écrasés et dont elle a avalé une partie, racontent les riverains. A l’origine, l’échec au Brevet d’études du premier cycle (Bepc). La fille, qu’on dit studieuse dans le coin, n’a pas accepté cette situation. Au quartier Nkomo, Nadine était inconsolable le 12 juillet 2011, suite à son échec au probatoire F3. N’eût été l’assistance de ses proches, elle aurait agi autrement, surtout qu’elle est à son troisième échec.
En 2009, un élève du collège adventiste de Yaoundé s’est tué en se passant une corde au cou après son échec au baccalauréat. En 2007 déjà, au quartier Manguiers à Yaoundé, une jeune fille, pour n’avoir pas été reçue au baccalauréat, s’était taillé les veines de ses deux bras. Ses parents l’avaient alors transportée d’urgence à l’hôpital. Bien qu’éloignée de la mort, la jeune fille n’a pas facilement récupéré. Elle n’a pu reprendre les classes qu’au deuxième trimestre de l’année scolaire 2008/2009. Ce retard, elle ne le rattrapera que deux années plus tard. Elle ne sera reçue à cet examen qu’en 2010.
Les cas de tentatives de suicides et de fugues après un échec scolaire sont enregistrés de temps à autre pendant la période des vacances (juillet/août). Celle qui équivaut à la proclamation des résultats des examens de fin d’année. Certaines personnes banalisent le fait en l’assimilant à de la sorcellerie.
Pourtant, Jean Philippe Nguemeta, enseignant de philosophie au lycée de Bare, dans le Moungo, région du Littoral, interpelle les parents. « L’enfant qui n’est pas reçu à un examen doit être assisté psychologiquement. Dans son entourage, il faut qu’on lui dise que l’échec peut être un tremplin pour des victoires futures », conseille-t-il. Pour lui, « les conseillers d’orientation doivent aussi préparer les candidats aux examens à bien gérer les résultats, quels qu’ils soient ».
Adrienne Engono
“On doit parler posément à l’enfant”
Brigitte Matchinda. Psychologue, elle propose des solutions pour gérer les échecs scolaires.
Quelle est l’attitude à adopter par le parent selon que l’enfant était studieux ou non ?
L’attitude du parent doit être constante et consistante. Elle ne doit pas varier de façon asymptotique dans un cas ou dans l’autre. Le parent c’est avant tout celui qui écoute et accompagne. Un parent qui a observé que son enfant n’est pas studieux et n’a rien fait ne devrait s’attendre, sauf surprise heureuse, à aucun résultat positif. Donc, la réaction du parent c’est sa capacité d’écouter, de discuter, d’encourager et d’accompagner l’enfant au cours de l’année scolaire. Si malgré tout cela l’enfant venait à échouer, je pense que le parent devrait simplement continuer à l’encadrer, à le consoler (s’il dramatise son échec), à chercher pourquoi il n’a pas réussi et l’encourager à ne pas baisser les bras.
Dans des familles, des parents privent parfois ceux qui ont réussi de cadeaux pour, disent-ils, ne pas frustrer ceux qui ont échoué. Que faut-il faire pour encourager celui qui a bien travaillé?
Normalement, chaque enfant a droit à un ou plusieurs cadeaux selon la bourse des parents. Des cadeaux qui peuvent être un voyage, des jouets, l’inscription à un club, l’achat d’un objet de valeur désiré par l’enfant constituent des leviers essentiels pour des vacances bien méritées par les enfants. Que certains soient spécialement gratifiés parce qu’ils ont affiché des performances exceptionnelles, d’accord. Mais que les enfants en soient privés parce qu’ils n’ont pas réussi, je me pose la question de savoir le sens qu’on donnerait à ce moment-là, à leurs vacances et ce que les parents seraient en droit d’attendre l’année suivante pour un enfant qui repartirait à l’école frustré. A mon avis, aucun enfant ne mérite d’être frustré, et les résultats d’examens ne devraient pas constituer un moyen de chantage et de pression psychologique sur les enfants.
Comment faut-il parler à un enfant qui a échoué l’envoyer à l'école pendant les vacances pour le remettre à niveau?
On doit parler posément à un enfant qui a échoué, sans passion, ni irritation, sans énervement. L’attente des résultats doit déjà envisager les deux issues, l’échec ou la réussite, même avec des enfants surdoués. Lorsque les parents ont préparé leur enfant à ces éventualités, je pense qu’ils n’auront aucune peine à discuter avec lui en cas d’échec.
On a parfois des cas d'élèves qui tentent de se suicider ou de faire des fugues après un échec à l'examen. Comment prévenir tout ceci?
Pour prévenir des fugues ou des suicides d’enfants après un échec, il faut éviter de faire des chantages affectifs et /ou financiers à l’enfant et conditionner l’obtention des cadeaux par la réussite. Ou alors être toujours tenté d’expliquer l’échec par la paresse ou par le comportement de l’enfant. Par exemple, certains parents vont dire que leurs filles ont échoué parce qu’elles sont des vagabondes sexuelles. Alors, pour ne pas se laisser acculer ou parfois même fouetter ou humilier, d’autres préfèrent évidemment fuir la honte et se suicider.
Propos recueillis par A.E.